Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du vendredi 27 octobre 2017 à 15h05
Commission élargie : finances - affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Je commencerai par l'humanitaire. C'est un sujet qui me préoccupe et je ne peux pas admettre notre classement international. J'ai en partie remédié à la situation pour 2018, en renforçant le budget du centre de crise et notre capacité de mobilisation de crédits par son intermédiaire. Je l'ai fait aussi de manière immédiate grâce à des modifications de lignes de crédits pour 2017. Lorsque la ville de Raqqa est tombée, la semaine dernière, il y a eu tout de suite une nécessité humanitaire. Il ne suffit pas d'avoir participé au combat contre Daech : on doit aussi être là immédiatement, à proximité des populations lorsqu'une ville est détruite. J'ai donc décidé il y a trois jours de mobiliser dix millions d'euros pour l'intervention immédiate d'ONG à Raqqa. C'est de l'humanitaire concret, immédiat et pas dans les rêves. Il faut renforcer cette dynamique.

Une amputation a été faite en juillet et je ne ferai pas de commentaire supplémentaire sur ce point. J'ai demandé à l'AFD et à mes services de faire en sorte que les marges de manoeuvre dont on peut disposer en fin d'exercice permettent de compenser une partie, au moins, du manque pour les dons-projets concernant les ONG. Pour 2018, nous avons inversé la tendance, même si nous sommes loin de la place qui devrait être la nôtre, en particulier s'agissant de l'aide humanitaire immédiate. C'est pour moi un sujet de vigilance.

Je voudrais dire à M. Kamardine qu'un village Potemkine à 8,6 milliards d'euros reste convenable. Je ne me retrouve pas dans sa description apocalyptique de la position de la France au sein de l'aide au développement mondiale. Même si nous ne sommes pas nécessairement au niveau que chacun voudrait, nous sommes respectés et nous avons de nombreux partenaires. Je ferais également observer que les crédits de paiement augmentent de cent millions d'euros, comme vous avez bien voulu le reconnaître, et les autorisations d'engagement de 80 millions. On aurait pu souhaiter une hausse plus importante, mais elle est significative d'une inversion de tendance. Il est vrai qu'il y avait un décrochage depuis des années : il fallait non seulement l'enrayer mais aussi l'inverser, afin d'appliquer les orientations fixées par le Président de la République. Elles sont fortes et doivent être respectées.

Je suis tout à fait conscient des chiffres. Nous en sommes à 8,6 milliards d'euros pour l'année prochaine, alors qu'il en faudrait 14,7 ou 14,8 en 2022 pour être au rendez-vous, compte tenu de l'évolution actuelle du PIB. Cela veut dire qu'il y aura d'autres étapes et qu'il faudra mobiliser des financements. Il y a sans doute la taxe sur les transactions financières, mais pas seulement : je suis beaucoup plus attentif à la mobilisation de crédits budgétaires nets. Les crédits extra-budgétaires sont très positifs, je me réjouis qu'ils soient là et ils sont utilisés, mais on ne peut pas s'en contenter. Un effort budgétaire significatif sera également nécessaire.

Monsieur Hutin, je ne confonds pas – et vous non plus, j'en suis sûr – ce que signifient le multilatéralisme et le bilatéralisme sur le plan budgétaire et dans un cadre stratégique global. Nous sommes parmi les seuls pays au monde à porter une stratégie multilatérale, en particulier au sein des Nations unies, dans un contexte où l'on connaît des replis nationalistes – ou de puissances sur elles-mêmes. Nous sommes sans doute les seuls à développer cette logique multilatérale au niveau de notre diplomatie. Je m'y emploie pour ma part. La question que j'évoquais concerne plutôt la part du multilatéralisme et du bilatéralisme dans nos engagements financiers. J'ai expliqué tout à l'heure comment le bilatéral a servi de variable d'ajustement obligatoire au fil des baisses de crédits.

S'agissant des agences onusiennes, nous avons jugulé une tendance qui concernait les actions volontaires. S'agissant des actions obligatoires, nous respectons nos engagements. Ce serait un comble que nous ne le fassions pas alors que la France est membre permanent du Conseil de sécurité. Nous avons arrêté la dérive pour la part volontaire – il s'agit notamment de notre contribution au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Vous avez insisté, en particulier M. Descrozaille, sur la nécessité qu'il y ait un seul pilote dans l'avion. J'en prends bonne note. Sans prêcher pour ma propre paroisse, nous avons besoin d'une vraie clarification. En ce qui concerne la mobilisation pour le climat, six fonds existent : le fonds vert, pour lequel la France tient ses engagements, avec environ 163 millions d'euros – des crédits extrabudgétaires alimentant le FSD vont au fonds vert, de sorte qu'un fonds en alimente un autre ; les projets à co-bénéfice « climat » qui dépendent de l'AFD ; un fonds pour l'environnement mondial relevant de Bercy ; le fonds français pour l'environnement mondial, qui est encore différent ; le fonds d'adaptation ; le fonds pour les pays les moins avancés (PMA). Et cela ne concerne que le climat…

Le Premier ministre m'a confié, dans une lettre de mission, le mandat de rendre l'action de la France cohérente dans ce domaine. Je vais donc m'y employer, d'autant plus que vous partagez, me semble-t-il, toutes sensibilités confondues, ma volonté de clarification. Il est vrai que le brouillard favorise la dissimulation, et ce n'est jamais une bonne chose.

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