Intervention de Nadi Bou Hanna

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 19h10
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Nadi Bou Hanna, directeur interministériel du numérique :

Je vais répondre librement au sujet des freins que nous rencontrons au quotidien pour faire en sorte que le numérique soit plus performant. Le premier frein est juridique. C'est peut-être une banalité de le dire, mais la lourdeur des procédures d'achat public est incompatible avec la culture de l'innovation. Elle nécessite de faire des acrobaties qui sont contre-productives.

Nous n'avons pas beaucoup parlé depuis le début de l'audition de la question de la souveraineté nationale, mais le deuxième frein est la nécessité de marier le droit de la concurrence et une certaine forme de souveraineté numérique de l'État. C'est très compliqué à concilier. Devoir systématiquement appliquer le droit de la concurrence dans le champ du numérique constitue un frein.

Au sujet des freins administratifs, la culture de la performance publique, en particulier de la culture comptable qu'elle peut parfois revêtir, rend compliquée l'émergence de projets d'innovation. L'innovation, par essence, passe par des projets qui peuvent échouer ou qui peuvent présenter un retour sur investissement négatif. Cette culture est difficilement conciliable avec la culture comptable.

Un autre frein, qui est un pont entre le budget et les ressources humaines, c'est la disposition essentielle de la loi organique relative aux lois de finances relative à la distinction entre les crédits du titre 2 et ceux du titre 3. Elle pousse aujourd'hui les administrations à externaliser massivement une partie de leur réalisation numérique. Le titre 3 permet l'externalisation, mais pas de recruter, même sur des périodes courtes, des experts du numérique pour mettre en place les projets.

Je voudrais signaler aussi une recommandation formulée récemment par la mission d'information relative à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF), qui vise à permettre, sur les contrats courts de projet – si nous arrivons à les mettre en place –, de s'affranchir de cette limite, qui aujourd'hui pousse les administrations à externaliser, plutôt qu'à internaliser une partie des compétences.

Pour terminer sur ce qui concerne le champ des ressources humaines, nous avons des difficultés à recruter, intrinsèques à la lourdeur des administrations, alors que les dispositifs innovants que nous mettons en place – Mme Laure Lucchesi a évoqué par exemple les « entrepreneurs d'intérêt général », ou les start-ups d'État – suscitent une vraie mobilisation de la société civile. Nous avons des candidats prêts à quitter les grands groupes informatiques et les cabinets de conseil afin de travailler pour l'intérêt commun. Mais lorsque nous déroulons tout le processus de recrutement et les contraintes budgétaires, nous avons du mal à concrétiser les contrats, alors que nous n'avons pas de difficultés à attirer les candidats.

Mais c'est peut-être une bonne nouvelle. Pendant des années, nous avons pu penser que l'État payait moins bien que le secteur privé et que la lourdeur des procédures empêchait toute attractivité du secteur. Ce n'est pas vraiment le cas. Nous arrivons à mobiliser, notamment au sein de la DINSIC, des profils assez pointus de data scientists, de designers et d'architectes. Si nous pouvions simplifier le cadre de gestion et élargir les marges de liberté, nous aurions beaucoup moins de difficultés à internaliser une partie des compétences et à reprendre notre destin en main en matière de numérique.

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