Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du lundi 2 décembre 2019 à 18h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Imposture, arnaque, escroquerie, ruse, tromperie, j'ai cherché différents synonymes pour décrire ce que vous faites, madame la ministre, mais aucun n'est assez fort pour qualifier vos méthodes au regard de la colère des personnels hospitaliers. Cet automne, vous nous offrez le spectacle d'une formidable manipulation. C'est plutôt classique mais, cette fois-ci, vous vous êtes surpassée !

Après une grève des urgences de sept mois et une mobilisation d'ampleur, à partir de septembre, de tous les services de l'hôpital, l'Assemblée nationale a été pour le moins surprise que vous lui proposiez, pour 2020, un plan d'économie de 800 millions d'euros sur l'hôpital public. C'étaient 800 millions d'euros en moins malgré les souffrances du personnel hospitalier ; 800 millions d'euros en moins malgré les brancards qui s'accumulent dans les couloirs des urgences ; 800 millions d'euros en moins malgré les cris d'alarme qui vous ont été lancés.

Vous vous êtes bien gardée alors de crier sur les toits ce que seraient les conséquences de ce vote sur les conditions de travail du personnel hospitalier et sur la qualité des soins. Dans sa grande obligeance, la majorité s'était néanmoins empressée de voter ce plan, discrètement, sans s'en vanter.

Deux semaines plus tard, face à la fronde, vous avez annoncé, grand seigneur, un grand plan pour l'hôpital public. « Historique, un tournant, un virage », vos mots étaient si enthousiasmants qu'on y aurait presque cru. « Un milliard et demi d'euros pour l'hôpital, 10 milliards d'euros de reprise de dette, des investissements sans précédent… » Oui, mais – parce qu'avec vous, il y a toujours un « mais » – , comme chaque fois, il faut regarder ce qui se cache derrière ces chiffres et ces annonces faites en grande pompe. Après avoir analysé dans le détail les mesures annoncées, nous comprenons que vous continuerez, en 2020, à réaliser des économies sur l'hôpital public, à hauteur de 600 millions d'euros !

Pour ceux qui ont le courage de suivre, votre montage est le suivant. Vous avez annoncé 1,5 milliard sur trois ans, dont 300 millions pour 2020. Or l'amendement que nous avons examiné la semaine dernière a révélé que, sur les 300 millions, 100 millions étaient destinés à la branche vieillesse. Il ne reste donc que 200 millions pour les hôpitaux. Comme cette mesure s'ajoute au plan d'économie de 800 millions que vous avez fait voter il y a un mois, votre plan d'économie s'élève bel et bien à 600 millions d'euros pour 2020. La boucle est bouclée et l'entourloupe bien ficelée.

Quant à la reprise de dette, elle s'étalerait dans le temps et ne permettrait de récupérer, selon la Fédération hospitalière de France, que 90 millions d'euros en 2020. Nous sommes très loin des 4 milliards indispensables pour que l'hôpital retrouve la situation légèrement moins critique qu'il connaissait il y a quelques années.

Jeudi dernier, à Pont-à-Mousson, les personnels hospitaliers en grève m'ont montré la lettre que vous avez envoyée la semaine dernière. Ils n'ont que très peu apprécié votre langue de bois, car ils vivent très concrètement, eux, les conséquences de votre politique. Celle-ci suit son cours, comme les années passées, avec toujours plus de regroupements, de fermetures de lits et de services…

C'est le troisième PLFSS que vous nous présentez, et vous continuez à reporter la faute sur les gouvernements précédents. Soit, nous sommes tous d'accord à ce sujet. Toutefois, comment est-il possible qu'Emmanuel Macron, ministre de l'économie pendant la présidence de M. Hollande, parfaitement au courant de la situation dramatique de l'hôpital, n'ait envisagé aucune solution dans son projet lorsqu'il a décidé de se présenter à l'élection présidentielle ? Qui plus est, madame la ministre, certains de vos collègues du Gouvernement faisaient partie de la majorité au pouvoir avant 2012.

Bref, vous ne me ferez pas croire plus longtemps que personne n'était au courant. Vous me ferez encore moins croire que personne ne vous avait prévenue et que les solutions n'étaient pas envisageables au moment où l'on vous a proposé le poste que vous occupez actuellement !

Dans ces conditions, comment s'étonner que la mise en oeuvre de votre plan macabre se poursuive aujourd'hui ? Combien de temps encore allez-vous jouer sur les mots et tromper l'opinion ? Combien de démissions, d'arrêts, d'accidents du travail ou, pis, de suicides de membres du personnel hospitalier faudra-t-il pour que vous preniez au sérieux leur colère et leur mal-être ? Combien faudra-t-il de personnes décédées dans les urgences faute de moyens ?

La situation sanitaire est critique ; l'insécurité, croissante ; les insultes et les attaques, de plus en plus fréquentes. Aujourd'hui, tous les corps de métiers sont soudés pour sauver l'hôpital public. Inutile d'essayer de les diviser par des primes sectorielles ; cela ne fonctionne pas ! Les soignants ne demandent pas l'aumône : ils souhaitent une revalorisation de leur rémunération à la hauteur de leur travail.

Par ce PLFSS, vous détruisez la cohésion sociale, vous détruisez ce qui fait le ciment de notre société, vous détruisez le soin.

Les personnels hospitaliers ne demandent qu'une chose : pouvoir soigner dignement les patients.

Alors madame la ministre, un conseil : reculez maintenant ! Vos expériences comptables ont assez duré, ça suffit, donnez-leur des moyens humains et financiers et laissez-les soigner en paix !

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