Intervention de Christophe Castaner

Réunion du mardi 10 septembre 2019 à 16h30
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur :

Je répondrai sous forme de boutade à votre proposition, madame Panonacle : je ne souhaite pas connaître les résultats de l'expérimentation lancée à Arcachon, car je souhaite que l'expérimentation soit nationale ! La circulaire que j'ai diffusée deux jours après le Grenelle des violences conjugales demande aux préfets de travailler avec l'ensemble des agences régionales de santé pour être disponibles, présents et efficaces dans l'ensemble des hôpitaux. Si l'hôpital d'Arcachon a un temps d'avance, nous pourrons certainement tirer des enseignements de la cellule mise en place.

Des problèmes de disponibilité continuent de se poser dans les commissariats. Lorsqu'un commissariat est ouvert la nuit, la personne en responsabilité et en charge de l'accueil ne peut immédiatement se déplacer et fermer le commissariat pour répondre à des besoins ailleurs. En lien avec l'hôpital, l'objet des conventions est de permettre à la femme victime de violences d'être accueillie jusqu'au lendemain matin à l'hôpital, de convenir d'un rendez-vous et de bénéficier d'une présence. Je ne vous dis pas que des femmes et des hommes seront toujours immédiatement disponibles, car ce serait prendre un risque pour l'ensemble du système de sécurité que nous devons à nos concitoyens, mais il faudra trouver des solutions. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé aux préfets d'y réfléchir et d'organiser le dispositif.

Les intervenants sociaux, vous l'avez relevé, jouent un rôle majeur dans la police et la gendarmerie. La police nationale en compte 172, la gendarmerie nationale 137, soit un total de 309 intervenants qui mobilisent un savoir-faire particulier que n'acquièrent pas toujours les policiers et les gendarmes, y compris au cours de leur formation. Ils apportent un appui important mais relativement difficile à quantifier à ce jour dans la mesure où ces postes ne prennent pas la forme de temps pleins dédiés à tel ou tel sujet. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé la constitution d'un Observatoire national du dispositif d'intervention sociale en commissariats et en gendarmeries. Il sera officiellement lancé le 8 novembre 2019 pour obtenir une vision précise sur ce sujet. Nous mettons en place des politiques, il est donc nécessaire de les évaluer mais je suis, comme vous, convaincu de l'utilité de ce dispositif.

Plusieurs d'entre vous m'avez posé la question de la formation telle qu'elle est aujourd'hui dispensée. La formation initiale, depuis peu de temps, prend en compte la question spécifique des violences faites aux femmes. Depuis mai 2019, un module spécifique relatif aux violences faites aux femmes, d'une durée de huit heures, est intégré à toutes les formations initiales des élèves gendarmes. La formation initiale des commissaires de police, des officiers, des gardiens de la paix et des officiers de police judiciaire consacre des enseignements aux violences faites aux femmes, notamment sur le volet de la police judiciaire et, depuis un peu plus longtemps, à la problématique de l'accueil des victimes. Il convient de développer ce dispositif et d'évaluer, selon l'expérience et le vécu, le profil des personnes qui porteront le discours et la formation. Ce peut être plus ou moins efficace. Il est par conséquent nécessaire d'intervenir. Aujourd'hui, tous les gardiens de la paix, tous les adjoints de sécurité bénéficient par ailleurs d'un enseignement spécifique portant sur les violences infra-familiales et l'accueil des victimes en situation de détresse.

La formation continue que nous voulons instaurer intervient en trois temps.

Premièrement, améliorer l'accueil des femmes victimes. L'objectif est d'être opérationnel au cours du premier semestre 2020. Nous avons lancé un questionnaire précis pour élaborer la formation la plus adaptée.

Le second temps de formation continue consiste à réfléchir au développement des pratiques d'enquête sous la forme de formations déconcentrées. Il s'agit d'une nouveauté, nous souhaitons réunir des magistrats et des enquêteurs. Cette formation sera conduite en s'appuyant sur des kits de formation. La première formation qui associera magistrats et enquêteurs aura lieu le 25 novembre prochain. Tel n'est pas l'usage dans nos maisons. Pourtant, une telle configuration est d'une réelle utilité dans la pratique. Lorsque les hommes et les femmes se connaissent, c'est mieux. Lorsqu'ils ne se connaissent pas mais qu'ils ont des méthodes et des sensibilités partagées, c'est également efficace. Autant je ne peux pas garantir le lien intuitu personae entre un enquêteur et le magistrat, le procureur par exemple, autant si nous avons des méthodes partagées, les acteurs s'enrichiront mutuellement pour une plus grande efficacité.

