Intervention de Joël Barre

Réunion du jeudi 17 octobre 2019 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Joël Barre, délégué général pour l'armement :

Je propose de commencer par un bilan de l'exécution du budget de l'année 2019, avant de passer à l'année 2020. Sur le programme 146, nous avons un niveau d'engagement prévu en fin d'année de 14,4 milliards. Nous aurons commandé en 2019 les quatre bâtiments ravitailleurs de force (BRF) de la Marine nationale, désignés lors de nos réunions précédentes par leur nom de programme « flotte logistique » ou FLOTLOG. Nous avons commandé les premiers exemplaires des missiles M51.3 de la force de dissuasion, c'est-à-dire le nouvel incrément du missile M51 de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Nous aurons commandé deux avions de guerre électronique dans le cadre du programme « capacité universelle de guerre électronique » (CUGE) – successeurs des Transall C-160 Gabriel. Et nous aurons commandé aussi le sixième et dernier sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) de nouvelle génération Barracuda. Cette dernière commande a été effectuée en juin 2019.

Les besoins de paiement 2019 se montent à 13,3 milliards, pour des ressources en crédits de paiement disponibles qui s'élèvent à 10,6 milliards, auxquelles nous pouvons rajouter la réserve de précaution actuellement mise de côté de 348 millions, qui correspond à 3,2 % des crédits du programme 146.

Comme nous l'avions fait en 2018, nous avons mis en place ce que nous appelons une « gestion dynamique » de cette réserve gelée. Nous ajustons le montant des engagements réalisés tout au long de l'année en fonction de l'évolution budgétaire du programme en matière de paiements, c'est-à-dire en fonction de l'avancement des contrats que nous passons au cours de l'année, des besoins de paiement réels tels qu'ils se confirment au fur et à mesure de l'évolution des programmes, ou encore des résultats de nos négociations avec les industriels lorsque nous passons ces contrats.

Le report de charges du programme 146 à la fin de l'année 2019 est estimé à 2,6 milliards d'euros, soit un montant conforme à la trajectoire fixée par la LPM. Concernant les études amont inscrites au programme 144, le niveau d'engagement prévu à la fin de l'année est de 920 millions, soit une hausse significative, de 18 %, par rapport à 2018 – ce qui est cohérent avec la trajectoire d'augmentation du budget des études amont. Nous visons en effet au titre de la LPM un montant d'un milliard d'euros en 2022 pour les études amont.

Les besoins de paiement sont quant à eux de 759 millions pour une ressource en loi de finances initiale équivalente, avec toutefois une réserve de 25 millions d'euros. Nous estimons que nous dépenserons la totalité de la ressource disponible d'ici la fin de l'année 2019. Les principales études lancées en 2019 concernent le système de combat aérien du futur (SCAF), le Main Ground Combat System (MGCS), en partenariat avec nos amis allemands, le partenariat d'innovation « architecture de traitement et d'exploitation massive de l'information multisource » (ARTEMIS) qui vise à mettre au point une infrastructure de traitement des données massive dans notre ministère, et le porte-avions de nouvelle génération (PANG) sur lequel nous avons commencé à travailler.

Enfin, je signale que dans l'enveloppe « études amont » 95 millions d'euros bénéficieront à la recherche académique et à l'innovation en cycle court, sous l'impulsion de l'Agence d'innovation de défense (AID) créée en 2018. À ce titre, 50 millions seront consacrés aux dispositifs de régime d'appui pour l'innovation duale (RAPID) à destination des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) de notre pays. Enfin c'est aussi avec cette enveloppe que nous finançons les investissements du fonds Def'Invest mis en place avec Bpifrance fin 2017. Après presque deux ans d'activité, nous en sommes aujourd'hui à six investissements réalisés dans des PME ou des start-ups que nous considérons comme des pépites technologiques et qui relèvent de cet objectif.

S'agissant des livraisons réalisées dans l'année 2019, je voudrais signaler tout d'abord les premiers équipements portatifs de communications numériques tactiques et de théâtre (CONTACT). Nous avons récemment inauguré avec Thales la chaîne de production qui se trouve à Cholet. Nous avons livré les douze premiers véhicules blindés multirôles (VBMR) Griffon du programme Scorpion. Cette livraison a donné lieu à une cérémonie organisée à Satory le 4 juillet. Nous avons également livré un premier lot de missiles de croisière navals (MdCN) pour Barracuda, ainsi que le troisième lot pour les frégates multimissions (FREMM). Une frégate multimissions d'action sous-marine (ASM) a d'ailleurs été livrée en juillet. Nous avons livré le quinzième A400M Atlas en avril, et le second avion ravitailleur MultiRole Tanker Transport (MRTT) Phénix en juillet, avec trois mois d'avance.

