Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du lundi 16 décembre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

La politique devrait consister à prendre soin de nos concitoyens, Bruno Le Maire y a fait allusion tout à l'heure. C'est d'ailleurs dans cette perspective qu'avec le ministre de l'action et des comptes publics – ils ont tous deux disparu de l'hémicycle – , il annonçait, il y a deux ans déjà, que le projet de loi de finances pour 2018 allait permettre une relance du pouvoir d'achat, et il détaillait ici même ce que nos compatriotes étaient censés y gagner.

Pourtant, depuis deux ans, les citoyens nous disent et vous disent, mesdames et messieurs de la majorité, que vous ne prenez nullement soin d'eux. Mais le mouvement des gilets jaunes ne semble pas vous avoir dessillés, au contraire : c'est non seulement contre votre réforme des retraites mais, plus généralement, contre vos orientations politiques et vos choix budgétaires que les mouvements environnementaux et sociaux que nous vivons actuellement se dressent, et de plus en plus. Prendre soin de nos compatriotes, ce n'est pas courir les plateaux télévisés pour accuser les syndicats de bloquer le pays, par exemple : prendre soin de nos compatriotes, c'est considérer leur situation.

Or, pour la troisième année consécutive, vous présentez un projet de finances aux couleurs de la baisse d'impôt alors que, en réalité, vous êtes en train d'appauvrir doublement les Français. D'une part, en réduisant les recettes de l'État, vous creusez mécaniquement un déficit que vous prétendez par ailleurs combattre. D'autre part, cette mesure aggrave les inégalités sociales qui défigurent chaque année un peu plus notre pays : les classes moyennes et modestes, qui ne bénéficient d'ailleurs pas des baisses d'impôt prévues dans le présent budget, seront les premières à souffrir des baisses de dépenses censées les financer.

L'exemple le plus criant est sans doute celui des APL. La réforme de leur mode de calcul coûtera 1,2 milliard d'euros aux foyers qui en bénéficient, et 600 000 d'entre eux n'en toucheront même plus du tout, alors qu'ils en auraient bénéficié selon le mode de calcul actuel. Comme l'année dernière, les APL seront pratiquement gelées, ce qui fera économiser 850 millions d'euros supplémentaires. En 2020, le Gouvernement réalise ainsi des économies de plus de 2 milliards sur le dos des modestes bénéficiaires de cette prestation, alors même que ce sont aussi les plus modestes qui souffriront du recul des services publics.

C'est là un budget d'une injustice flagrante, qui opère un transfert des plus modestes vers les plus riches : les entreprises, les particuliers riches et les classes moyennes supérieures. Monsieur le secrétaire d'État, ne croyez-vous pas qu'il aurait été possible de trouver réponse plus judicieuse à la demande de justice fiscale qui s'élève partout dans le pays ?

En outre, ce choix de redistribution à l'envers est un non-sens économique. Même compte tenu des nouvelles baisses d'impôt, le Gouvernement prévoit que la croissance baissera par rapport à 2019, tombant de 1,4 à 1,3 %, alors même que la demande extérieure augmentera. Ce sera ainsi 1 point de croissance perdu depuis votre arrivée au pouvoir. De plus, malgré les cadeaux faits aux entreprises, votre gouvernement prévoit que la croissance de leurs investissements diminuera à partir de 2020.

Vous admettez vous-mêmes que les mesures fiscales ne relanceront en rien la consommation des Français ni, par suite, l'économie. Pourquoi ? Tout simplement parce que les classes supérieures et les très riches, sur lesquelles se concentrent les baisses d'impôt, épargneront en grande partie les gains obtenus. Les classes modestes, elles, ne peuvent se permettre d'arbitrer entre épargne et consommation, de sorte qu'une redistribution à leur profit aurait été non seulement plus juste, mais aussi plus efficace du point de vue économique.

Il existe d'autres solutions. Ainsi, notre contre-budget propose de rétablir les impôts pesant sur les plus fortunés, de supprimer les niches, notamment les plus anti-écologiques d'entre elles, et d'augmenter la TVA applicable à certains produits. Nous avons calculé que cela nous permettrait de récupérer 60 milliards. Voilà une somme qui serait bien plus utile pour nos écoles, nos hôpitaux, nos tribunaux, notre police, et pour muscler notre ministère de l'environnement, que vous êtes au contraire en train de désosser – sans même parler de l'investissement massif, destiné à réagir à l'urgence climatique, auquel nous invitent de nombreux économistes, même les plus libéraux, en raison des taux bas, tout simplement.

Pour toutes ces raisons, répétées en commission comme dans l'hémicycle, et puisque vous vous obstinez dans une logique budgétaire austéritaire, nous nous obstinons, nous aussi, à dire non à ce projet de budget.

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