Intervention de éric R Schnur

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 11h30
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

éric R Schnur, président de The Lubrizol Corporation :

Je vais essayer de regrouper vos questions du mieux que je pourrais.

Je voudrais commencer par les questions portant sur les salariés. Il est vrai qu'ils connaissent beaucoup de stress et d'incertitude, c'est la raison pour laquelle, lorsque j'ai rencontré les représentants des salariés, je leur ai dit que tous les salariés de Lubrizol continueraient à être rémunérés et à toucher leurs salaires intégralement. Je leur ai également dit qu'ils subissaient déjà un stress suffisant parce que leur deuxième maison avait brûlé, et que je ne voulais pas qu'ils connaissent encore davantage de stress pour eux et pour leur famille et que nous allions donc leur apporter tout notre soutien. Nous avons des réunions régulières, dont une bientôt sur la sécurité. Ils ont accès à toutes les informations et ils peuvent avoir un suivi médical s'ils le souhaitent. Nous n'avons pas de blessures physiques, mais nous encourageons nos salariés à prendre soin de leur santé et à assurer régulièrement un suivi médical et des consultations médicales.

J'en viens aux effets à court, moyen et long terme sur la santé. Je suis ingénieur chimiste, mais n'ai pas compétence pour procéder à ces évaluations. Nous avons des toxicologues qui ont cette compétence. Nous appuyons bien sûr nos toxicologues qui travaillent sur la question, mais également les tierces parties qui travaillent sur la toxicité. Nous savons exactement ce qui a brûlé dans cet incendie, nous savons exactement ce que serait la combinaison des molécules de ces produits, nous savons exactement quels sont les produits de la combustion et les experts en toxicité peuvent faire des estimations à partir de cela, pour savoir ce qu'il en est pour la combustion. Bien sûr, faire des simulations de combustion fait partie des normes Seveso que nous respectons.

Je voudrais maintenant prendre les questions dans l'ordre.

D'abord la question de monsieur le Président sur le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental, le FMSE, et les chiffres. J'ai vu différents chiffres cités dans divers articles de presse ; la raison pour laquelle nous travaillons avec le FMSE, c'est, peu importe le chiffre annoncé, que les personnes qui en ont besoin doivent recevoir l'aide dont elles ont besoin, et ce rapidement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous nous sommes engagés à verser des millions d'euros et nous augmenterons le montant si c'est nécessaire. Le plus important pour nous, c'est que cet argent arrive rapidement chez les personnes qui en ont le plus besoin.

Vous avez posé plusieurs fois la question de la reconstruction. Ce que je voulais dire par là, c'est que nous n'avons pas l'intention de remplacer le stockage et la zone d'enfûtage que nous avons perdus dans l'incendie. Pourquoi ? Parce que nous pensons que la population locale ne serait pas à l'aise avec cette idée-là. Pour continuer à être de bons voisins à Rouen et pour pouvoir continuer d'exploiter nos installations, les riverains à Rouen, nos voisins, doivent être en confiance et je ne pense pas qu'ils le seraient si nous reconstruisions cela. Nous allons le faire hors de Rouen. Soit nous allons reconstruire un site d'entreposage nous-mêmes, soit nous allons travailler avec des tierces parties qui pourraient nous proposer du stockage hors de la ville.

Je suis désolé si je n'ai pas été clair sur la question des produits entreposés chez Lubrizol et chez Normandie Logistique. Nous ne stockons pas de matériaux ni de produits dangereux chez Normandie Logistique. Nous y avons stocké des produits non dangereux, dont 80 % étaient des produits solides et 20 % des produits finis, qui ne sont pas considérés comme dangereux aux termes des normes Seveso. Nous sommes très au clair par rapport à ce que nous avons stocké chez Normandie Logistique.

Je vous remercie d'avoir posé la question de la fréquence des comités consultatifs avec les riverains. Quant à savoir si le périmètre est suffisant, ce seront justement les leçons à tirer de la situation. Est-ce ce que nous communiquons assez avec les riverains pour qu'ils comprennent bien ? Si nous pensons que nos voisins ont besoin de davantage d'informations, nous en tiendrons compte et je pense que justement, dans les enseignements à tirer, il faudra que nous travaillions sur la communication. Nous parlons des langues différentes, et ce n'est pas parce que nous parlons français et anglais : ce que je veux dire, c'est que les industriels ont leur propre langage, les autorités locales ont leur langage et la population locale a le sien. Il faut néanmoins que nous arrivions à communiquer de manière efficace.

Merci d'avoir posé également une question sur les extensions de stockage de Lubrizol. Vous avez demandé s'il y avait eu des évaluations d'impact environnemental. L'extension de janvier n'était pas un changement par rapport à ce que nous stockons sur l'installation. Elle avait pour but de faire en sorte que les normes mondiales, pour ce qui est des fiches de données de sécurité (FDS), soient mises à jour par rapport aux normes Seveso. C'est-à-dire que certains des matériaux étaient classés différemment. Cela ne changeait rien à ce que nous faisions sur le site, c'était une régularisation à l'égard des normes des FDS. En juin, nous avons formulé une demande d'extension pour pouvoir stocker des conteneurs sur le site. Pour pouvoir faire cela, il fallait que nous utilisions une partie du terrain à cette fin. Mais c'est une demande qui est en cours, l'extension n'a pas été réalisée. Nous avons fait la demande auprès des autorités locales et celles-ci devaient décider s'il y a lieu de réaliser une évaluation d'impact environnemental ou non. Si j'ai bien compris, la capacité totale de stockage augmenterait de 3 % sur le site et je crois qu'ils ont décidé que dans ce cas, une étude d'impact environnemental n'était pas nécessaire.

