Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du mardi 10 décembre 2019 à 9h00
Questions orales sans débat — Rentes versées aux victimes de la shoah

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, je regrette beaucoup que Mme Agnès Buzyn ne soit pas là ce matin. Je lui ai écrit, le 15 avril dernier, pour appeler son attention sur le régime juridique retenu par les départements s'agissant des rentes que l'État allemand verse aux victimes françaises du nazisme placées en EHPAD ou en établissement pour personnes handicapées. Huit mois plus tard, et malgré les relances effectuées par mes assistants parlementaires auprès de son cabinet, je n'ai toujours reçu aucune réponse. Je suis donc contraint de revenir aujourd'hui sur ce sujet qui, moralement, me tient très à coeur.

La fondation CASIP-COJASOR, qui est notamment chargée de répondre aux besoins sociaux des derniers survivants de la Shoah, m'a alerté sur ce que je peux appeler « un scandale ». Aujourd'hui, le département de Paris considère les indemnités versées par l'État allemand aux victimes françaises du nazisme comme des ressources classiques, au sens de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles. Les bénéficiaires sont donc susceptibles d'être ponctionnés à hauteur de 90 % au titre du remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien.

Le problème est d'abord juridique, la rédaction de cet article étant, volontairement, bien trop générale. À titre de comparaison, ces rentes sont explicitement exclues du champ de l'assiette de l'impôt sur le revenu. De même, le règlement municipal des prestations d'aide sociale facultative de la ville de Paris exclut spécifiquement les réparations et indemnités versées par un État étranger du champ des ressources du bénéficiaire.

Surtout, d'un point de vue moral, le fait de ponctionner 90 % des indemnités perçues par des victimes du nazisme heurte ma conscience, notre conscience. Nous parlons d'anciens déportés ou d'enfants dont les parents ont été assassinés par la barbarie nazie, d'hommes et de femmes souvent en situation de précarité, de santé fragile et isolés.

Quelles que soient les modalités de versement, le caractère indemnitaire de la rente ne fait aucun doute et l'exclut par principe de l'assiette des ressources. D'un point de vue financier, je doute que, soixante-quinze ans après la fin de la Shoah, une telle exclusion ait des conséquences significatives sur les ressources des départements. Sa portée symbolique serait en revanche majeure, alors que notre pays fait face à une explosion d'actes antisémites.

Dans ce contexte, par rigueur juridique et par respect pour les rescapés de la Shoah, je demande au Gouvernement d'exclure expressément ces rentes indemnitaires de l'assiette des ressources visées à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles.

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