Intervention de Michel Amiel

Réunion du jeudi 7 novembre 2019 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Michel Amiel, sénateur, rapporteur :

– L'aspect de droit comparé est tout à fait intéressant. Il y a de fortes différences d'un pays à l'autre, y compris entre des pays pourtant très proches. Je l'ai indiqué : l'âge du discernement est 10 ans en Angleterre, 14 ans en Allemagne et 18 ans en Belgique ; en France, il n'est pas déterminé par la loi. La définition législative de ce seuil dépend à la fois de facteurs historiques et culturels, mais aussi, hélas, de la sensibilité à l'actualité. Il suffit qu'il se produise un acte criminel horrible mettant en cause un mineur pour que des demandes s'élèvent en vue de durcir le droit et d'abaisser le seuil.

Il importe de bien préciser de quel seuil on parle. L'âge du discernement et celui de la pleine responsabilité doivent être distingués. Un adolescent de 12 ans peut comprendre ce qu'il fait : ce n'est pas pour cela qu'il peut maîtriser ses actes. Dès lors qu'il y a discernement, la responsabilité pénale peut être engagée. Mais peut-elle l'être pleinement, au même titre qu'un adulte, dès lors que le jeune n'a pas encore développé les capacités nécessaires à la maîtrise de ses actes ? Responsabilité pénale ne veut pas dire majorité pénale : cette dernière est fixée par la loi en France ; elle correspond à la maturité des capacités de discernement et de maîtrise des actes. Lorsqu'on atteint cet âge, on passe donc de la justice des mineurs à celle des adultes.

Certains d'entre vous ont sans doute visité le milieu carcéral. Les établissements pénitentiaires pour mineurs me laissent un sentiment mitigé. Je connais bien celui de Marseille, La Valentine. Sur le plan de l'architecture, de l'hôtellerie, ce n'est pas si mal. Mais enfin… Remettre un enfant sur les rails de la loi en le plaçant dans des lieux de non-loi, est-ce la bonne approche ? Car enfin, le milieu carcéral est un milieu très particulier. 80 % des mineurs incarcérés le sont au titre de la préventive, pour une durée moyenne de 4 mois. Cela peut paraître peu de choses, mais c'est un temps assez long pour faire basculer définitivement un enfant délinquant qui était déjà fragile. Je pense qu'il faut recréer une osmose entre protection de l'enfance et protection judiciaire de la jeunesse. Un enfant en danger ne sera pas forcément dangereux, mais un enfant dangereux est toujours en danger. Tous les cas de mineurs délinquants que j'ai pu connaître étaient des enfants qui avaient vécu des choses épouvantables. Les traumatismes vécus n'excusent pas la délinquance, mais pour les rattraper, il faut beaucoup de temps et de travail, du doigté, du professionnalisme. La prise en charge des enfants est sans doute celle où il faudrait, passez-moi l'expression, mettre le paquet. De Gaulle l'avait compris avec cette fameuse ordonnance de février 1945 sur l'enfance délinquante.

Sur la question de l'équilibre entre règles universelles et cas particulier, il me semble que ce doit être le travail du juge. Le juge des enfants est la clé de voûte de la justice des mineurs. Il est compétent au civil comme au pénal. Il a le pouvoir d'initier la procédure, de l'instruire, de juger l'affaire et de suivre l'application de ses décisions. Dans la hiérarchie du prestige de la magistrature, le juge des enfants n'est certes pas situé très haut et pourtant ces juges exercent un métier extraordinaire malgré un manque évident de moyens.

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