Intervention de Dominique Potier

Réunion du mardi 26 novembre 2019 à 18h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Au nom du groupe Socialistes et apparentés, j'aurais moi aussi plein de choses à dire sur la loi EGALIM, sur l'immense déception qu'elle a provoquée et sur la façon dont elle a été survendue, sur le discours de Rungis… Il y en aurait pour des heures de commentaires. Mais c'est sur une question de démocratie, et même de déontologie, Madame la présidente, que j'aimerais vous interpeller. Vos explications de début de séance relatives au rejet des amendements prétendument irrecevables ne m'ont absolument pas convaincu. Ce n'est pas un problème de Constitution, mais un problème de volonté politique d'ouverture et de construction en commun. Vos explications sont très complexes, mais elles sont infondées par rapport à nos interrogations depuis un an.

Une vingtaine d'articles ont été censurés par le Conseil constitutionnel, qui les a considérés hors sujet par rapport à la loi EGALIM. Pourtant, nous avions, au cours des EGA, puis à l'occasion de la loi EGALIM, passé des dizaines d'heures à en débattre et, finalement, à les adopter… À maintes reprises, j'ai, au nom de mon groupe, appelé à élaborer un texte à l'intitulé suffisamment vaste pour reprendre l'ensemble des articles censurés et rétablir ainsi la volonté populaire – pas celle d'En Marche ou quelque arrangement avec les sénateurs LR ou qui sais-je, mais la volonté de la commission des affaires économiques et de l'Assemblée nationale, telle qu'elle s'est exprimée sur la loi précédente.

En reprenant l'ensemble de ces articles, moyennant l'engagement moral de ne pas ouvrir d'autres chantiers, autrement dit de ne pas refaire la loi EGALIM, vous auriez obtenu un accord d'une grande simplicité. Non seulement cela vous aurait donné satisfaction sur les sujets qui vous tiennent à coeur, mais cela aurait aussi permis de défendre ceux qui ont du prix pour nous et sur lesquels, fait très rare, nous avions réussi à vous convaincre : je pense notamment au travail de fond réalisé sur les coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA), et les groupements d'études de développement agricole (GEDA), afin de redonner un sens juridique et des dénominations à l'agriculture de groupe. Or ces dispositions ont été censurées, bien qu'elles aient été adoptées à l'unanimité. Le dispositif que vous avez retenu met à terre cette construction collective de la société civile et du Parlement : vous avez tout simplement méprisé l'expression de notre groupe et des autres groupes d'opposition. Nous aurions pu simplement reprendre les dispositions, certes censurées pour des raisons techniques, mais démocratiquement délibérées. Je n'ai absolument pas compris les promesses que nous ont faites tant les responsables de groupes que les auteurs de la proposition, pour aboutir in fine, à un entonnoir qui exclut onze amendements sur les quatorze que nous avions déposés ! Au total, pas moins de 55 amendements sur 114 auront été éliminés ; ils ont pourtant la même valeur que ceux que vous défendez aujourd'hui. Je m'en suis ouvert au président Lescure, mais il était trop tard. Aucune explication technique n'est valable aujourd'hui. On me dit que ce n'est plus rattrapable pour la séance publique…

En attendant, Madame la rapporteure, non sans une immense déception, nous allons simplement, de façon symbolique, sans haine et sans faire de bruit, laisser La République en Marche délibérer en famille de vos petites affaires de petites étiquettes… Car, malheureusement, l'expression démocratique des combats que nous portions nous-mêmes n'a pas été entendue. Il aurait suffi de bonne volonté : nous en avons fait preuve dix fois dans la précédente législature, en reprenant, dans des textes balais, des amendements qui avaient été sanctionnés sur le plan constitutionnel. Je suis amer après tout le travail fourni, notamment par rapport à mon investissement dans les EGA. M. Guillaume Garot lui aussi est fou de rage : alors que nous avons sacrifié des dizaines d'heures pour jouer le jeu de la loi et nous montrer constructifs tout au long de l'examen de la loi EGALIM, alors que nous vous avons interpellé sur la manière de faire, vous nous amusez aujourd'hui avec une loi sur des étiquettes, loi négociée entre vous. Ce n'est pas sérieux. Alors, continuez à débattre entre vous ce soir ; à l'occasion, je demanderai que le président Roland Lescure réunisse les responsables de groupes, pour que, à l'avenir, on soit un peu plus respectueux des oppositions et, surtout, du fait démocratique tel qu'il ressort des travaux de notre commission et de l'Assemblée.

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