Intervention de Brune Poirson

Séance en hémicycle du lundi 9 décembre 2019 à 16h00
Lutte contre le gaspillage et économie circulaire — Présentation

Brune Poirson, secrétaire d'état auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire :

Ce texte propose donc de remettre à plat la façon dont sont gérées les filières.

Au fur et à mesure de la création de nouvelles filières, les réglementations se sont empilées. Les cahiers de charges des éco-organismes sont devenus de plus en plus épais, de plus en plus compliqués. Les fabricants peuvent avoir l'impression que leur responsabilité s'est diluée, qu'elle consiste seulement à cotiser à un éco-organisme qui gère pour leur compte la fin de vie de leurs produits, d'ailleurs avec plus ou moins d'efficacité, et parfois plutôt moins que plus.

Dans ce contexte, pouvoir agir directement sur les résultats, mettre l'accent sur l'amont, sur l'éco-conception, notamment grâce à la possibilité de faire varier très fortement les éco-contributions, constitue précisément une façon de reconsidérer la responsabilité des producteurs dans le cycle de vie complet de leurs produits.

Après l'amont, laissez-moi vous parler de l'aval. L'aval, c'est le réemploi et la réutilisation, que nous souhaitons favoriser dans toutes les filières où ils sont possibles.

Le réemploi peut être le fait des acteurs économiques traditionnels mais aussi, par exemple, celui des acteurs de l'économie sociale et solidaire, voire du tissu associatif local. C'est la raison pour laquelle un travail considérable a été fait en commission, en lien avec l'ensemble des acteurs, en vue de la création d'un fonds de réemploi.

Je veux saluer ici le travail accompli par la rapporteure Stéphanie Kerbarh, qui déposera un amendement prévoyant, dans les secteurs concernés, de consacrer au moins 5 % des recettes à la structuration de filières de réemploi pérennes. C'est de l'emploi local pour nos territoires ; c'est la promesse à la fois de gains de pouvoir d'achat, de gains environnementaux et plus largement de gains de sens pour notre économie.

Notre volonté est donc de faire levier pour structurer de nouvelles filières industrielles en France. Recycler et réemployer représente un potentiel de 300 000 emplois non délocalisables, partout sur le territoire. Pour concrétiser cette ambition, compte tenu de la création de nouvelles filières et de la fixation d'objectifs plus larges, il sera bien sûr nécessaire de renforcer les moyens de collecte des données et de supervision des filières : encore une fois, contrôle et responsabilité figurent au coeur de ce texte.

Ces missions sont confiées à l'ADEME. Celle-ci se verra donc dotée de nouvelles ressources financières, comme le prévoit le droit européen, ainsi que de nouveaux moyens humains, indispensables au suivi des filières. C'est bien la volonté du Gouvernement d'aller dans ce sens.

La troisième grande avancée de ce projet de loi consiste à rendre effective la transparence, à en faire une réalité, afin d'améliorer et d'encourager la redevabilité. Comme vous le savez, l'opacité est l'une des caractéristiques du système français de gestion des déchets. Cette opacité, conséquence de la complexité du système, engendre elle-même parfois – je dis bien « parfois » – des dysfonctionnements qui nuisent à la performance environnementale de l'ensemble et permettent à certains acteurs de continuer à faire leur travail dans leur coin, un travail dont eux se satisfont, mais qui ne génère pas suffisamment de gains de pouvoir d'achat ni de gains environnementaux. C'est la raison pour laquelle nous avons mis le principe de transparence au coeur de ce texte.

Le défi consiste à donner aux Français les moyens d'agir en vue de cette transition sans pour autant les pénaliser, sans opposer fin du monde et fin du mois. Je suis convaincue que, dans ces conditions, ils feront le choix de l'environnement. Nous leur offrons ce choix en rendant transparente l'information à laquelle ils ont droit, au sujet de l'impact environnemental et de la réparabilité des produits, ou au sujet du geste de tri à effectuer. Demain, ils pourront consommer en connaissance de cause, comme ils nous le demandent – c'est l'une des remontées du grand débat national.

Les Français veulent-ils des produits conçus pour durer, veulent-ils des produits recyclables, veulent-ils des produits qui ne seront plus suremballés ? À eux de choisir ; à eux d'orienter les décisions des metteurs en marché, grâce à des informations fournies en toute rigueur et en toute transparence.

Pour les entreprises, cette exigence de transparence passe par le fait de transmettre les informations, par exemple en construisant un indice de réparabilité, ou en informant le consommateur au sujet des pièces détachées, de la garantie légale de conformité, de la durée pendant laquelle des mises à jour logicielles sont disponibles et aussi bientôt de la durabilité des produits, comme l'a proposé la rapporteure Véronique Riotton.

Pour la puissance publique et en particulier pour l'État, la transparence exige d'abord l'exemplarité de la commande publique, mais également l'animation d'une certaine méthode de mise en oeuvre des objectifs de moyen et long termes. Il faut que nous dépassions le stade où l'on se fixe de grands objectifs à échéance très lointaine. Certes, ils sont importants ; mais ce qui est fondamental, c'est de se donner des points de rendez-vous, des points d'étape, pour savoir si nous nous en rapprochons, si nous sommes sur le bon chemin.

Cela passe par la concertation avec les parties prenantes et par une gouvernance de suivi des objectifs. C'est le cas pour tous les objectifs programmatiques qui sont fixés au début du projet de loi, en matière de recyclage du plastique, de réduction des plastiques à usage unique, de réduction de la mise en décharge, de développement du réemploi des emballages, et dans beaucoup d'autres domaines.

La quatrième avancée majeure de ce projet de loi consiste à donner plus de moyens aux collectivités pour conforter et renforcer le système public de gestion des déchets. L'économie circulaire se fait au niveau local, elle émerge à ce niveau. Les collectivités ont donc un rôle pivot à jouer pour la déployer au sein des territoires et dans la vie quotidienne des Français.

Nous devons leur donner de nouveaux moyens et par conséquent de nouveaux pouvoirs. En élargissant le nombre des filières de responsabilité élargie du producteur, nous opérons un transfert de près de 500 millions d'euros par an des entreprises vers les collectivités. Mesdames et messieurs les députés, avez-vous souvent eu l'occasion, dans cet hémicycle, de voter des textes qui redonnent 500 millions d'euros de marge de manoeuvre aux collectivités locales ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.