Intervention de Joël Barre

Réunion du jeudi 17 octobre 2019 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Joël Barre, délégué général pour l'armement :

Nous avons effectivement à mener une action de développement de composants stratégiques en France et en Europe pour essayer de nous dégager progressivement de la contrainte de l'International Traffic in Arms Regulations (ITAR). En effet, notre premier problème actuellement est que nos armements et nos matériels contiennent des composants américains qui sont ou peuvent être soumis – cette décision relevant entièrement du libre arbitre des États-Unis – à une contrainte ITAR potentiellement handicapante en matière d'exportation. Nous cherchons donc à désensibiliser au maximum, autant que possible, les nouveaux programmes. Nous inscrivons ainsi une exigence d'insensibilité ITAR dans les spécifications initiales des programmes à venir. Nous cherchons aussi à développer des filières de composants stratégiques, soit de manière franco-française au titre de nos actions d'études amont, soit au titre des programmes européens, notamment de l'action préparatoire sur la recherche en matière de défense (Preparatory Action on Defence Research – PADR) qui constitue l'autre volet préparatoire du FED.

Nous avons par ailleurs présenté en juillet 2019 les propositions destinées à la troisième vague de la CSP. J'y reviendrai plus loin. Le choix n'est pas encore fait, mais devrait être posé dans les semaines à venir. Concernant les programmes franco-allemands, dans le cadre du Conseil des ministres franco-allemand (CMFA) qui s'est réuni le 16 octobre s'est tenue une nouvelle session du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité (CFADS). À cette occasion a été acté l'avancement de nos programmes communs en matière d'aviation de combat du futur et de chars de combat du futur.

Pour le MGCS, nous avons obtenu le 15 octobre une lettre d'intention cosignée par les industriels allemands Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall et l'industriel français Nexter, visant à s'accorder sur l'organisation industrielle de la première tranche de travail de ce programme, consacrée aux études d'architecture. Cet accord d'organisation a été acté après plusieurs mois de discussions. Nous avons veillé à ce qu'il préserve les intérêts de Nexter. La part française est ainsi de 50 %. Nous avons également veillé à ce qu'il préserve l'existence de KNDS, la société commune franco-allemande créée entre Nexter et Krauss-Maffei Wegmann en 2015-2016. Celle-ci se voit en effet accorder les deux tiers des responsabilités du programme. Cet accord me semble donc être un bon accord industriel, qui répond à la demande allemande, incontournable, de faire entrer Rheinmetall dans le jeu tout en préservant les intérêts de Nexter comme ceux de KNDS.

Concernant l'avion de combat du futur, nous nous apprêtons à notifier, dans les jours à venir, la deuxième tranche de l'étude d'architecture initiale – Joint Concept Study (JCS) – notifiée en janvier 2019. Cette deuxième tranche signera l'arrivée du financement allemand. En effet, comme vous vous en souvenez peut-être, nous avons démarré les travaux sur l'avion de combat du futur sur la base d'un financement français faute d'argent allemand disponible, du fait de processus internes d'autorisations d'engagement au sein du Bundestag. Dès cette semaine, ou la semaine prochaine, nous serons donc capables de notifier le premier contrat correspondant.

S'agissant du premier contrat de développement technologique, qui viendra compléter l'étude d'architecture système, nous nous sommes mis d'accord avec les Allemands le 16 octobre pour achever sa mise au point d'ici janvier 2020. Le principal problème demeure l'accord à obtenir pour le moteur entre les deux industriels Safran et MTU. Les discussions correspondantes n'ont pour l'instant pas été concluantes. Nous avons relancé ce processus, l'idée étant de le faire aboutir afin que le premier contrat de développement technologique puisse être lancé en janvier prochain. Nous pouvons souligner par ailleurs que le CFADS du 16 octobre et le CMFA qui l'a suivi ont été l'occasion pour nos deux pays de parapher un accord de règles communes en matière d'exportation, ce qui constitue également une étape significative de ce parcours. J'en viens à présent à l'AID. Son objet est effectivement de créer des outils, des capacités et des processus permettant de travailler dans le temps court. J'ai évoqué plus haut notamment les expériences conduites récemment dans le domaine de la robotique avec l'Armée de terre. Les ressources, financières et humaines, nécessaires sont en place. Je rappelle notre trajectoire d'atteinte du milliard en 2022 pour les études amont, conformément à la LPM.

Je reviens ensuite à la CSP. La France a proposé trois projets en juillet dernier concernant les capacités de combat collaboratif, les capacités de surveillance et d'interception de menaces balistiques, et les matériaux et composants critiques. La troisième vague est en préparation. Le verdict doit tomber en novembre 2019. Les camouflages dont vous avez parlé, Monsieur le député Lainé, sont bien prévus d'être considérées dans l'intégration du programme Scorpion, dans la mesure où ces innovations, que vous avez pu voir au cours de l'AdT Show, sont matures et industrialisables. Et vous avez raison de souligner l'importance des camouflages sur le plan opérationnel. Pour les véhicules actuellement en service, des programmes d'amélioration continue sont en oeuvre. Ils se feront toutefois au fur et à mesure des capacités techniques et des priorités budgétaires établies avec l'Armée de terre. J'en viens à présent aux questions de M. le député Chassaigne sur la souveraineté.

Pour ce qui concerne les moyens dont la DGA doit disposer, sa trajectoire en matière d'effectifs correspond strictement au redressement de la courbe acté dans la LPM. Ceci se déroule sans difficulté particulière. Grâce au fonds Def'Invest, nous investissons effectivement avec Bpifrance dans les PME et les start-ups dont nous estimons qu'elles représentent une pépite technologique qu'il convient de consolider, et parfois aussi pour éviter une éventuelle captation par un industriel étranger.

Le fonds Definvest est doté de 50 millions depuis 2017. À ce jour, nous avons investi six tickets d'investissement « entreprises ». Ces investissements sont décidés en commun entre Bpifrance, gestionnaire de l'investissement public, et la DGA, chargée d'évaluer l'intérêt technique de l'opération. Ces six tickets investis en dix-huit mois me semblent constituer un bon résultat qui montre que ce système est efficace. Il l'est d'autant plus qu'il couvre des domaines très variés, allant du nanosatellite avec la start-up bretonne Unseenlabs à la photonique avec l'entreprise de deep-tech rennaise Cailabs, en passant par des dispositifs optiques. Tout ceci fonctionne très bien. Ce que nous avons fait jusqu'à présent donne satisfaction aux industriels concernés.

Vous avez posé aussi une question sur la propriété capitalistique des sociétés. À titre personnel, je ne vois pas de difficulté avec les sociétés avec lesquelles nous travaillons, quelle que soit la propriété de leur capital, d'autant que l'État est présent d'une manière ou d'une autre dans les entreprises comme Thales, Dassault ou Naval Group. Cette présence se matérialise soit directement au capital, soit par le biais d'une convention particulière dont ces entreprises font l'objet. Nous avons donc les moyens de tenir notre rôle et de veiller à ce que ces entreprises n'aillent pas à l'encontre des intérêts publics que nous représentons. Pour ma part, je pense qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir. Par ailleurs, nous disposons de l'autonomie opérationnelle que vous mentionniez. Je me permets de m'inscrire en faux contre vos propos, Monsieur le député. Nous ne sommes pas du tout dépendants de l'OTAN au point où vous l'avez souligné.

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