Intervention de Guillaume Vuilletet

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 9h00
Reconnaissance du crime d'écocide — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet :

Cette proposition de loi nous donne l'occasion d'aborder l'enjeu essentiel de la préservation de nos écosystèmes. La litanie des exemples et leur aspect dramatique nous conduisent à l'envisager sans attendre. Réjouissons-nous qu'un débat sur ce sujet ait lieu ici.

Pour autant, et en cohérence avec nos positions en commission, le groupe La République en marche ne soutiendra pas les dispositions contenues dans ce texte, qui pèchent par un certain nombre de défauts que je signalerai. Cela ne signifie toutefois pas que le débat doit s'arrêter ou que nous ne devons pas agir. L'urgence est là, elle exige des réponses appropriées. Nous sommes en désaccord avec celle-ci, mais au moins pouvons-nous discuter de ce sujet.

La lutte contre la criminalité environnementale est l'une des préoccupations constantes de la majorité ; le Président de la République l'a réaffirmé cet été à la suite des incendies qui ont ravagé plus de 9 millions d'hectares de forêt amazonienne. Les faits qualifiés d'écocide justifient l'élaboration de dispositions internationales. Il s'agit de l'un des objectifs du Pacte mondial pour l'environnement, pour lequel nous sommes mobilisés, et j'observe que la plupart des exemples cités au cours des interventions précédentes sont de dimension internationale.

Au niveau national, il importe de souligner que l'arsenal législatif en vigueur permet déjà de répondre à l'ensemble des situations rencontrées, sans qu'il soit établi que la création d'une nouvelle infraction de portée générale répondrait à un véritable besoin. Des dispositions de droit pénal de l'environnement permettent déjà de sanctionner les dommages causés à la faune ou à la flore, la pollution des eaux, l'émission de substances polluantes dans l'atmosphère ou encore la mauvaise gestion des déchets. Celles-ci sont complétées par un ensemble de sanctions administratives autorisant à mettre un exploitant en demeure de se conformer à ses obligations, sous peine de pénalités financières, et sans qu'il soit nécessaire de saisir le juge pénal. L'auteur d'un dommage causé à l'environnement peut également être condamné à verser des dommages et intérêts d'un montant élevé.

Depuis 2016, le code de l'environnement reconnaît l'existence d'un préjudice écologique autonome, pouvant donner lieu à réparation. La loi portant création de l'Office français de la biodiversité que nous avons adoptée a, quant à elle, considérablement renforcé les pouvoirs des inspecteurs de l'environnement. Enfin, la mission confiée par le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, et la garde des sceaux au Conseil général de l'environnement et du développement durable et à l'inspection générale de la justice, qui vise à renforcer l'effectivité du droit de l'environnement, doit rendre ses conclusions très prochainement. Elle permettra notamment d'évaluer l'intérêt d'une spécialisation des magistrats chargés de la répression des atteintes à l'environnement.

S'agissant de la définition de l'écocide, je ne reprendrai pas le propos très complet de Mme la ministre. J'estime que sa rédaction souffre de trop d'imprécisions pour répondre à l'exigence constitutionnelle de clarté de la loi pénale. Le crime d'écocide est construit sur le modèle du crime de génocide. Néanmoins, alors que ce dernier fait référence à des actes matériels précis, le crime d'écocide n'est défini que par ses conséquences sur l'environnement. Il n'est fait aucune référence aux comportements précis de nature à porter atteinte à l'environnement et – ou – à la santé des personnes.

Le terme d'écosystème apparaît pour sa part imprécis, ne satisfait pas au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines et s'applique à des échelles très différentes. Une telle incrimination est susceptible de porter atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des peines, en raison de la disproportion manifeste entre le comportement réprimé et la peine encourue. La définition de l'élément moral par la connaissance des conséquences pose également une difficulté importante, tandis que le délit d'imprudence caractérisée ayant contribué à la destruction grave d'un écosystème présente les mêmes difficultés de définition.

Ce débat est utile, important, et se doit d'être poursuivi ; mais les difficultés que je viens de relever nous conduisent à rejeter les dispositions qui nous sont ici proposées. La loi doit non seulement être forte par ses principes et le message qu'elle formule, mais elle doit également être opérationnelle. En l'espèce, cette nécessité ne nous semble pas satisfaite. Le Gouvernement oeuvre de manière constante en faveur d'un droit à l'environnement protecteur : laissons-le poursuivre cette réflexion et attendons l'aboutissement imminent des travaux engagés en vue d'instaurer un système transnational efficace.

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