D'ici la fin de l'année, il nous reste à livrer le troisième système de drones MALE REAPER ainsi que les 500 premiers véhicules légers tactiques polyvalents non protégés (VLTP NP) destinés à notre Armée de terre. Concernant l'exportation, je vous rappelle les chiffres 2018. La prise de commandes française s'est élevée en 2018 à 9,1 milliards d'euros, soit une augmentation de près de 30 % par rapport à 2017. Près d'un quart de ce montant concerne des exportations réalisées auprès de nos partenaires européens, en particulier dans le cadre du contrat portant sur le programme de capacité motorisée (CAMO) destiné à renouveler la capacité motorisée de l'armée de Terre belge – contrat CAMO dont nous avons déjà parlé et qui est désormais en vigueur. Nous pouvons également signaler la vente par Airbus Helicopters d'hélicoptères NH90 à l'Espagne.

Je crois que nous pouvons nous féliciter de ce résultat qui est à mettre sur le compte des actions de nos industriels et du dispositif de soutien aux exportations en place au sein du ministère, à la Direction générale de l'armement (DGA) ainsi que dans les armées. S'agissant du soutien à l'export, nous avons musclé notre dispositif à l'égard des PME avec la création du label « Utilisé par les armées françaises », annoncée lors du dernier Salon du Bourget. À ce jour, nous avons labellisé une quinzaine de matériels réalisés par ces PME et autres entreprises de petite taille. La DGA comptera 10 019 équivalents temps plein (ETP) fin 2019, pour une masse salariale de 780 millions d'euros.

J'en viens à présent au PLF 2020. Pour ce qui concerne le programme 146 et les investissements en matériels d'armement, les promesses de la LPM sont tenues. Les budgets du programme 146 comme du programme 144 augmentent de manière substantielle. Le programme 146 voit sa ressource augmenter, à périmètre constant, de 1,3 milliard en CP. Cet effort s'effectue principalement au profit des programmes à effet majeur (PEM), dont la hausse de 1,1 milliard d'euros pour 2020 représente près des deux tiers de l'augmentation de l'ensemble de la mission « Défense », qui s'élève à 1,7 milliard.

L'augmentation de l'allocation de CP pour les PEM permettra de lancer des commandes, mais également d'alléger le report de charges. À la fin de l'année 2020, le report de charges, conformément à la trajectoire de la LPM, diminuera en effet pour atteindre 2,4 milliards – soit une baisse de 200 millions d'euros par rapport aux 2,6 milliards de fin 2019.

Le programme 146 connaît cette année une légère évolution de périmètre, car sont transférés du programme 212 au programme 146 les crédits des programmes majeurs d'infrastructure – c'est-à-dire les crédits d'infrastructure qui sont adossés aux programmes d'armement. Ce transfert représente un montant de 312 millions d'euros. Son objectif est de mieux garantir la cohérence des opérations d'ensemble que représentent un programme d'armement et l'infrastructure associée – la maîtrise d'ouvrage des infrastructures restant de la responsabilité du Service d'Infrastructure de la Défense (SID).

J'en viens à présent aux principaux engagements prévus en 2020. Les besoins d'engagement s'établissent à près de 22 milliards d'euros, soit une augmentation très substantielle de 50 % par rapport à 2019. Nous comptons lancer en 2020 la réalisation du SNLE de troisième génération, donc le renouvellement de la composante océanique.

Est également prévue la commande de quatre systèmes de drones MALE, sous réserve que nous bouclions la négociation correspondante avec l'industrie d'ici la fin de l'année 2019.

Au titre du programme Scorpion, nous engagerons la commande des premiers véhicules légers Serval, au nombre de 364. Vous avez pu voir récemment des photographies dans la presse des premiers engins d'essai de qualification industrielle. Nous continuerons les achats de Griffon et nous engagerons les premiers achats d'engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar. Nous prévoyons en effet de lancer la commande de 42 Jaguar, ainsi que la rénovation des 50 chars Leclerc qui feront partie du programme Scorpion. Nous lancerons également la réalisation du troisième standard de l'hélicoptère Tigre (Mk3). Pour la Marine, nous remplacerons les Hawkeye E-2C par des Hawkeye E-2D, en commandant trois appareils de guet aérien embarqués.

