Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 27 novembre 2019 à 15h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Ce qui est apparu dans le rapport, comme dans les nombreux échanges que nous avons eus lors des auditions, c'est la prise en compte de ce qu'est le droit de la concurrence. On imagine souvent qu'au niveau européen, cela signifie une concurrence complètement libre et non-faussée. En définitive, le droit de la concurrence est, au contraire, un droit qui limite, contrôle, articule, régule. On voit aussi que ceux qui, aujourd'hui, sont les plus critiques du droit de la concurrence, sont les plus libéraux. Ils considèrent que le droit de la concurrence peut être un obstacle au développement, et en particulier à ce qu'on pourrait appeler l'ambition industrielle européenne. Il y a une forme de vertige qui consiste à penser que, pour s'en sortir en matière industrielle, il faudrait des champions industriels au niveau mondial. Vous traitez le problème en affirmant que c'est plus compliqué que cela.

J'ai eu l'occasion de le dire à la Commission : il apparaît que, derrière tout cela, il y a un objectif premier de rentabilité. Il faut produire au moindre coût pour engranger des profits. Le système est ainsi fait. Il y a une course à la rentabilité maximale qui justifie la volonté de briser les murs. Or, des exemples prouvent le contraire. Il est possible de préserver l'innovation et la compétence technique sans avoir de champion industriel. Les trains d'équilibre du territoire en sont un exemple. Le petit producteur espagnol CAF, beaucoup moins important qu'Alstom, a pu emporter le marché. La SNCF a considéré que ses performances techniques étaient meilleures, et que ses coûts étaient plus faibles.

Le gigantisme n'est pas forcément avantageux. Le rapprochement entre Essilor et Luxottica, par exemple, ne s'est pas traduit par une amélioration de la qualité des produits. Comme vous l'indiquez dans le rapport, le bien-être des consommateurs européens doit être pris en compte.

J'en viens aux acquisitions prédatrices, qui constituent un vrai problème. Le contrôle européen se fait très rapidement, avant l'opération : il n'existe pas de contrôle ex post. Les start-up innovantes se font racheter et leurs innovations sont confisquées, si bien que l'on assiste à un appauvrissement de la production. Dans le secteur pharmaceutique, par exemple, on constate très clairement une forme de destruction d'innovation.

Je tiens également à rappeler que chaque marché et chaque concentration ont leur particularité. Le seuil du chiffre d'affaires, sur lequel se base le droit de la concurrence, laisse des trous dans la raquette : il ne permet pas, par exemple, un contrôle suffisant des acquisitions de start-up, dont le chiffre d'affaires est bas.

Enfin, l'emploi doit être davantage pris en compte. Les petites et moyennes entreprises sont rachetées et vidées de leur substance, avant d'être fermées. Les concentrations ne conduisent donc pas à la création de champions européens, mais à la perte d'activités économiques.

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