Pour ce qui est de la question portant sur la démolition d'un bâtiment, je crois que ce bâtiment ne contenait pas de plomb, mais il y avait de l'amiante et cela a été bien géré. Je voudrais dire quelques mots sur l'amiante, parce que cela a été évoqué plusieurs fois. Je crois qu'en 1997, nous avons interdit l'utilisation de l'amiante. Le bâtiment A5 avait un toit en fibrociment qui contenait de l'amiante. Il a été construit dans les années 90 et c'était tout à fait courant, avant 1997, d'utiliser des matériaux de construction contenant de l'amiante. Lorsque ces bâtiments sont modifiés ou lorsque nous considérons qu'ils ne sont pas de qualité suffisante, il faut que nous gérions l'amiante dans des conditions très particulières. Pour ce qui est de l'incendie, nous avons procédé à des analyses quant à l'amiante le jour de l'incendie et après, nous avons également testé les équipements de protection individuelle (EPI) et les combinaisons de trois pompiers, le jour de l'incident, pour voir s'il y avait de l'amiante. Il n'y a pas eu d'amiante détecté sur le site ni hors du site.

Un numéro vert a été mis en place pour le public, pour les populations, au cas où ils trouveraient un débris qui pourrait contenir de l'amiante. Ils peuvent alors contacter ce numéro vert pour que le débris soit traité comme il convient.

Dans le bâtiment qui a été démoli, il y avait bien de l'amiante, mais toutes les règles ont été respectées.

Quant au montant des garanties financières, je crois qu'il faut uniquement un dépôt de garantie lorsqu'une installation est fermée.

Ensuite, sur les questions concernant la protection incendie. Je ne sais pas si l'on obtiendra des informations suite à l'enquête. En tout cas, je sais que les sprinklers dans le bâtiment 5 ont été déclenchés et cela a protégé le bâtiment pendant des heures. Je ne sais pas par coeur quelle est la capacité de ces sprinklers. Quand vous me demandez la quantité de stockage d'eau sur site, je ne sais pas exactement. Ce que je sais, c'est qu'au bout d'un moment, elle était épuisée.

Le système d'extinction est fait pour protéger le bâtiment en cas de départ de feu dans le bâtiment. Mais ce système n'était pas prévu pour un feu venant de l'extérieur du site, ce qui s'est apparemment produit. Il faut absolument que nous trouvions d'où est parti le feu, pourquoi et nous en tirerons les enseignements.

Pour ce qui est du stockage à l'extérieur, il n'y a pas d'installations électriques qui pourraient provoquer un départ de feu. Nous ne comprenons pas comment il pourrait y en avoir eu un à cet endroit-là.

Quant à la séparation entre Lubrizol et Normandie Logistique, c'est un mur en béton. Aucune des analyses de risques effectuées au cours des années n'a rien révélé. Nous attendons les résultats de l'enquête pour savoir ce qu'il s'est produit.

J'en viens au sujet des fûts sur le site. De nombreux fûts ont été détruits dans l'incendie, certains partiellement. Nous avons mis en place un système de gestion des odeurs parce que certains pourraient potentiellement générer du mercaptan. Mais nous avons fait ce qu'il faut pour gérer cette question. Un robot va manipuler chacun des fûts pour les déplacer. C'est une entreprise extérieure qui a de l'expertise dans ce domaine et qui sait faire face à ce type de situations.

Combien de temps le nettoyage du site va-t-il prendre ? Transférer ces fûts prendra probablement entre un et deux mois, parce que nous ferons cela en respectant toutes les mesures de sécurité. Notre objectif n'est pas la rapidité, mais la sécurité : c'est ce qu'il y a de plus important.

Pour ce qui est des normes Seveso, on pourra en reparler, mais je ne crois pas que ces normes aient été abaissées. Pour autant que je sache, l'idée était qu'il fallait être plus efficace, rationaliser les procédures administratives, mais je crois que l'on n'a pas changé la force des normes Seveso.

Sur les sous-traitants. Je n'ai pas obtenu toutes les informations, mais l'article de presse de ce matin disait qu'ils ne connaissaient pas les normes, etc. Je peux vous dire que ce n'est pas le cas des sous-traitants qui travaillent chez Lubrizol et que ce n'est pas le cas de ceux qui travaillaient le 26 septembre sur nos sites. Nous faisons en sorte que quiconque travaille sur nos sites respecte les mêmes normes de sécurité que nos salariés à temps plein. Je l'ai dit, nos salariés sont notre famille, nous souhaitons qu'ils soient protégés. C'est aussi la raison pour laquelle nous faisons en sorte que nos sous-traitants respectent les mêmes normes.

Il me semble avoir répondu à l'ensemble de vos questions.

Si vous le permettez, je voudrais simplement prendre un instant, parce que je sais que le public nous regarde. Je voudrais remercier, au nom de l'ensemble de l'entreprise Lubrizol, les premiers intervenants sur le site, au moment de l'incendie. Vous m'avez demandé ce qu'il se serait passé si les sapeurs-pompiers n'étaient pas intervenus comme ils l'ont fait. Évidemment, on ne sait pas ce qui se serait passé, mais nous pensons que leur compétence a vraiment permis que l'incendie ne gagne pas d'autres parties du site et a certainement permis de préserver certains autres bâtiments, et surtout les personnes. Je tiens donc à remercier de tout coeur les intervenants, que ce soient les secours ou les riverains qui nous ont aidés.

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