Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 15h00
Lutte contre la désertification médicale et prévention — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

La nouvelle proposition de loi de notre collègue Guillaume Garot visant à agir contre la désertification médicale démontre l'importance que revêt ce phénomène et souligne l'urgence qu'il y a à prendre des mesures pour le pallier. Même s'il ne prétendait pas tout régler, le texte initial de la proposition de loi allait dans le bon sens.

Le constat, unanimement partagé, est sans appel : nul ne peut nier la difficulté croissante à trouver un médecin ni l'engorgement des salles d'attente.

Les chiffres le confirment : nous avons perdu 9 000 médecins généralistes en dix ans, dont 750 au cours de la seule année 2017. Au total, selon les estimations du ministère des solidarités et de la santé, 5,5 millions de nos concitoyens vivent dans un désert médical. Étant un élu de la Guyane, où le terme « désert médical » prend tout son sens, je suis bien placé pour en parler. Selon la dernière édition des statistiques et indicateurs de la santé et du social, STATISS, on compte 55 médecins généralistes pour 100 000 habitants en Guyane, contre 104 dans l'hexagone.

Au plan national, le géographe de la santé Emmanuel Vigneron avait établi en 2017 que 3,9 millions de Français vivaient dans des territoires dont la situation, pour ce qui concerne l'accès à des professionnels de santé, pouvait être considérée comme alarmante et que 4,8 millions se trouvaient dans des territoires délaissés. Une étude de l'UFC-Que Choisir parue au mois de novembre indique en outre que 44 % des médecins refusent de prendre de nouveaux patients.

Les causes de ce phénomène sont multiples. L'une d'elles est le verrou du numerus clausus, profondément injuste et dont nous payons aujourd'hui le prix. Toutefois, la fin annoncée du numerus clausus n'est pas une garantie à 100 % que les choses s'amélioreront. En Guyane, qui compte 300 000 habitants, nous n'avons même pas un embryon de centre hospitalier universitaire, CHU ! Pourtant, la transformation du centre hospitalier Andrée-Rosemon de Cayenne en CHU figurait bien dans l'accord de fin de conflit signé sous l'autorité de Mme Buzyn en juin 2017. Las, de l'aveu même de l'ARS, confirmé par M. Taquet, cet engagement est venu grossir la longue liste de « paroles zinutiles » – comme on dit chez nous – , dont l'exécutif nous abreuve quotidiennement. Le Président de la République nous avait pourtant prévenus, en nous disant qu'il n'était pas le Père Noël !

Pour tenter de remédier à la désertification médicale, des élus locaux mettent en place ici ou là des mesures incitatives. Certaines fonctionnent bien, d'autres moins. La mise à disposition de locaux pour les médecins acceptant d'exercer dans des zones sous-dotées est la plus fréquente.

En Guyane, vu l'urgence, nous sommes favorables à la venue de médecins cubains, réputés pour la qualité de leur formation et issus du même bassin géographique, donc familiarisés aux pathologies endémiques. Les textes le permettent. Pourtant, cela coince – pas du côté de Cuba, mais du côté du gouvernement français. Je me suis récemment entretenu avec M. l'ambassadeur de Cuba en France, qui a renouvelé son engagement. Pourquoi est-ce que cela coince ? J'aimerais qu'on nous l'explique.

La pénurie de médecins provoque, par un effet domino, l'augmentation du nombre des patients qui se dirigent vers l'hôpital public, lequel devient la seule solution pour des dizaines de milliers d'entre eux.

Monsieur le secrétaire d'État, il est urgent de sortir de la logique de réduction des dépenses de santé. La santé n'est pas un bien marchand !

En commission, vous avez vidé de sa substance le texte de nos collègues socialistes, notamment en supprimant le conventionnement sélectif. Une fois de plus, vous manquez de courage politique, mais pas d'audace dès lors qu'il s'agit d'aller dans la mauvaise direction ! Il reste la disposition relative à la prévention, par l'intermédiaire du développement de la télémédecine, qui va certainement vous permettre de faire un beau coup de communication en faisant adopter un texte dénaturé, vidé de son sens et à l'impact réel limité.

Avec l'ensemble de mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, nous le regrettons profondément et nous voterons en faveur des amendements tendant à rétablir le texte dans sa version initiale.

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