Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 15h00
Certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises — Discussion générale

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances :

Je remercie tout d'abord le rapporteur, M. Dominique Potier, pour sa nouvelle contribution à la réflexion sur les outils permettant d'améliorer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous débattons de ce sujet important puisque nous avons déjà eu des échanges à l'occasion de l'examen de la proposition de loi entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances, en 2018, par cette assemblée. Déjà, nous partagions les principes et les objectifs, mais avions pour notre part exprimé des réserves sur les modalités juridiques de sa mise en oeuvre. Le Gouvernement vous avait alors assuré que des réponses concrètes aux questions soulevées seraient apportées dans la loi PACTE.

Cela a été le cas et je ne peux que vous remercier des débats particulièrement riches et productifs que nous avons eus à cette occasion. En effet, la loi PACTE a permis des avancées majeures. S'il fallait en citer une seule, je mentionnerais l'introduction dans le code civil de l'obligation, pour toutes les entreprises, de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité. Cela peut sembler anecdotique mais c'est en réalité essentiel au regard de notre objectif de faire de la responsabilité sociale et environnementale une figure imposée de la vie des entreprises. Mais je tiens également à citer les dispositions relatives : au partage de la valeur : à l'implication des salariés dans les conseils d'administration ; à l'introduction de supports d'épargne grand public responsables, verts et solidaires, qui permettront d'orienter l'épargne des Français, notamment l'épargne salariale et l'assurance vie, vers la transition énergétique et écologique ainsi que vers l'économie sociale et solidaire ; à la rénovation du statut des entreprises de ce dernier secteur ou encore la mise en place d'un ratio d'équité, d'ailleurs évoquée dans la discussion générale. Je tiens aussi à remercier Coralie Dubost, rapporteure de la loi PACTE, dont la détermination a permis l'adoption de plusieurs de ces dispositifs ambitieux.

Par ailleurs, dans un autre registre, je tiens à rappeler que la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé l'index d'égalité entre les femmes et les hommes, qui concernera à terme l'ensemble des entreprises de plus de cinquante salariés et constitue une avancée majeure en matière de mesure de la parité.

Voilà autant d'éléments concrets faisant progresser la responsabilité sociale des entreprises.

Nous entamons les débats sur la proposition de loi portant création d'une certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises et expérimentation d'une comptabilité du XXIe siècle. Là encore, nous partageons le diagnostic et les objectifs ; néanmoins, là encore, les modalités techniques et juridiques prévues par le texte ne paraissent pas opérantes. Je veux préciser que j'ai consulté en amont la Confédération des petites et moyennes entreprises ainsi que des syndicats particulièrement investis sur ces sujets, et que tous m'ont confirmé partager mon analyse. Cela ne signifie pas que nous devons renoncer à travailler plus avant sur ces sujets. Au contraire, nous avançons, comme nous nous y étions engagés dans la loi PACTE, sur le sujet des labels RSE tant au plan national qu'au plan européen. Cela dit, si le Gouvernement partage les ambitions des auteurs de cette proposition de loi, il est réservé sur les modalités précises de mise en oeuvre des objectifs qu'elle préconise. J'en viens aux mesures elles-mêmes.

Vous proposez en premier lieu, monsieur le rapporteur, la création d'un label public sur la performance sociale et environnementale Je me permets de vous rappeler que le débat sur l'opportunité de cette mesure avait eu lieu au moment de la discussion de la loi PACTE et qu'il avait été tranché à l'article 174. En effet, nous avions fait le constat d'une offre abondante de labels RSE émanant d'acteurs privés, de la société civile, d'ONG, d'autorités de normalisation ou bien d'institutions gouvernementales et internationales, et la certification des démarches RSE des entreprises a fait l'objet de nombreuses initiatives volontaires de leur part comme de la part des associations, d'organismes experts ou de certification : je pense au label Global Compact des Nations unies, à l'écolabel européen, aux labels RSE de l'AFNOR – l'Association française de normalisation – à la norme de management responsable ISO 26 000, au label B Corp ou encore au label Lucie.

