Intervention de Joël Barre

Réunion du mercredi 18 octobre 2017 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Joël Barre, délégué général pour l'armement :

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de me recevoir dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2018. Je ferai tout d'abord un bilan de la situation budgétaire de l'année 2017. Je parlerai ensuite du projet de loi de finances pour l'année 2018, pour ce qui concerne le programme 146 « Équipement des forces », dont nous, direction générale de l'armement (DGA), assumons la responsabilité conjointement avec le chef d'état-major des armées. Nous évoquerons également le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », pour la partie relative aux études amont conduites par la DGA.

Commençons par l'exécution budgétaire 2017.

Le niveau d'engagements prévu à la fin de cette année, relativement élevé, est de 12,1 milliards d'euros pour le programme 146. Cela concerne notamment de grands programmes ou programmes à effet majeur (PEM), en particulier : le lancement de la réalisation des frégates de taille intermédiaire (FTI) au début de l'année ; dans le cadre du programme Scorpion des matériels de l'armée de terre, la commande de 319 véhicules blindés multi-rôles (VBMR) lourds Griffon, ainsi que le développement et les 20 premiers exemplaires de l'engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar. Ces engagements comportent aussi la rénovation des frégates La Fayette ou celle du cockpit des avions AWACS (Airborne Warning and Control System), et la commande des lancements des satellites de télécommunications militaires de quatrième génération. Voilà pour les principaux engagements de l'année 2017.

Les besoins de paiements sont aujourd'hui estimés à 11,4 milliards d'euros, tandis que les ressources en crédits de paiement disponibles s'établissent quant à elles à 9,3 milliards d'euros au titre de la loi de finances initiale et des aléas de gestion survenus au cours de cette année 2017. S'y ajoutent 700 millions d'euros actuellement gelés, dont le dégel est l'objet des discussions actuellement permanentes entre le ministère des Armées et le ministère de l'Économie et des finances.

En trésorerie, la gestion 2017 a été plus particulièrement marquée, au mois de juillet, par un décret d'avance annulant 850 millions d'euros de crédits du ministère des Armées. Cette annulation a été entièrement supportée par le programme 146. Cela entraîne un report de charges du programme 146 à la fin de l'année 2017, d'un montant estimé aujourd'hui à 1,7 milliard d'euros, si les 700 millions d'euros dont j'ai parlé tout à l'heure sont intégralement dégelés. Tout ce qui ne sera pas dégelé s'ajoutera donc à ce report de charges d'au moins 1,7 milliard. Il sera donc finalement compris entre 1,7 et 2,4 milliards d'euros.

En ce qui concerne les études amont du programme 144, le niveau d'engagement prévu pour la fin de l'année 2017 est de 861 millions d'euros, mais il faudra en retrancher le montant relatif à la prochaine phase du démonstrateur de drones de combat, le FCAS (Future Combat Air System), mené avec les Britanniques, qui sera engagée non en 2017 mais en 2018. Le montant des engagements sera donc inférieur. Les besoins de paiement actualisés pour 2017 sont estimés à 820 millions d'euros. La totalité de la ressource disponible en crédits de paiement sera donc consommée d'ici à la fin de l'année. Comme chaque année depuis 2015, nous avons consacré 50 millions d'euros aux dispositifs d'aide aux petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) duales et innovantes dans le cadre du dispositif que nous appelons RAPID (régime d'appui pour l'innovation duale). Ces 50 millions d'euros sont donc venus soutenir ces PME et ETI en 2017 comme cela avait été le cas au cours des deux années précédentes.

En 2017, nous avons principalement engagé des études sur les volets aéronautique et naval de la guerre électronique. Nous avons également engagé des études relatives au radar de prochaine génération pour les systèmes sol-air à moyenne portée futur, le radar sol à antenne active. Nous poursuivons les études de concept pour les futurs missiles de croisière et antinavires, en coopération avec notre partenaire britannique, et nous avons évidemment un certain nombre de travaux technologiques dans le domaine des composants et des systèmes optroniques, par exemple des détecteurs infrarouges de nouvelle génération. Nous avons par ailleurs étudié le domaine de l'architecture du système de communication des aéronefs et obtenu des résultats significatifs. Nous avons évalué en conditions représentatives la capacité de tenue de situation multiplateforme pour la marine, ou encore démontré les capacités de pénétration de têtes militaires polyvalentes pour les missiles de combat terrestres.

En ce qui concerne les livraisons, nous avons en particulier livré trois avions de transport A400M, neuf hélicoptères NH90, cinq hélicoptères Tigre, 379 porteurs polyvalents terrestres, un lot de missiles de croisière navals, un Rafale neuf, deux Rafale marine F1 rétrofités au standard F3, une frégate multi-missions, un bâtiment multi-missions, ainsi que deux patrouilleurs de nouvelle génération, les patrouilleurs légers guyanais, et 5 340 fusils d'assaut HK416F de nouvelle génération – l'arme individuelle future (AIF) destinée à l'armée de terre.

En 2017, nous avons, comme précédemment, conduit un certain nombre d'« urgences opérations » au titre du programme 146 – ce sont les opérations engagées le plus rapidement possible, en général sur une demande expresse des forces en opération. Les opérations engagées ou prévues d'ici fin 2017 pour un montant total de 27,5 millions d'euros concernent, entre autres, des véhicules blindés hautement protégés pour les forces spéciales, des fusils brouilleurs anti-drones, des télépointeurs d'acquisition d'objectif. Cela répond aux différents besoins exprimés, en particulier par les forces spéciales.

