Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du mardi 26 novembre 2019 à 9h00
Questions orales sans débat — Lutte contre le consumérisme

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances, alors que le vendredi 29 novembre, le « Black Friday », approche. Cette coutume d'un jour de soldes ponctuelles avant les fêtes de fin d'année, lors duquel les prix sont cassés, profite de la situation des plus pauvres de notre pays et participe de l'idée selon laquelle les biens matériels feraient le bonheur. Cette idée est relativement neuve en France : venue des États-Unis, cette pratique a pris une ampleur considérable à partir de 2016.

Cet événement me paraît être toujours plus à contretemps des nécessités historiques présentes. Il contribue à produire toujours plus de biens, dans des conditions sociales et écologiques toujours plus désastreuses, pour une consommation massive à l'occasion de soldes permettant de deviner aisément les marges colossales pratiquées en temps normal. Voilà l'un des problèmes nodaux de la tragédie écologique actuelle ! Le Black Friday est le symbole d'une surconsommation qui épuise les ressources, d'un gaspillage de biens jetables, d'un monde où les inégalités sociales sont terribles et les conditions de travail bien souvent extrêmement précaires. C'est un modèle archaïque, à l'heure où il faudrait relocaliser et où la jeune génération est la première à dire que le dérèglement climatique n'est pas une menace mais une réalité vécue.

Heureusement, des résistances existent. Des associations, des collectifs de jeunes pour le climat et des désobéissants vous disent tous qu'une autre voie et un autre monde sont possibles. Vendredi prochain, vous le savez, certaines associations vont dénoncer particulièrement le comportement d'Amazon, qui est le pire exemple en la matière. Amazon dissimule au fisc 57 % de son chiffre d'affaires réalisé en France, ses activités sont extrêmement polluantes – en 2018, Amazon Web Services a rejeté 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre, soit l'équivalent des émissions du Portugal – et est en train de construire un monde sans emploi puisque, contrairement au discours de l'entreprise, deux emplois sont détruits pour un emploi précaire créé.

Mes questions sont donc les suivantes : que va faire le Gouvernement face à cette situation ? Pourquoi autorise-t-il le Black Friday ? Va-t-il enfin mettre les industriels au pas au lieu de se contenter de sensibiliser ou d'informer le consommateur ? Va-t-il imposer à Amazon un moratoire sur ses nouvelles installations ?

Dans le contexte actuel, le Black Friday paraît totalement indécent. Lors de cette seule journée, le patron d'Amazon gagne 2 milliards de dollars alors qu'une famille française sur vingt est surendettée, que 400 000 personnes ont basculé dans la pauvreté l'an dernier, portant à 9,4 millions le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, et que les Restos du coeur viennent d'annoncer que plus de 50 % de leurs bénéficiaires sont des jeunes de moins de 26 ans et que 39 % ont même moins de 18 ans. Il est donc particulièrement indécent de continuer à suivre ce modèle, qui gave toujours plus certaines personnes et gaspille toujours plus les possibilités de survie de l'espèce humaine. Aussi, je pose à nouveau la question : que va faire le Gouvernement pour mettre enfin les industriels au pas ?

Je terminerai par une citation d'André Gorz : « Seul est digne de toi ce qui est bon pour tous. Seul mérite d'être produit ce qui ne privilégie ni n'abaisse personne. Nous pouvons être plus heureux avec moins d'opulence car, dans une société sans privilège, il n'y a pas de pauvres. »

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