Intervention de Florence Parly

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 15h05
Commission des affaires étrangères

Florence Parly, ministre des armées :

Je voudrais aborder maintenant la question de la reprise du dialogue avec la Russie et la manière dont nous dialoguons avec nos partenaires.

Tout d'abord, reprendre le dialogue avec la Russie ne signifie nullement lever les sanctions : les sanctions seront levées le jour où les raisons qui ont provoqué l'enclenchement de ces sanctions auront disparu. Il n'y a aucune raison, tant que l'accord de Minsk n'est pas appliqué, de lever ces sanctions. Mais cela ne veut pas dire qu'il est interdit de dialoguer avec ce pays. La Russie est en effet un partenaire incontournable dans la construction d'une architecture de sécurité pour le continent européen. Certes, cela provoque des questions, voire des inquiétudes chez certains de nos partenaires, comme dans les pays de l'Est. Je me suis rendue il y a quelques jours en Estonie, où nous participons à une opération de l'OTAN sous commandement britannique. Nous voyons bien que ceux qui vivent si proches de la frontière russe n'en ont pas du tout la même perception que nous ! Il faut aussi savoir se mettre à la place de nos partenaires, car eux savent se mettre à notre place lorsqu'ils viennent nous aider au fin fond du Sahel pour assurer la protection des emprises militaires au Mali.

La France s'est engagée à ne jamais laisser ses partenaires dans l'interrogation. Cela signifie qu'au-delà des échanges de courriers dont j'ai parlé tout à l'heure, lorsque nous sommes allés à Moscou, Jean-Yves Le Drian et moi-même, au début du mois de septembre, nous avons tout d'abord prévenu nos alliés que nous y allions et, ensuite, nous les avons rencontrés pour leur expliquer ce qui s'y était passé, ce que nous avions dit, ce que nous en attendions, et nous nous sommes engagés à ce qu'à chaque étape de ce dialogue, il en aille de même. C'est la seule façon de pouvoir mener en confiance un dialogue avec la Russie, au service de la sécurité des Européens.

J'en viens au dialogue franco-allemand : celui-ci n'est pas nouveau et nous en avons besoin. J'ai été très heureuse de lire récemment, dans une interview de mon homologue allemande, que celle-ci considère également que le dialogue franco-allemand doit être un moteur dans la politique de défense et de sécurité européennes. C'est si vrai qu'en juillet 2017, la France et l'Allemagne se sont mises d'accord pour s'engager dans les deux projets structurants que sont la construction d'un avion de combat – le système de combat aérien du futur – et celle d'un char de combat, qui équiperont nos forces respectives à partir de la deuxième moitié du XXIe siècle.

Ces coopérations sont forcément complexes, d'abord parce que ces projets le sont. Si nous voulions, demain, faire un avion de combat seuls, nous ne le pourrions pas. En vérité, nous n'avons pas vraiment d'autres solutions : soit nous sommes capables, entre Européens, de promouvoir un projet alternatif à un avion de combat américain, soit, comme beaucoup d'autres pays européens, nous finirions, nous aussi, par acheter des avions américains. Ce n'est pas le choix du Président de la République, qui nous conduit à promouvoir une souveraineté non seulement française mais aussi européenne. Le parcours est sans aucun doute semé d'obstacles : des intérêts puissants sont en jeu lorsqu'on parle d'industrie, et vous savez combien l'Allemagne considère que son industrie doit être représentée à sa juste place dans ces projets. Mais nous y travaillons et nous ne sommes pas en retard sur la feuille de route que nous avons établie. Nous pouvons désormais envisager raisonnablement d'avoir un démonstrateur d'avion de combat du futur pour 2026 : c'est dans peu de temps !

Il ne faut pas pour autant traîner. Je sais que, parmi les parlementaires allemands, tout cela ne va pas forcément de soi : les procédures ne sont pas les mêmes, elles sont plus lentes, plus complexes. Il nous faut jouer avec cette complexité mais je suis déterminée pour ma part à ce que nous avancions. La commission de la défense est très vigilante sur ces questions et je suis prête à vous faire des points d'étape réguliers sur l'avancement de ces projets.

Il ne faut évidemment pas oublier le Royaume-Uni : ce n'est pas parce que celui-ci s'apprête vraisemblablement à quitter l'Union européenne qu'il n'a pas toute sa place dans les politiques de sécurité et de défense du continent européen. S'il y a un pays avec lequel nous avons une culture stratégique commune, c'est bien le Royaume-Uni, et cela ne date pas d'hier. Tout doit donc être fait pour que cela se poursuive. Jusqu'à présent, je n'ai senti aucune hésitation de la part de mes homologues successifs quant à la nécessité de poursuivre et d'approfondir cette relation, qui a été judicieusement construite sous la forme d'une relation bilatérale. Nous fêterons dans quelques mois les dix ans du traité de Lancaster House avec une volonté commune d'amplifier cette coopération, précisément parce que, dans le contexte du Brexit, il y a un besoin particulier de réaffirmer son importance.

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