À l'exportation, facteur important de soutien de nos entreprises de la base industrielle et technologique de défense, puisqu'aujourd'hui elles réalisent à l'export de l'ordre de 30 % de leur chiffre d'affaires, l'année 2016 s'est inscrite dans la continuité de l'année 2015, avec une prise de commandes totale de l'ordre de 14 milliards d'euros et, en particulier, l'engagement du partenariat entre la France et l'Australie, puisque celle-ci a choisi Naval Group pour la conception et la réalisation de douze sous-marins à propulsion classique et à vocation océanique. Ce projet franco-australien se met en place dès aujourd'hui, puisqu'arrivent actuellement à Cherbourg une cinquantaine d'Australiens. Signalons aussi l'accord avec la Belgique, qui a fait le choix des véhicules développés dans le cadre du programme Scorpion pour répondre aux besoins de son armée de terre.

La décroissance des effectifs de la DGA, engagée en 2014, est aujourd'hui suspendue. Nous nous orientons plutôt vers une stabilité ou une légère croissance des effectifs. La prévision d'atterrissage à la fin de l'année 2017 est de 9 710 emplois à temps plein, pour une masse salariale de 750 millions d'euros.

J'en viens au projet de loi de finances pour 2018.

En ce qui concerne le programme 146, nous prévoyons 11,4 milliards d'euros d'engagements, soit à peu près le même montant qu'en 2017, pour une ressource en autorisations d'engagement de 13,7 milliards d'euros. Nous prévoyons en particulier le lancement des travaux nécessaires au prochain standard du Rafale, le standard F4, le lancement du missile successeur du missile d'interception et de combat aérien (MICA), la commande des trois derniers avions ravitailleurs MRTT sur les douze prévus au total et la commande du cinquième des six sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda de nouvelle génération.

Le besoin de paiement est estimé à 10,7 milliards d'euros, hors le report de charges de l'année 2017, évoqué tout à l'heure, pour des ressources en crédits de paiement de 10,3 milliards d'euros. Le budget de la défense progresse en 2018 de 1,8 milliard d'euros par rapport à 2017, dont 1,2 milliard d'euros pour les équipements, parmi lesquels 100 millions d'euros sont dévolus au programme 146, ce qui est conforme à ce qui avait été prévu au titre de la version actualisée du référentiel 2017.

En ce qui concerne le programme 144, les ressources consacrées aux études amont représenteront 760 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 723 millions d'euros de crédits de paiement, ce qui est cohérent avec le flux de paiements annuel de 730 millions d'euros en moyenne prévu au titre de l'actuelle loi de programmation militaire 2014-2019. Nous continuerons de soutenir l'innovation à hauteur de 50 millions d'euros, via le dispositif RAPID, que nous allons compléter par un fonds d'investissement en capital dans les PME de défense ; celui-ci sera mis en place d'ici à la fin de l'année, conjointement avec Bpifrance, et opérationnel d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.

Les thèmes que nous approfondirons en études amont l'année prochaine seront en particulier la cybersécurité, évidemment une grande priorité, les missiles et le démonstrateur de drones de combat évoqué tout à l'heure en coopération franco-britannique, les architectures de réseau et des systèmes de traitement de données, compte tenu de la masse de données que nos systèmes doivent désormais exploiter.

Je ne vous donnerai pas le détail exhaustif des commandes et livraisons, qui pourrait s'avérer rébarbatif, mais je signale quand même, parmi les livraisons prévues en 2018, dans le domaine du commandement et de la maîtrise de l'information, le premier lancement d'un satellite optique de nouvelle génération MUSIS (Multinational Space-based Imaging System for Surveillance, Reconnaissance and Observation) – il devrait être lancé d'ici à la fin de l'année 2018. Nous aurons également la fourniture du premier avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), pour le renseignement aéroporté. Dans le domaine de la projection, de la mobilité et du soutien, est prévue la livraison de deux avions de transport A400M supplémentaires, de 40 véhicules porteurs polyvalents terrestres (PPT), de huit hélicoptères NH90 et, pour l'engagement - combat, de cinq hélicoptères Tigre. Sont aussi prévus les trois premiers VBMR Griffon, trois Rafale neufs et le rétrofit d'un Rafale Marine F1 au standard F3, dans le prolongement de ce que nous avons fait en 2017.

Dans une période de stabilisation de notre cible d'effectif, fixée, pour 2018, à 9 625 emplois à temps complet, des recrutements sont permis par les départs naturels. Ils sont principalement orientés sur deux activités qui doivent être renforcées : la cyberdéfense et le soutien à l'exportation. Ce soutien à l'exportation requiert des capacités d'ingénierie pour assister les États clients face aux industriels à qui ils achètent leur matériel et pour réaliser un certain nombre d'expertises et d'essais qui nous sont demandés. L'effectif de la DGA poursuit une trajectoire de transformation sociologique, avec une proportion croissante de nos ingénieurs et experts de haut niveau – ingénieurs et cadres représentent aujourd'hui à peu près 55 % de notre effectif, et cette proportion augmente d'année en année, au fur et à mesure de l'évolution de nos activités et des priorités qui nous sont assignées.

L'année 2018 sera la dernière année exécutée au titre de la présente loi de programmation militaire. Nous sommes évidemment en train d'engager la préparation de la LPM 2019-2025, dont, je suis sûr, nous aurons l'occasion de reparler au cours des prochains mois.

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