Le troisième volet sera déployé en association avec l'École nationale de la magistrature pour des actions renforcées et obligatoires sur la thématique des violences faites aux femmes. Tel est le programme de travail des années 2019 et 2020.

Au-delà de la sensibilisation de tous les policiers et gendarmes à l'accueil, nous avons voulu professionnaliser l'accueil par des référents dédiés, soit 264 brigades de protection des familles. Elles sont composées de policiers spécifiquement formés - avec des volumes horaires sans rapport avec ce que je viens d'évoquer-, s'appuient sur 521 correspondants locaux pour obtenir le maillage territorial le plus large possible et disposent de 174 référents dédiés aux violences conjugales dans les commissariats.

Dans les gendarmeries, c'est une centaine d'officiers de prévention qui sont mobilisés dans tous les départements et 1 740 relais dans la quasi-totalité des gendarmeries de France. Certes, le référent n'est pas présent en permanence. Son travail ne réside pas dans l'accueil, il est celui qui doit impulser, veiller, faire passer des messages et sensibiliser au sujet que nous devons traiter de la façon la plus territorialisée afin de parvenir à une uniformité de traitement et d'accompagnement.

Vous avez raison, des effectifs supplémentaires sont nécessaires dans la police nationale et dans la gendarmerie. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés à recruter 10 000 policiers et gendarmes sur la durée du quinquennat. Nous assumons ce programme, que nous poursuivons. Je ne rappellerai pas la situation que nous avons connue ces dernières années. Il est nécessaire de reconstituer les forces, mais je suis convaincu que la solution ne réside pas uniquement dans le recrutement de forces supplémentaires ; elle se situe dans les méthodes de travail, dans les priorisations, dans la nécessité de libérer nos policiers et nos gendarmes de tâches indues et administratives au profit du terrain, – et d'ailleurs ils aiment être sur le terrain ! C'est un changement d'organisation, de tropisme que nous devons accompagner. Depuis trop longtemps, la réponse consiste à ajouter des effectifs sans pour autant assurer une police du sur-mesure qui s'impose territorialement mais aussi au vu du sujet traité. Appréhender les violences conjugales est un sujet particulier qui implique formation et attention.

Vous avez évoqué un cas concret que je ne remets nullement en cause. Une mauvaise appréciation de la situation par un policier ou un gendarme est toujours possible. Je rappelle que 200 femmes sont accompagnées chaque jour. Je sais aussi la difficulté d'appréciation qui s'attache aux situations et, par conséquent, que notre système peut être faillible. Il convient donc de le sécuriser par un accompagnement sur le plan méthodologique afin d'éviter la situation que vous avez décrite. Je ne conteste pas le témoignage que vous avez livré ni ne vous le reproche, car il est important que nous puissions évoquer de tels incidents.

Nous avons déclenché des contrôles in situ pour plusieurs raisons : d'abord pour « mettre la pression » sur les professionnels. Je l'assume en tant que ministre de l'Intérieur : la confiance n'exclut pas le contrôle. J'ai toute confiance, mais le contrôle est toujours utile. Chaque commissariat, chaque caserne doit savoir que la probabilité est grande qu'il fasse l'objet d'un contrôle inopiné d'ici à la fin de l'année. C'est une manière de stimuler la qualité de l'accueil et, parallèlement, de déterminer, en cas d'anomalie, à quel moment il y a eu dysfonctionnement et la façon d'améliorer le système.

Il est plus difficile de répondre au sujet des pompiers. Tout d'abord, parce qu'il existe différents types de pompiers. Par ailleurs, nous comptons des organisations départementalisées dans le cadre des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Les approches sont donc différentes. Mais les pompiers, partout en France, sont en interaction constante avec les forces de l'ordre et échangent très régulièrement sur le sujet. Tous les pompiers ont conscience du problème et ont la capacité d'alerter les forces de sécurité intérieure en cas de suspicion de violence, ce qu'ils font assez souvent à l'instar des agents hospitaliers ou des médecins, tout en préservant le secret médical. S'ils ont le sentiment qu'il faut protéger la victime, ils le font.

Il convient de se poser la question des primo-intervenants. Dans un contexte de violence familiale, les primo-intervenants sont la famille ou les proches. Ce peuvent être aussi – l'ancien maire d'une commune rurale peut en témoigner –, le policier, le gendarme ou le pompier. Il est indispensable que l'ensemble des acteurs échangent et travaillent sur ces sujets. Quant à nous, il nous appartient de fluidifier le système. C'est pourquoi j'ai évoqué les conventions entre nos forces de sécurité intérieure et les hôpitaux qui peuvent inclure les pompiers dans le dispositif.

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