En ce qui concerne les paiements liés au programme 146 pour l'année 2020, les besoins de paiement s'élèvent à 12,5 milliards d'euros hors report de charges, dont 6,9 milliards d'euros destinés aux PEM. La ressource budgétaire allouée en CP au titre du PLF 2020 qui vous est soumis est de 12,6 milliards, soit une hausse de 1,3 milliard – dont 1,1 milliard pour les PEM comme je l'ai signalé plus haut, et hors transfert des crédits des programmes d'infrastructure à hauteur de 312 millions. S'agissant des principales livraisons prévues en 2020, nous devons livrer pour l'Armée de terre le second système de drone tactique (SDT) PATROLLER. Nous devons également livrer 1 000 VLTP NP, 7 hélicoptères NH90, ainsi que 128 Griffon qui viendront s'ajouter aux 92 de 2019, et les quatre premiers EBRC Jaguar. Pour la Marine, je signale en particulier l'arrivée du Suffren, saluée par le Président de la République le 12 juillet dernier à Cherbourg. Le premier Suffren doit être livré à l'été 2020.

Pour l'Armée de l'air et de l'espace – cette nouvelle dénomination n'étant pas encore officielle –, je signale la mise en orbite du deuxième satellite « composante spatiale optique » (CSO), membre de la nouvelle génération des satellites à imagerie optique. Le premier d'entre eux a été lancé, comme vous le savez, en décembre 2018 et ses performances en imagerie sont tout à fait remarquables. Le lancement du deuxième satellite est prévu pour sa part à la fin du premier trimestre ou au début du deuxième trimestre 2020. Ce satellite sera placé sur une orbite plus basse que son prédécesseur, ce qui garantira une résolution encore meilleure que celle dont nous disposons avec celui-ci. Nous avons également prévu de livrer en 2020 deux autres avions A400M, ce qui devrait porter le nombre total de ces avions fournis à l'Armée de l'air à 17. Nous espérons d'ailleurs pouvoir livrer l'un de ces deux avions dès la fin de l'année 2019. Et nous livrerons aussi le troisième Phénix MRTT.

Concernant le programme 144, les ressources consacrées aux études amont poursuivront la hausse programmée dans la LPM. Nous aurons 1 milliard d'euros d'engagements et 821 millions d'euros de paiements consacrés à ce programme 144, soit une hausse de 9 % en engagement et de 8 % en paiement, l'objectif étant de parvenir à un total de 1 milliard d'euros en paiement en 2022. Nous poursuivrons par ailleurs l'effort en recherche académique et en innovation en cycle court, en rajoutant 10 millions par rapport au chiffre de 2019. Nous passerons ainsi de 95 millions à 105 millions. L'objectif est de poursuivre le soutien à l'innovation des PME et des petites et moyennes industries (PMI).

Les crédits accordés aux études amont maintiendront l'effort déjà engagé en matière d'innovation, notamment dans le domaine de la cyberdéfense, où nous avons prévu un peu moins de 20 millions d'euros de CP en 2020. L'effort sera également poursuivi en matière de dissuasion pour continuer la préparation du renouvellement de la composante océanique et de la composante aéroportée.

Dans le domaine des missiles, nous avons un rendez-vous important avec nos amis britanniques sur le programme de futur missile antinavirefutur missile de croisière (FMANFMC), qui s'inscrit dans le cadre du renouvellement du système de croisière conventionnel autonome à longue portée et d'emploi général (SCALP-EG) et des missiles Exocet. Nous continuerons en outre le projet de démonstrateur de planeur hypersonique engagé en 2018, ainsi que les travaux de coopération avec nos amis allemands sur le MGCS et conjointement avec nos amis espagnols sur le SCAF.

J'en viens enfin à la DGA. La DGA poursuit l'ensemble de ses chantiers de transformation, à commencer par la remontée des effectifs inscrite dans la LPM. La cible est ainsi fixée à 10 156 ETP d'ici fin 2020. Cette démarche vise à répondre aux nouvelles missions en développement – cyberdéfense, intelligence artificielle – ainsi qu'à l'augmentation du budget d'investissement que j'ai évoquée. Un mouvement de transformation sociologique est par ailleurs en cours au sein de la DGA. Nous passerons ainsi progressivement d'un peu plus de 50 % à 60 % de personnels de niveau 1 en 2021.