Il faut conduire une évaluation préalable approfondie sur la valeur ajoutée de ces démarches, leur lisibilité et leur pertinence au regard des attentes des différentes parties prenantes, mais également au regard de la taille des entreprises qui seront amenées à les mettre en oeuvre, afin d'éviter de creuser à nouveau l'écart entre les grandes entreprises, qui peuvent se permettre d'obtenir ces qualifications, et les TPE, parfois tout aussi responsables mais dépourvues des moyens de prouver leur caractère RSE. L'accès à la qualification ISO, par exemple, coûte 50 000 euros pour une entreprise qui réalise 60 millions d'euros de chiffre d'affaires, je vous le dis en connaissance de cause. La création d'un label public reconnaissant la performance non financière des entreprises ne pourrait être envisagée que sur la base de cette évaluation préalable. Or il est démontré que le label public apporterait plus de lisibilité et de confiance que les labels existants – je pense notamment au label Global Compact des Nations unies – sans décourager pour autant l'engagement volontaire des acteurs ni rigidifier à l'extrême les politiques RSE.

Tel est le contenu de l'article 174 de la loi PACTE, qui prévoit la remise au Parlement « d'un rapport sur les conditions de mise en place d'une structure de revue et d'évaluation des labels de responsabilité sociale des entreprises permettant de valoriser des produits, des comportements ou des stratégies. Cette structure associe, notamment, des experts et des membres du Parlement et propose des pistes de rationalisation et d'harmonisation des conditions de validité, de fiabilité et d'accessibilité de ces labels pour les petites sociétés. » Cet article, fruit d'un compromis conclu avec plusieurs groupes politiques, dont le groupe Socialistes et apparentés, offre une voie d'action très claire, distinguant une étape de bilan et une deuxième étape de mise en oeuvre qu'il convient de respecter. Dans ce cadre, nous lançons une mission qui réalisera un panorama des labels de responsabilité sociale des entreprises dans les prochains jours, en lien étroit avec la plateforme RSE, hébergée par France stratégie, et permettra une large consultation des parties prenantes, incluant des parlementaires.

Mais la loi PACTE, loin de se résumer à ce seul rapport, débouche aussi sur des actions concrètes. Je veux rappeler ici plusieurs réalisations fortes du Gouvernement qui contribuent à renforcer la crédibilité et la reconnaissance des démarches RSE des entreprises.

En premier lieu, nous avons créé, dans la loi PACTE, le statut de sociétés à mission, qui permet une reconnaissance légale des sociétés s'engageant à se doter d'une raison d'être et à poursuivre des objectifs sociaux et environnementaux – il s'agit d'une première contribution à l'exercice de labellisation publique des entreprises en matière de RSE.

En deuxième lieu, elle a renforcé les compétences de l'Autorité des marchés financiers – l'AMF – en matière de suivi de l'information environnementale des entreprises, et, dans le cadre de l'accord de place du 2 juillet dernier sur le développement de la finance verte, moins de deux mois après la promulgation de la loi, l'AMF et l'ACPR – l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – évalueront conjointement la mise en oeuvre des engagements pris par le secteur financier en faveur du climat.

Enfin, le Gouvernement se mobilise fortement au niveau international puisque nous sommes à l'initiative pour la mise en oeuvre de la TCFD – Task Force on Climate-related Financial Disclosures – au niveau du G20 et du plan d'action sur la finance durable au niveau européen. Ce plan d'action, en plus d'établir un système de classification unifié au niveau européen, prévoit notamment d'intégrer la durabilité dans les exigences prudentielles et de renforcer les obligations d'information et de transparence en matière de durabilité des investissements. Et vous savez que le Gouvernement est parvenu, dans le cadre des institutions européennes, à un accord sur la taxonomie qui sera adopté la semaine prochaine.

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