Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du lundi 25 novembre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Ne faisons pas durer le suspense : les députés du groupe Libertés et Territoires voteront très majoritairement contre le projet de loi de finances rectificative, pour des raisons de fond, évidement – je les exposerai – , mais aussi à cause des conditions peu acceptables dans lesquelles s'est déroulé le débat parlementaire. Les représentants d'autres groupes l'ont dit et, plus discrètement, certains membres de la majorité l'ont admis devant nous : on ne peut légiférer de manière satisfaisante dans des délais si contraints. Est-il normal que nous n'ayons disposé que de vingt-et-une heures entre le dépôt du texte par le Gouvernement et son examen en commission des finances, sachant que, dans le même temps, celle-ci siégeait jour et nuit pour débattre des articles non rattachés du budget pour 2020 ?

Contrairement aux promesses du printemps, il apparaît de plus en plus que l'acte 2 de ce quinquennat ne sera pas celui d'une meilleure écoute des corps intermédiaires. Il semble également acquis qu'il ne sera pas non plus celui de la réhabilitation du Parlement.

Y avait-il une telle urgence pour que nous soyons obligés de délibérer dans des délais si contraints ? Monsieur le ministre, vous justifiez cet examen au pas de charge par le fait que le texte est plus réduit que par le passé et prévoit des mouvements de crédits moins importants. C'est vrai, mais la sincérité du budget, que vous mettez en avant, pâtit de vos prévisions de croissance trop optimistes. Rappelons que la projection initiale était de 1,7 % pour 2019, et que le PLFR retient finalement un taux, 1,4 %, auquel plus personne ne croit. En effet, pour atteindre ce niveau, il nous faudrait une croissance de 0,5 point au quatrième trimestre. Or la Banque de France l'estimait, il y a deux semaines, à 0,2 %. Dans ces conditions, pouvons-nous donc encore parler d'un collectif fidèle à la réalité des choses ?

Notons que, si notre croissance atteignait 1,3 %, notre déficit structurel passerait de 2,2 % à 2,3 %. En tenant compte de l'effet de la bascule du CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en baisse de cotisations sociales, il demeurerait donc égal à 3,1 points du PIB. Certes, nous ne faisons pas des critères de Maastricht un totem indépassable, mais il n'en demeure pas moins qu'ils servent l'objectif d'amélioration de la gestion publique. En matière de lutte contre les déficits, on peut donc mieux faire.

Votre politique entraîne en outre un dérapage par rapport à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Comme l'a déjà demandé mon collègue Charles de Courson, il est donc urgent qu'une nouvelle loi de programmation nous soit proposée.

Notre groupe a aussi eu l'occasion de faire part, lors de l'examen du budget pour 2020, de sa désapprobation a vous voir faiblir dans la lutte contre les déficits, et plus encore de son opposition à votre choix de cibler les baisses d'impôts sur les classes moyennes supérieures et de ne pas assez investir dans la transition écologique.

La réduction du déficit à hauteur de 10 milliards d'euros, souvent mise en avant, est essentiellement due au dynamisme des recettes. En d'autres termes, les ressources, donc les impôts des Français, augmentent. S'agissant des dépenses, la réduction de 1,5 milliard d'euros promise il y a un an se limite finalement à 1 milliard. Vous renoncez donc à tenir vos engagements, pourtant déjà bien modestes.

Votre gouvernement estime l'effort structurel pour 2019 à 0,3 point, soit 7 milliards d'euros. Or les deux tiers de cette baisse – 0,2 point – sont consécutifs à la baisse mécanique des charges de la dette et ne doivent donc rien à votre action. Il s'agit d'une économie de constatation liée à la conjoncture, non d'un effort structurel.

Soulignons néanmoins les quelques ajustements permis par la CMP : le dégel de 21 millions d'euros au sein du programme « Patrimoines » pour permettre aux DRAC – directions régionales des affaires culturelles – d'accompagner les collectivités dans l'entretien et la restauration de monuments historiques ; le rétablissement de 13 millions d'euros sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour respecter les engagements de la France sur le projet ITER.

Je conclurai mon propos en évoquant un sujet technique au premier abord mais aux lourdes conséquences budgétaires : les primes d'émission. En raison de la baisse des taux, l'émission d'obligations assimilables du Trésor donne lieu à une explosion des primes, dont le niveau atteint 17 milliards d'euros. Cet artifice permet de freiner la hausse apparente de la dette publique française puisqu'en application des règles de Maastricht, celle-ci est évaluée à la valeur du remboursement final. Compte tenu des montants en jeu, monsieur le ministre, comment remédier au manque quasi total d'information dont dispose le Parlement pour évaluer de telles pratiques ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.