Nous avons mis en place de nouveaux processus de préparation et de conduite des opérations d'armement. Ainsi, en liaison avec les États-majors nous avons créé un plateau conjoint à Balard entre l'État-major des armées et la DGA pour préparer les commandes futures dans une démarche capacitaire, l'idée étant de préparer ces commandes par capacités et non plus programme par programme.

Nous avons simplifié les processus par l'établissement d'un document unique de besoins qui vient remplacer les fiches de caractéristiques militaires et de spécifications techniques des besoins anciennement employées. Nous devons aussi généraliser des plans d'essais et d'expérimentations communs entre les industriels, la DGA et les armées, afin de gagner en efficacité et en rapidité. Nous généralisons l'approche incrémentale dans nos projets de manière à pouvoir livrer au fur et à mesure de leur disponibilité les innovations technologiques permettant de répondre aux besoins opérationnels de manière plus satisfaisante, ou à tout le moins plus rapidement.

Nous rééquilibrons par ailleurs notre relation avec l'industrie. Nous avons ainsi durci notre dispositif contractuel pour que les industriels tiennent mieux leurs engagements en matière de réalisation des programmes. Grâce à la LPM, nous nous sommes également dotés d'une capacité d'enquête de coûts a priori, alors que nous n'avions jusqu'à présent qu'une capacité d'enquête de coûts a posteriori. Et nous voulons assurer à la puissance publique le retour sur investissement qui nous paraît légitime en matière de bénéfices aux exportations. L'idée est que les actions d'exportation des industriels s'accompagnent d'un retour pour l'État qui les a soutenues. Sur le plan de l'innovation, après un an d'activité, l'AID est en place. Son intégration aux autres directions de la DGA – direction technique, sous-direction des méthodes et du management des projets – est effective. Les processus et les effectifs sont présents, même si une montée en puissance complémentaire reste à réaliser.

Ceci s'est déjà traduit par des projets concrets. Des expérimentations ont été menées pour l'usage de robots au profit de l'Armée de terre. D'autres ont été conduites par le biais de challenges adressés à des étudiants dans le domaine de l'intelligence artificielle. Nous pouvons citer en outre la création de la cellule de coordination de l'intelligence artificielle de défense (CCIAD) courant juillet 2019, qui a constitué l'une des principales conclusions des travaux de la task force « intelligence artificielle », menés le mois précédent. Nous avons également créé quatre clusters d'innovation autour de nos centres techniques de la DGA : à Toulon, Vert-le-Petit, Bourges et Brest. Ces clusters ont pour mission d'assurer le relais de l'action de notre ministère en matière d'innovation, à partir des écosystèmes régionaux existant déjà autour des centres techniques de la DGA.

Nous avons aussi veillé à développer les actions que nous menons en matière de coopération européenne. Celle-ci peut être bi ou multilatérale, avec nos grands partenaires que sont les Allemands, les Britanniques, les Italiens, les Belges ou les Espagnols, autant qu'avec les autres pays européens, notamment dans un cadre large au niveau de l'Europe communautaire, qui recouvre tout ce qui se passe à Bruxelles. Nous pouvons citer dans ce dernier domaine les actions préparatoires menées dans la perspective du fonds européen de la défense (FED). Pour ce qui concerne le programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID) – c'est-à-dire les 500 millions prévus par la Commission sur la période 2019-2020 en attendant le FED du prochain plan de la Commission –, nous sommes satisfaits du positionnement obtenu sur deux projets européens qui feront l'objet d'une contribution de ce PEDID, d'ores et déjà hors compétition. Il s'agit de l'Eurodrone MALE et du programme de radios logicielles European Secure Software Defined Radio (ESSOR), tous deux déjà en place au sein de l'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR).

Dans le cadre des appels à projets en compétition, nous avons également présenté en tant que nation pilote trois projets supplémentaires. Il s'agit d'un projet de ballons de surveillance et de renseignement (High Altitude Pseudo-Satellite – HAPS), d'un projet de terminal de réception de radionavigation Galileo ainsi que du projet Beyond Line of Sight (BLOS), portant sur un missile terrestre capable de tirer au-delà de la vue directe.

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