Intervention de Mathilde Panot

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 15h10
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Je remercie M. Jean-Noël Barrot et Mme Aude Luquet de cette proposition de loi, qui me semble en effet importante, et que le groupe La France insoumise votera. En effet, en Île-de-France, l'artificialisation des sols est un sujet très préoccupant à l'heure de l'urgence écologique. Toutefois, il ne faut pas prendre le sujet de la forêt française uniquement par le petit bout de la lorgnette.

Je mène une « commission d'enquête » parlementaire et citoyenne sur cette question, et je constate – vous le savez tout comme moi, Monsieur le ministre – que notre forêt se trouve à un carrefour, tout comme l'agriculture l'a été à une certaine période. Nous devons lui porter de l'attention et exprimer, par un choix démocratique, ce que nous voulons en faire. La forêt est l'objet d'un mouvement d'industrialisation aux conséquences dramatiques. Alors que la surface boisée augmente dans notre pays, c'est la question de la malforestation qui se pose de plus en plus désormais.

L'industrialisation rampante emporte trois séries de conséquences. Premièrement, la monoculture se développe, qui porte essentiellement sur les pins de Douglas. Deuxièmement, les monocultures exigent un recours accru et régulier aux pesticides, selon le modèle de l'agriculture industrielle. Troisièmement, cela soulève un problème majeur quant au stockage du carbone. Dans les forêts françaises, la grande majorité du carbone est stockée dans le sol. Lorsqu'une monoculture fait l'objet d'une coupe rase, tout le carbone contenu dans le sol est libéré, ce qui a des conséquences très préjudiciables. Les forêts sont un puits de carbone que nous devons impérativement préserver.

Il faut également évoquer les enjeux économiques. L'économie du bois est, à l'heure actuelle, en souffrance. On dénombrait 15 000 scieries en 1960 et 5 000 en 1980 ; on n'en compte plus que 1 500 aujourd'hui. Les acteurs sont d'une taille croissante et présentent un caractère industriel toujours plus marqué, tandis que le nombre d'emplois en France ne cesse de décroître. À cela s'ajoute le fait que le bois est envoyé extrêmement loin, ce qui est, là encore, dramatique en termes de bilan carbone. Bien souvent, la première transformation ne se fait plus sur le territoire, ce qui nous fait perdre des savoir-faire.

La question des forêts a également une dimension sociale. Monsieur le ministre, vous le savez, un bûcheron a une espérance de vie de soixante-deux ans et demi, soit vingt ans de moins que la moyenne française, et une espérance de vie en bonne santé – ce qui est extrêmement inquiétant – de cinquante-deux ans. L'enjeu social est donc essentiel pour les hommes et les femmes qui travaillent aujourd'hui en forêt ; il est important d'en parler et de décider collectivement. S'agissant de l'agriculture, nous n'avons pas décidé ensemble des évolutions de notre modèle ; mais pour les forêts, nous pouvons encore le faire. Je pense, en particulier, à l'enrésinement : à l'heure du changement climatique, la question est de savoir si nous voulons garder des forêts diversifiées, avec une part accrue de feuillus. Si les forêts étaient restées majoritairement composées de feuillus, elles auraient stocké 10 % de carbone en plus. Nous serons de plus en plus souvent confrontés à ce problème.

Pour faire face au changement climatique, il ne faut pas tout raser et planter une seule espèce, dont on pense qu'elle sera plus adaptée, au risque d'exposer les forêts à des maladies sans cesse plus meurtrières, mais, tout au contraire, avoir une forêt diversifiée, en futaies régulières, comportant des essences et des âges différents. Cela nous assurerait que les forêts françaises pourraient s'adapter au changement climatique, qui va se manifester de manière croissante.

Enfin, la forêt subit une forme de prédation. À titre d'exemple, le principal producteur de pellets, en France, est Total. Il ne faut pas surexploiter les forêts françaises. Ce qui se passe à l'ONF est la conséquence directe d'une souffrance sociale, due notamment à la volonté de surexploiter nos forêts, ce qui est extrêmement grave : en trente ans, l'Office aura perdu 47 % de ses effectifs. Il est confronté à une souffrance extrêmement forte. Nous pouvons et devons faire autrement pour relever les enjeux, notamment écologiques.

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