Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du mercredi 12 juillet 2017 à 21h30
Renforcement du dialogue social — Article 3

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Il est important de parler du télétravail, qui correspond à une demande forte des salariés et à une évolution des entreprises. Il s'agit évidemment non pas de généraliser le télétravail mais de permettre son développement, en laissant les partenaires sociaux définir et adapter les modalités de sa mise en oeuvre afin que celles-ci correspondent à la fois aux besoins des salariés et à l'organisation des entreprises. Comme je l'ai souligné tout à l'heure, le code du travail n'ayant pu prévoir dans sa version précédente le développement d'internet ; il n'a pas non plus prévu des réponses à une série de questions actuelles. La demande est devenue si forte que ni les salariés ni les entreprises ne sont sécurisés, dans un contexte de développement hors champ du télétravail, sans autre précaution que la condition du volontariat.

L'élément nouveau qui nous a conduits à inscrire cette disposition dans le projet de loi d'habilitation, c'est que les partenaires sociaux ont dressé, durant six mois, un état des lieux très complet de la question, en procédant notamment à de nombreuses auditions, et m'ont remis, il y a quelques semaines, un rapport conjoint. Celui-ci comprend des pistes de réflexion qui permettent de sécuriser et d'encadrer le recours au télétravail.

Il serait très utile, je trouve, de suivre un certain nombre de ces recommandations, cinq ans après l'encadrement des pratiques par la loi Warsmann et douze ans après la dernière négociation interprofessionnelle. Les pratiques ont beaucoup changé depuis lors.

Les salariés sont très demandeurs de ce type d'organisation du travail afin de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie privée. En effet, le télétravail offre plus de souplesse et allège le troisième temps, le temps de transport, toujours caché mais très lourd au quotidien. Selon une étude de l'institut Odoxa réalisée pour le syndical professionnel Syntec Numérique, publiée le 26 mars 2015, 59 % des salariés et même 71 % des cadres disent souhaiter pouvoir faire du télétravail dans leur entreprise, bien évidemment sur la base d'un strict volontariat.

Il faut sécuriser le recours au télétravail comme mode d'organisation régulé collectivement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, mais également comme mode d'organisation adaptable à des situations individuelles particulières. Il convient de permettre le télétravail de façon régulière comme occasionnelle, d'assurer une égalité d'accès pour tous les salariés et de prévoir le passage d'un temps de travail partiellement effectué en télétravail à un temps de travail entièrement réalisé dans les locaux de l'entreprise.

Pour ce faire, nous avons plusieurs marges de manoeuvre. J'insiste sur le fait que le télétravail doit être mis en place dans un cadre prévu et structuré par l'entreprise, ayant fait l'objet d'une concertation ou d'une négociation avec les partenaires sociaux. Ce cadre doit permettre le recours au télétravail de façon ponctuelle, afin de répondre à un certain nombre de contraintes rencontrées par les salariés ou par l'entreprise.

En même temps, ces nouvelles dispositions nous permettront d'éviter le recours au télétravail gris, qui n'est pas souhaitable. L'importance de celui-ci est difficile à estimer aujourd'hui. Un sondage de l'ANDRH, l'Association nationale des directeurs des ressources humaines, rendu public le 12 mai dernier, fait état d'un recours au télétravail dans 69 % des entreprises consultées, alors que le nombre officiel de télétravailleurs reste faible. La proportion de salariés concernés par le télétravail serait de 14 % des salariés selon l'ANACT, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, de 8 % selon la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques de mon ministère. On voit bien la nécessité de réguler cette pratique et d'instaurer un cadre sécurisant pour chacun.

Enfin, il faut faire du télétravail un véritable outil qui favorise l'égalité entre les travailleurs. Dans un certain nombre de situations personnelles, notamment de handicap ou de maladie chronique, il doit permettre une insertion ou une inclusion des personnes.

Pour toutes ces raisons, nous devons agir avec une résolution ferme. Le télétravail doit être mis en place sur la base du volontariat, dans un cadre collectif permettant de traiter avec souplesse les situations individuelles. Nous pouvons en faire un progrès social dans l'intérêt des salariés et des entreprises. La demande sociale est très forte. Nous vivons dans notre temps.

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