Intervention de Marie Cervetti

Réunion du mercredi 25 septembre 2019 à 15h10
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Marie Cervetti, directrice de l'association Une Femme un Toit (FIT) :

Il n'y a effectivement pas un public homogène. Il y a des femmes jeunes, des femmes moins jeunes, des femmes autonomes, indépendantes économiquement… On ne peut considérer les femmes victimes de violences conjugales comme un ensemble homogène.

Pour revenir à l'hébergement, si j'étais ministre, je ne supprimerais pas 57 millions d'euros durant la mandature pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale. Les jeunes que nous accueillons ont en moyenne 20 ans, elles ont quitté l'école, souvent à cause des violences qu'elles subissaient dans la famille, sans diplôme ni qualification. Il leur faut un minimum de temps (dix-huit mois, ce n'est pas très long) pour qu'elles puissent accéder à une formation, suivre les affaires quand elles ont porté plainte, avoir un avocat…

En outre, on oublie trop souvent que les femmes victimes de violence peuvent avoir des problèmes de santé comme des maladies sexuellement transmissibles ou des blessures graves. Faire les démarches pour obtenir une allocation de travailleuse handicapée, par exemple, prend du temps. Si nos budgets diminuent, nous aurons moins de temps à leur consacrer.

J'avais parlé de l'obligation d'avoir des CHRS non mixtes à Édouard Philippe, qui était venu visiter notre centre. Il l'a compris et en a parlé lors du Grenelle. Nous avons le temps sur 18 mois d'avoir des partenariats avec des entreprises privées, de faire des petits-déjeuners de l'emploi, de passer des accords avec des entreprises de formation. Chaque année, quarante jeunes filles sortent de chez nous avec une résidence sociale ou un logement, ce qui signifie qu'elles ont obtenu un travail. Ce lieu de 60 lits coûte cher (et encore, nous sommes propriétaires de l'immeuble), à peu près un million d'euros pour l'État. Mais on dit que les violences conjugales coûtent 3,6 milliards d'euros chaque année. La mise en sécurité et l'accompagnement social global de ces femmes garantissent qu'en principe ni la police ni les hôpitaux ne les reverront. Elles deviennent des femmes qui, au sein de leur couple et vis-à-vis de leurs enfants, ont brisé la chaîne de reproduction. Je ne connais aucune jeune fille ayant subi une excision qui ressorte de notre association en disant qu'elle va exciser sa petite fille. J'ai toujours entendu l'inverse : « Moi, jamais ». Par conséquent, c'est beaucoup d'argent gagné sur le futur. On ne peut pas continuer à supprimer des crédits aux dispositifs pour les femmes victimes de violences.

Je demandais à Édouard Philippe qu'il épargne au moins les CHRS qui hébergent des femmes victimes de violences. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. C'est vraiment triste, car ces dispositifs sont une vraie pépite. Évidemment, il faut de l'argent pour l'urgence, mais si j'étais ministre, l'urgence serait quelque chose d'adapté, avec des moyens.

Un centre d'hébergement et de réinsertion sociale coûte en moyenne 52 euros par jour et par personne, contre 26 euros, parfois 16, pour un centre d'hébergement d'urgence. Pour 300 personnes qui sont toutes dans des situations dramatiques, il y a 7 travailleurs sociaux. Ce n'est déjà pas possible de travailler ainsi avec des personnes qui ont des problématiques sociales et cela l'est encore moins avec des femmes victimes de violences.

Il faut que les dispositifs soient adaptés aux victimes et que ces lieux soient gérés par des associations mieux dotées pour pouvoir le faire.

En matière de logement, on pourrait imaginer pour les jeunes des colocations avec des travailleuses sociales volantes qui se rendraient à domicile. Ces solutions sont aussi adaptées pour les femmes autonomes économiquement qui peuvent payer un loyer. Ces loyers pourraient prendre la forme de baux glissants où elles pourraient rester dans l'appartement ou en tout cas avoir le temps de trouver un appartement dans le parc privé si leurs ressources le permettent. Cela pourrait être une solution, à condition que les associations soient dotées en ressources humaines et financières pour assurer l'accompagnement social de ces femmes dans les appartements. Quand les personnes ont une expérience locative, qu'elles sont capables de montrer qu'elles ont payé leur loyer, par exemple, c'est beaucoup plus facile de trouver un bailleur. Très peu de jeunes femmes du FIT partent dans un logement traditionnel ; elles passent d'abord par des résidences sociales, car les bailleurs savent très bien qu'à leur âge, elles n'ont pas ce type d'expérience.

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