Intervention de Stanislas Bourron

Réunion du mardi 5 novembre 2019 à 18h05
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Stanislas Bourron, directeur général des collectivités territoriales au ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Je vous rejoins sur le fait qu'on puisse s'interroger sur la nécessité d'aller expliquer des textes qui sont parfois assez longs, qui comptent un nombre d'articles important et souvent précis, ce qui est une obligation en matière de collectivités locales et est encore plus vrai lorsque l'on a des décrets qui apportent encore plus de précisions.

Je vois deux explications. La première, la plus satisfaisante, est de dire que notre travail vise aussi à « vulgariser », à rendre accessibles les terminologies qui ne sont pas évidentes pour tout le monde, pour tous nos lecteurs, pour tous les usagers, pour tous les contribuables et administrés. C'est vrai que les termes de la loi sont juridiquement appropriés, mais ne « parlent » pas nécessairement à tous lecteurs que l'on peut trouver parmi les 60 0000 élus locaux de France.

J'évoquais, sur les communes nouvelles, un tableau synthétique qui évitait à un élu intéressé d'aller chercher dans chacun des articles ce qui était d'application immédiate et ce qui ne l'était pas, ce qui concernait les communes nouvelles les plus grandes, les moins grandes, ce qui était financé ou pas... Cela permet de rendre plus accessible ce qui a été voté par le législateur selon des configurations normales, avec des articles qui modifient les dispositions codifiées, qui parfois renvoient à plusieurs codes. Cela est normal en droit, mais n'est pas forcément très facile à suivre pour le lecteur de la loi.

Prenons un exemple très concret. Quand vous intervenez dans un code, vous n'allez pas réécrire forcément tout un article, vous allez parfois modifier trois mots. Effectivement, en tant que parlementaires, pendant le débat, vous avez un exposé des motifs, vous comprenez. Mais lorsque vous êtes le lecteur de la loi votée, ce n'est pas forcément une évidence, donc il faut expliquer, vulgariser, dans le bon sens du terme.

La seconde explication tient à ce que l'on peut avoir, dans des débats parlementaires riches, avec des positions qui sont parfois antagonistes sur certains points, des dispositions qui, sans être contradictoires, ne s'articulent pas forcément parfaitement du point de vue légistique à l'issue du vote définitif. Dans ce cas, nous avons besoin de rappeler l'intention du législateur. Au lieu d'attendre qu'un contentieux donne au juge l'occasion de rappeler ce que voulait le législateur, nous faisons un travail d'explication : « là, il est écrit ça, mais en fait, il faut bien le comprendre comme étant ceci et pas cela ». C'est d'ailleurs toute l'importance des recueils des débats parlementaires, sur lesquels nous nous appuyons. On dit comment il faut comprendre un texte, ce qui est très important. Cela permet d'éviter les mauvaises interprétations dont je parlais tout à l'heure parce qu'une phrase sibylline peut être interprétée différemment et conduire à des contentieux. Il est même arrivé que des circulaires fassent l'objet de contentieux, parce que l'interprétation que l'on y donnait était considérée comme n'étant pas celle que le législateur avait voulu donner au texte.

Le rôle interministériel de régulation que le secrétaire général du Gouvernement, qui est placé sous l'autorité du Premier ministre, a dû rappeler, vise normalement à éviter le risque de discordance dans l'activité de production normative des ministères. Le secrétaire général du Gouvernement y parvient plutôt bien. Mais il arrive que plusieurs projets de textes discutés en même temps abordent des sujets très proches. Les pouvoirs de police, par exemple, sont traités par le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Des ordonnances prévues par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) doivent aussi porter sur le sujet, en l'abordant par l'angle spécifique de l'habitat, de même que le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire qui concerne les pouvoirs de police relatifs aux déchets.

Il nous faut être très attentifs à la cohérence d'ensemble, ce qui passe par un gros travail interministériel.

Au niveau local, à mon sens, c'est plus simple. Le préfet est le responsable des services de l'État, modulo un certain nombre de dérogations relatives à l'autorité judiciaire, aux finances et à l'éducation. Mais le préfet a un rôle important dans la mise en oeuvre de l'ensemble des politiques publiques et, concrètement, c'est lui qui est la vraie autorité de coordination dans la mise en oeuvre de dispositions législatives et réglementaires, pour le compte de l'État. De ce point de vue, les textes de la Constitution n'appellent aucun débat.

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