Intervention de Marielle de Sarnez

Réunion du mercredi 27 novembre 2019 à 16h50
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarielle de Sarnez, présidente :

Nous sommes heureux de recevoir le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour une audition consacrée à la situation mondiale. L'actualité internationale est marquée par un risque croissant d'escalade des tensions, un surgissement tous azimuts de crises sociales et la persistance de nombreux conflits.

La situation sécuritaire reste très précaire au Sahel, où les militaires engagés sur le terrain paient un lourd tribut dans la lutte contre le terrorisme. Votre audition, monsieur le ministre, intervient à un moment bien particulier pour la Nation, quarante-huit heures après le terrible accident d'hélicoptères survenu au Mali. Permettez-moi de rendre hommage en notre nom à tous, aux treize militaires qui ont trouvé la mort lors d'une opération de combat contre des groupes armés terroristes.

Les militaires français sont engagés au nom de la France au Sahel pour défendre, au péril de leur vie, des principes et des valeurs qui sont les nôtres. Nous soutenons leur action et nous sommes à leurs côtés. Ils le font aussi pour défendre et protéger l'Europe. Nos partenaires européens, dont certains sont déjà présents, doivent s'impliquer davantage. De même, la communauté internationale doit s'engager fortement pour soutenir, aux côtés de l'Union africaine, le G5 Sahel pour qu'à terme les États sahéliens puissent être en capacité d'assurer leur propre sécurité.

Nous le savons tous : la réponse militaire est indispensable, vitale, pour rétablir la sécurité. Elle doit nécessairement s'accompagner d'un effort redoublé pour créer les conditions de la stabilité, du développement et du retour de l'État dans toutes les zones de la région. C'est bien une stratégie globale qui doit être mise en oeuvre au Sahel.

Dans le Nord-Est syrien, le retrait unilatéral américain et l'offensive militaire de la Turquie ont créé une rupture de confiance entre alliés et entraîné une catastrophe humanitaire. Il est indispensable que la suspension des combats aboutisse à une désescalade durable. La France doit rester particulièrement vigilante sur ce point et marquer comme ligne rouge vis-à-vis d'Ankara une opposition totale à la relocalisation forcée de milliers de réfugiés dans le Nord-Est syrien qui aurait pour seul objectif de changer durablement la composition ethnique de la région. Cette région constituait jusqu'alors un espace au sein duquel les populations locales parvenaient à construire un début de dialogue démocratique, égalitaire, tranchant avec l'obscurantisme. La France doit défendre le projet d'une Syrie décentralisée, inclusive et respectueuse de l'ensemble de ses minorités.

L'instabilité est également le résultat d'une forme de mondialisation des crises sociales. Le malaise s'exprime dans plusieurs pays du Moyen-Orient, à l'image des manifestations qui agitent l'Irak et l'Iran, où les répressions en cours sont sources d'inquiétude. La contestation s'exprime également au Liban, pays auquel nous sommes particulièrement attachés, et je veux mentionner ici la Jordanie que nous ne devons pas oublier et qui mérite un soutien renforcé de la communauté internationale. La situation de ces pays exige toute l'attention de la France, tant ils sont importants pour la stabilité du Moyen-Orient.

La situation libyenne semble évoluer de manière négative, tant l'opposition entre le gouvernement d'union nationale de Fayez al-Sarraj et l'Armée nationale libyenne de Khalifa Haftar reste forte. De surcroît, l'activisme de certains États n'aide pas à la résolution du conflit. Comment enrayer cette spirale ? Le pays voisin, l'Algérie, est à un moment clé de son histoire : j'ai pu constater, à l'occasion d'un tout récent déplacement dans ce pays, l'attente d'un changement profond en matière politique, bien sûr, mais aussi économique et sociale, compte tenu de la crise très lourde qui traverse le pays.

Un autre continent, l'Amérique latine, est en proie à une forte agitation sociale. La simultanéité des colères du Chili à l'Équateur en passant plus récemment par la Colombie, a presque relégué en arrière-plan la crise au Venezuela, où la situation économique, sociale et humanitaire s'aggrave pourtant de jour en jour. Et comment ne pas évoquer Hong Kong où la crise et la contestation perdurent jour après jour dans une violence qui interpelle ?

D'autres turbulences appellent des réponses stratégiques fortes de moyen et long terme. Les désaccords sur les finalités et les dissensions entre certains membres de l'Alliance atlantique posent la question de l'avenir de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Vous vous êtes exprimé récemment sur ces sujets, mais plus avant, je crois que c'est bien la question fondamentale de la capacité de l'Europe à assurer et à assumer sa propre sécurité et sa propre défense qui est désormais posée avec acuité. Sur cette question cruciale, la France, avec ses alliés européens, doit être à l'initiative. Sur ces grandes questions et sur d'autres telle celle du multilatéralisme, je vous laisse la parole.

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