Intervention de éric R Schnur

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 11h30
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

éric R Schnur, président de The Lubrizol Corporation :

Bonjour, je suis Eric Schnur, président et CEO de The Lubrizol Corporation. Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'entretenir avec vous aujourd'hui. Au nom des 8 700 employés de Lubrizol dans le monde, je voudrais tout d'abord adresser mes plus sincères excuses à toutes les personnes qui ont été touchées par l'incendie du 26 septembre, qui a détruit nos équipements d'enfûtage et nos installations de stockage à Rouen. Nous sommes profondément désolés pour les perturbations et les préoccupations que cela a occasionné au cours des jours et des semaines qui ont suivi. Nous considérons que Lubrizol fait partie de la famille rouennaise. Cela fait maintenant plus de six décennies que nous appartenons à cette région. Des centaines d'employés de Lubrizol à Rouen et leurs familles appartiennent également à ce territoire. Les résidents de ces communes sont nos voisins et nos amis ; nous souhaitons les aider et leur apporter notre soutien. Nous exploitons aujourd'hui soixante sites dans le monde et notre objectif a toujours été de le faire en toute sécurité ainsi que d'éviter des accidents. Toutes les informations dont nous disposons indiquent que l'incendie s'est déclenché à l'extérieur de nos installations, mais nous attendons d'en connaître exactement la source et la cause. Nous participons pleinement à l'enquête en cours et nous devons tirer les leçons de ce qui s'est produit à Rouen. Dès les premières heures de l'incendie et pendant les jours et les semaines qui ont suivi, nous avons privilégié une communication ouverte. Nous continuerons à soutenir tous les efforts mis en oeuvre afin d'apprendre et de communiquer avec les autorités et la population. Nous avons eu énormément de chance qu'il n'y ait aucun blessé et nous en sommes très heureux.

Cela étant dit, nous devons savoir ce qu'il s'est passé. C'est pour moi d'une importance capitale. Il s'agit de la sécurité de ma famille, la famille Lubrizol, dont je suis responsable, ici à Rouen et dans l'ensemble de nos soixante sites à travers le monde, dont un grand nombre sont équipés d'installations d'entreposage. J'ai passé personnellement beaucoup de temps avec nos employés français au cours des trois ou quatre dernières semaines. Leur dévouement envers leurs voisins, leurs collègues et leur entreprise est vraiment impressionnant. Beaucoup d'entre eux travaillent sur le site rouennais de Lubrizol depuis de nombreuses années, parfois depuis plusieurs décennies. Le site est leur deuxième maison, une partie de chez eux a brûlé, l'émotion est très forte, mais ils sont plus que jamais déterminés à reconstruire ce qui représente le moyen de subsistance de leurs familles et à aider leurs voisins et amis. Ma détermination à les aider, eux et les populations locales, est tout aussi inébranlable. Je sais que de nombreuses questions relatives à la santé et à l'environnement ont été soulevées. Je le comprends parfaitement et je vous prie de bien vouloir m'en excuser à nouveau. Nous savons précisément quels produits Lubrizol ont brûlé dans nos entrepôts et dans ceux de Normandie Logistique. Nous pouvons affirmer que ces substances ne portent aucune menace sur la santé, ni à court terme ni à long terme, en dehors de l'irritation passagère normalement provoquée par la fumée, le jour de l'incendie. Cela a été validé par les analyses environnementales effectuées à ce jour, mais nous comprenons que des préoccupations persistent.

Nous soutenons pleinement la décision de mener des analyses complémentaires et de poursuivre la surveillance pour apaiser les inquiétudes de la population. Chez Lubrizol, rien n'est plus important que de préserver la santé, la sûreté, l'environnement et la sécurité de nos employés et des collectivités. Notre site rouennais satisfait entièrement à toutes les exigences réglementaires, y compris à la réglementation Seveso. Dans le cadre des normes Seveso et de notre propre culture de sécurité, nous effectuons fréquemment des évaluations et des exercices à l'aide de scénarios de risques potentiels, qui impliquent notamment de collaborer et de partager nos connaissances avec les autorités. D'ailleurs, nous avons récemment mis à jour notre analyse officielle des risques concernant la zone de l'entrepôt qui a brûlé et nous l'avons transmise aux autorités, le 18 septembre, cette année. Cette analyse indique également qu'il n'y a pas de conséquences immédiates ou permanentes sur la santé, mis à part une irritation initiale due à la fumée.

Cela fait plus de soixante ans que nous sommes implantés à Rouen. Durant toute cette période, nous avons toujours cherché à être de bons voisins et nous avons l'intention de continuer à l'être, en aidant dès maintenant notre territoire à revenir à une situation normale. Au cours des dernières semaines, nous avons collaboré avec les autorités locales et nationales, ainsi qu'avec les parties prenantes pour identifier le soutien à fournir dans l'immédiat pour une efficacité maximale et ensuite les aides à apporter dans la durée. Nous nous sommes engagés à apporter notre soutien aux agriculteurs qui ont enregistré des pertes, comme conséquences de l'incendie. Nous nous sommes également engagés à soutenir la population plus largement, notamment en finançant les petits commerces et entreprises qui ont été touchés, et à participer aux efforts de nettoyage qui sont déjà en cours.

