Intervention de Elise Perrin

Réunion du mercredi 25 septembre 2019 à 15h10
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Elise Perrin, coordinatrice de la Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d'auteurs de violences conjugales et familiales (FNACAV) :

La FNACAV a été créée en 2003 par des praticiens qui accompagnaient les victimes de violence. Ils se sont aperçus de la nécessité de prendre également en charge les auteurs. Aujourd'hui, la fédération rassemble une trentaine d'associations en France, qui mettent en place des actions à destination des auteurs de violences.

En tant que fédération, la FNACAV soutient le développement de ce type de structure ; elle permet l'échange de pratiques entre ses adhérents, la mise en commun d'outils et l'aide à la recherche et à la formation des professionnels. C'est également une instance de représentation auprès des élus comme c'est le cas aujourd'hui.

Les violences sont multiples. Il existe des violences visibles (violences physiques, coups, violences verbales, insultes…), mais aussi des violences insidieuses, psychologiques. C'est le rabaissement de la victime, le contrôle de tous ses faits et gestes, de ses relations ; c'est rendre la victime dépendante affectivement, économiquement, etc.

Les violences conjugales reposent sur des mécanismes complexes, et de par la nature particulière et spécifique des relations au sein de la famille, pour reprendre l'expression d'une professionnelle de la FNACAV, les violences sont semblables à une guerre civile entre des personnes qui ont des liens durables. La sortie de la violence reste donc un processus complexe et progressif.

Je ne rentrerai pas dans le détail sur la question de l'emprise, car elle a déjà été évoquée, mais les travaux de Muriel Salmona à ce sujet sont très éclairants.

Par rapport aux mesures proposées dans le cadre du Grenelle, nous souhaitions mettre en avant le fait qu'il serait important de prendre en compte la complexité du phénomène des violences.

Concernant les mesures prioritaires, selon nous, toutes les propositions qui ont été énoncées sont nécessaires, mais ne sont-elles pas des solutions à court ou à moyen terme ? Il est impératif de mettre aussi l'accent sur le long terme, c'est-à-dire sur la prise en charge psychosociale et thérapeutique des victimes femmes et enfants et des auteurs, et ce dans un objectif de lutte contre la récidive.

À ce jour, la prise en charge psychologique des auteurs de violences et des enfants victimes n'est pas considérée en France comme un axe prioritaire et c'est à notre sens une erreur. Bien entendu, la priorité reste la protection des victimes : faciliter le dépôt de plainte, évaluer les risques de dangerosité, augmenter les solutions d'hébergement et pas forcément d'urgence, sauf bien entendu pour les auteurs, car en cas d'éviction du conjoint violent, qui est une mesure tout à fait défendable, il est important qu'il puisse y avoir un point de chute.

Mais cette protection ne doit pas se faire au détriment de l'accompagnement à long terme de tous les protagonistes par des professionnels formés à ces questions. Pour la FNACAV, la priorité après le traitement de l'urgence, c'est le traitement sur le long terme, car il n'y a que sur le long terme que l'on peut lutter efficacement contre la récidive.

Lorsqu'on parle des auteurs de violences, on pense souvent aux justiciables, mais de nombreux auteurs sont des demandeurs volontaires et vont à la rencontre des associations. Ce sont ceux qui disent par exemple : « J'ai esquivé, j'ai tapé dans le mur, mais la prochaine fois, pourrai-je encore dévier le coup ? », « J'ai giflé ma femme une fois et je ne veux plus que ça se reproduise » ou « Ma femme m'a dit de me soigner, sinon elle me quitte ».

La FNACAV comprend actuellement une trentaine de structures aux fonctionnements très différents. Certaines sont des associations de contrôle judiciaire qui ne reçoivent que des justiciables et proposent des stages de responsabilisation. D'autres, souvent plus petites, reçoivent avec ou sans orientation judiciaire, proposent des groupes de parole, des suivis thérapeutiques individuels ou en couple et d'autres sont des structures d'hébergement. Cette diversité fait la force de la Fédération. Leur point commun est de faire en sorte que l'accompagnement des auteurs permette la prise de conscience et la reconnaissance de la violence, à savoir lever le déni. C'est la responsabilisation de l'auteur et le changement de son comportement sur le long terme.

Sur le territoire national, les structures sont assez mal réparties. Par exemple il en existe assez peu dans l'Ouest, dans la région bordelaise ou lyonnaise. Le nombre de 30 structures n'est pas suffisant au vu de l'ampleur des violences conjugales en France, d'autant plus qu'elles sont encore trop méconnues par les professionnels, les usagers, les auteurs et les victimes. Je dis « victimes », car ce sont souvent aussi les conjointes qui contactent la FNACAV pour savoir s'il existe des structures pour leur compagnon. Cela les rassure de savoir qu'ils peuvent se faire aider et que des solutions existent.

La prise en charge des auteurs est indispensable en termes de prévention afin de réduire la récidive. C'est une nécessité absolue pour progresser et travailler sur les causes de la violence qui, rappelons-le, est multifactorielle. On peut aider une femme et ses enfants à sortir de la situation de violence, on peut mettre l'auteur en prison, et après ? Il purge sa peine, il sort, il n'a rien élaboré, il récidive et cela recommence.

Autre point important à garder à l'esprit : très souvent, malgré les violences et malgré leur dévoilement, le couple ne se sépare pas. Nous observons fréquemment ce phénomène dans nos associations ; c'est pourquoi il faut venir en aide à toute la famille.

Dans quel cadre doit se faire cette prise en charge ? Il s'agit de développer les structures spécialisées pour les auteurs demandeurs volontaires avant toute judiciarisation. Pour les justiciables, il faut systématiser les obligations de soins vers ces mêmes structures, car pour certains, c'est la seule voie d'entrée vers le soin, et enfin former les professionnels : les magistrats, l'administration pénitentiaire, les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et les associations. Bien entendu, tout cela implique des financements pérennes.

Pour reprendre le slogan de la FNACAV, prendre en charge un auteur, c'est aider des victimes. Je vais aussi reprendre les propos d'un auteur de violences qui participait à un groupe de parole : si les auteurs de violences sont le problème, ils sont aussi une partie de la solution.

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