Intervention de Constance Le Grip

Réunion du mercredi 27 novembre 2019 à 15h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaConstance Le Grip, rapporteure :

Notre rapport pose d'abord un constat clair : le droit européen de la concurrence, forgé dans les années 1950 pour une économie industrielle traditionnelle et pour le marché intérieur européen, est totalement bouleversé par deux phénomènes forts et précis, l'émergence de la Chine comme acteur économique mondial et la numérisation de l'économie.

Le premier phénomène qui pose un grand défi au droit de la concurrence européen est l'émergence de la Chine comme acteur économique mondial. Le projet chinois des « routes de la soie », en anglais The One Belt One Road Initiative (OBOR), est un projet désormais bien connu de développement économique très concurrentiel, qui doit se développer jusqu'en 2049. La Chine a lancé, depuis plusieurs années et dans certains secteurs précis et stratégiques pour elle, des fusions de ses principales entreprises nationales, évidemment sans considérer l'enjeu concurrentiel, afin de conquérir les marchés internationaux. Nous alertons donc sur ces secteurs stratégiques, dans lesquels les entreprises européennes pourraient se retrouver dans une situation de concurrence déloyale. Il s'agit en particulier : du ferroviaire, avec le bien connu CRRC. Je rappelle que l'un des premiers objectifs des « routes de la soie » est d'améliorer la connectivité ferroviaire de la sidérurgie, de l'industrie chimique, de la construction navale, des équipements de production d'énergie, des équipements de télécommunication, des transports maritimes, des voitures électriques.

Nous détaillons dans le rapport les entreprises chinoises dans ces secteurs stratégiques qui ont fusionné ces dernières années ou sont sur le point de le faire. Ces nouvelles entités mettent en oeuvre un agenda économique chinois extrêmement conquérant qui peut porter atteinte à la souveraineté européenne. L'expression de « concurrence déloyale » n'est pas un vain mot.

Nous proposons en priorité que l'Union européenne définisse elle aussi des secteurs de souveraineté stratégique. Pour ces secteurs stratégiques, et pour ces secteurs seulement, nous préconisons que les autorités de la concurrence, notamment la Commission européenne, prennent en compte comme marché pertinent le marché mondial. Il s'agit pour nous d'une urgence.

Le deuxième phénomène qui caractérise le monde d'aujourd'hui et vient défier le droit européen de la concurrence tel qu'il existe depuis les années 1950, c'est la numérisation de l'économie. Le taux d'entrée dans le secteur numérique, c'est-à-dire la possibilité pour de nouveaux acteurs de se développer, est en chute libre depuis 20 ans. Et certains acteurs du numérique pratiquent ce que l'on appelle des acquisitions prédatrices – killer acquisitions – en rachetant des start-ups, des petites entreprises, pour récupérer leurs innovations et leur expertise et ainsi éliminer des rivaux potentiels. Les acquisitions prédatrices passent sous le radar des autorités de concurrence, tant nationales qu'européennes.

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