Nous souhaitons veiller à ce que l'activité touristique de la région ne subisse pas d'interruption et nous octroierons des fonds pour promouvoir la belle ville de Rouen ainsi que la belle région normande.

En outre, nous apporterons également des fonds pour contribuer aux analyses environnementales, comme je l'ai évoqué plus tôt, afin d'apaiser les inquiétudes de la population. Cette initiative est aussi en cours.

Par ailleurs, nous continuerons à soutenir nos employés. Nous avons informé tous nos salariés du site rouennais qu'ils conserveront leur emploi et qu'ils percevront intégralement leur salaire pendant toute notre reconstruction. Ces résidents de Rouen et leurs familles continueront de faire l'objet du plein soutien de Lubrizol. Leurs salaires, les taxes qui y sont associées et l'investissement de Lubrizol sur le site de Rouen représentent plus de 200 millions d'euros injectés dans l'économie française, chaque année.

Le monde compte sur Lubrizol et cela depuis plus de quatre-vingt-dix ans. La moitié des véhicules de la planète utilisent nos additifs, notre objectif constant étant de réduire les émissions et de diminuer l'impact environnemental. Environ la moitié des consommateurs mondiaux comptent chaque jour sur Lubrizol, en utilisant nos produits qui servent à la fabrication d'appareils médicaux, d'équipements de sport, de soins de la peau et bien d'autres choses. Nous prenons très au sérieux nos responsabilités envers ces milliards de consommateurs. Notre métier est d'apporter de l'efficacité et de la valeur en relevant les défis. C'est exactement ce que nous avons l'intention de faire à Rouen.

Le site rouennais de Lubrizol ne sera plus jamais le même. Nous ne reconstruirons pas ce que nous avons perdu, mais nous espérons pouvoir faciliter un retour à la normale pour nos voisins, aussi rapidement que possible. Nous souhaitons sincèrement continuer à faire partie intégrante du territoire rouennais, accompagnés du soutien de chacun d'entre vous, des représentants des autorités locales et de la population voisine. Nous espérons pouvoir reprendre nos activités dans l'usine de production qui n'a pas été détériorée par l'incendie. Cela est primordial dans l'intérêt de nos milliers d'employés et de leurs familles, ainsi que pour nos clients et fournisseurs, qui dépendent de notre site.

Je vais maintenant passer aux questions qui ont été posées par M. le Président.

J'ai essayé d'évoquer la question des indemnisations dans mon propos liminaire, mais je suis bien sûr prêt à en parler davantage. Nous nous sommes engagés auprès des autorités locales, de la préfecture, mais également des autorités nationales, pour pouvoir aider. Nous souhaitons pouvoir identifier les personnes qui en ont le plus besoin et nous souhaitons les aider le plus rapidement possible. C'est une des raisons pour lesquelles je suis à Paris cette semaine et c'est aussi la raison pour laquelle j'irai à Rouen un peu plus tard dans la semaine, pour m'assurer que tout ceci se fasse.

Pour ce qui est de la détection des incendies, bien sûr, nous avons un système d'alarme incendie. Nous savons à quel moment ces alarmes ont été déclenchées. Nous avons également une surveillance vidéo du site. Toutes ces informations sont disponibles et sont utilisées, j'en suis sûr, dans l'enquête en cours. J'ai pu voir deux vidéos après l'incendie qui nous portent à penser que l'incendie a démarré hors de notre site, mais j'insiste sur le fait qu'il faut que nous connaissions la source et la cause de l'incendie. Je voudrais que vous compreniez bien cela, nous souhaitons apporter toute l'aide qui est possible pour pouvoir déterminer les causes de l'incendie. Dans notre secteur, mais c'est vrai dans tout secteur industriel, il faut que nous tirions les enseignements de ce type d'accident, pour pouvoir les éviter à l'avenir. Nous avons encore plus envie de savoir que quiconque.

Pour ce qui est des intrusions potentielles sur le site, je n'en sais rien, je ne crois pas qu'il y ait eu d'intrusions sur le site, par le passé.

Vous avez évoqué les incidents passés. Évidemment, nous souhaitons tirer des enseignements de tous ces incidents. En 1975, 1989 et 2013, le problème était une fuite de mercaptan. Je voudrais vous rappeler que le mercaptan est une substance qui n'est pas nocive. C'est un gaz qui n'est pas nocif, mais qui dégage une odeur très incommodante. En 1975 et en 1989, il y a eu une fuite de mercaptan qui a eu un impact sur la population et une autre fuite en 2013.

Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé en 1975 et en 1989, mais je pourrais certainement vérifier. Par contre en 2013, je sais que nous avons pris cela très au sérieux. À chaque fois qu'un incident se produit, il faut bien comprendre les causes. Nous savons pourquoi il y a eu une fuite de mercaptan en 2013 et je pense que nous avons fourni les informations à ce sujet-là, de manière très détaillée. Suite à cela, nous avons partagé l'information avec l'ensemble du secteur, pour que chacun puisse en tirer les enseignements. Nous avons investi 20 millions d'euros pour nous assurer que cela ne puisse plus se produire sur le site de Rouen. Nous sommes confiants, nous pensons que nous avons vraiment tiré les leçons de ces fuites de mercaptan.

En 2015, il y a eu une fuite d'huile. Pour régler le problème, nous avons revu la conception d'un équipement, tout cela a été contenu pour ne pas avoir d'impact sur l'environnement.

Quant à l'événement dont nous parlons aujourd'hui, en 2019, nous ne savons pas encore ce qu'il s'est passé, il faut que nous arrivions à le savoir pour en tirer les conséquences. Nous cherchons toujours à connaître les causes de tout incident. Rien ne compte plus pour nous que la sécurité de nos salariés, la sécurité de notre exploitation, la sécurité de nos sites et des populations.

Après l'incident de 2013, nous avons fait des investissements et tout comme pour cet incident-là, nous ferons ce qu'il faut pour faire face à la situation. Nous avons travaillé de manière très active avec les autorités locales, avec la population. Nous avons de longue date de bonnes relations avec la préfecture. Nous effectuons des simulations régulières et nous partageons nos informations avec les autorités locales.

Quant au risque d'1 sur 10 000 ans, cela vient d'une base de données du secteur industriel. Nous pourrons vous donner ces informations pour vous expliquer d'où provenait ce chiffre.

Je vais maintenant passer aux questions portant sur la dernière analyse des risques. J'en ai parlé dans mon propos liminaire, nous procédons à des analyses de risques dans le cadre des normes Seveso, qui sont mises à jour fréquemment. Les résultats de ces mises à jour sont transmis aux autorités locales. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, l'analyse incendie la plus récente a été transmise aux autorités le 18 septembre, pour la zone qui a pris feu. Le personnel qui était identifié lors de ces exercices et qui devait savoir faire face au type d'incident que nous avons eu le 26 septembre, était présent. Notre Directrice générale était à la préfecture de 4 h 30 du matin jusqu'à minuit ce jour-là et tous les jours d'après. Nous avons un centre de contrôle commun avec les autorités locales. Nous avons travaillé avec la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) représentée sur notre site lors de la situation d'urgence. Tous les salariés qui pouvaient donner des informations nécessaires pour faire face à la crise ont été impliqués.

Le site de Lubrizol à Rouen fabrique des additifs pour, par exemple, des huiles moteur ou des fluides hydrauliques. C'est ce qui se trouvait dans ces bâtiments de stockage A4 et A5. Il y a des questions qui se posent autour de ce qu'il se passe lorsque ces produits brûlent. Nous avons simulé cela, nous savons que l'essentiel de ces matériaux sont de nature organique. C'est essentiellement du carbone hydrogéné. Nous avons des systèmes d'alarme incendie, nous savons que les sprinklers ont bien fonctionné tel que cela est prévu sur le site, mais l'ampleur de l'incendie a dépassé la capacité des sprinklers, en tout cas pour autant que nous sachions pour le moment.

Voilà les informations dont nous disposons aujourd'hui, mais nous en saurons plus évidemment lorsque l'enquête sera arrivée à son terme et nous faisons toute confiance à l'enquête pour déterminer ce qu'il s'est véritablement produit. Il est clair qu'il s'agit du plus grave accident sur le site de Lubrizol. Il n'y a pas eu de blessés et nous en sommes très heureux, comme je l'ai dit. C'est le plus grand accident que nous ayons connu, en termes de dégâts matériels.

Quid de l'analyse des risques sur le site ? Vous nous avez demandé comment nous procédons à l'analyse de risques et comment nous décidons d'investir dans des équipements pour lutter contre les risques. Nous menons des analyses de risques régulièrement, avec des mises à jour. Le risque de départ d'incendie dans un stockage est très faible. Sur un site chimique, c'est dans l'unité de production que les risques incendie sont les plus grands. Comment se fait-il que notre site de production n'ait pas été impacté par cet événement ? Il y a des systèmes pour lutter contre l'incendie dans le stockage. Il y a également du stockage à l'extérieur de l'entrepôt, mais là, il n'y a pas de système de protection contre l'incendie. Encore une fois, le risque est très faible dans un entrepôt. Nous analysons le risque et dans toute opération, nous fixons des priorités face au risque le plus élevé. C'est ainsi que nous investissons, c'est ce que nous avons fait pour le site de Rouen.

Je me suis efforcé de répondre à toutes vos questions. Est-ce que j'en ai oublié certaines, monsieur le Président ou monsieur le rapporteur ?

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