Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du jeudi 19 décembre 2019 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

Nous arrivons enfin au bout du marathon budgétaire. À cet instant, je voudrais rendre hommage au rapporteur général pour les deux années et demie qui viennent de s'écouler. Nous avons travaillé en confiance, intelligemment, sur quelques dossiers qui nous tiennent à coeur mutuellement. Je souhaite à M. Saint-Martin la même réussite à ce poste exigeant.

Je voudrais ensuite remercier les services de l'Assemblée nationale pour leur aide et leurs conseils précieux, et enfin le ministre Gérard Darmanin, d'une part, pour l'amélioration de l'accès aux données – même s'il reste beaucoup à faire, par exemple s'agissant des bases de données relatives aux successions et donations – et, d'autre part, pour son écoute, ainsi que celle de son cabinet et de ses services, notamment sur le dossier particulier des aviseurs fiscaux.

J'en viens au PLF. Sans surprise, le groupe SOC votera contre ce budget, pour trois raisons essentielles, qui vont, elles, peut-être vous surprendre : la baisse de l'impôt sur le revenu ; la suppression de la taxe d'habitation ; la non-compensation des exonérations de charges pour le budget de la sécurité sociale.

Il est certes facile de voter des baisses d'impôts ou de cotisations sociales. Il est positif, louable, de réduire les prélèvements obligatoires pour rendre du pouvoir d'achat, mais je n'adhère pas au choix politique de réduire l'impôt sur le revenu. Cet impôt est juste parce que progressif : plus vous gagnez, plus vous contribuez ; moins vous gagnez, moins vous contribuez. Ce n'est évidemment pas le cas de toutes les taxes, certaines touchant tout le monde sans distinction : que vous soyez smicard, chômeur ou millionnaire, vous paierez la même TVA, laquelle représente par exemple environ 15 % de votre facture d'électricité. Où est la justice fiscale ?

Selon le baromètre publié cette semaine par un institut, une majorité de Français – 53 % – indique, pour la première fois, préférer une amélioration des services publics à une diminution des impôts. Jamais la barre des 50 % n'avait été franchie. Plus d'un Français sur deux souhaite une amélioration des services publics, quitte à payer plus d'impôts. Les Français sont attachés à leurs services publics, à leur modèle social, qui fait que notre pays est celui qui compte le moins de retraités pauvres en Europe : 7,5 %. C'est déjà trop, mais leur proportion est de 18,7 % en Allemagne et de 14,7 % en Suède. Réduire les prélèvements obligatoires ne constitue pas une politique en soi ; avoir pour seule boussole le PIB ou le taux d'endettement du pays est dangereux. Notre système fiscal doit être repensé ; un impôt juste et efficace est possible.

Vous avez fait un mauvais choix concernant l'impôt national, mais vous avez aussi fait un mauvais choix s'agissant de l'impôt local. Je fais bien sûr référence à la suppression de la taxe d'habitation. Cette funeste promesse du Président de la République d'exonérer 80 % des assujettis à la taxe d'habitation au motif que cet impôt est injuste constitue une erreur. Oui, l'assiette devait être révisée, et le travail était d'ailleurs bien avancé. Pourquoi ne pas l'avoir poursuivi, ce qui aurait permis de rendre cet impôt juste ? Parce qu'il est plus facile de supprimer un impôt, surtout lorsque son produit n'abonde pas le budget de l'État mais celui des collectivités locales : on fait des cadeaux avec le portefeuille des autres ! Vous allez, de surcroît, bien au-delà de la promesse présidentielle en supprimant la TH pour tous, y compris les 20 % des Français les plus riches. Décidément, avec vous, les premiers de cordée sont bien servis : après la suppression de l'ISF et après l'instauration de la flat taxe, ils bénéficieront de la suppression intégrale de la TH. N'en jetez plus, le panier est plein !

Enfin, je terminerai mon propos en évoquant la non-compensation des exonérations de charges pour le budget de la sécurité sociale, erreur majeure qui, à elle seule, justifierait un vote contre. Pourquoi ? Car il s'agit d'une attaque en règle contre notre modèle social dont je parlais à l'instant. Que l'on soit métropolitain, périurbain ou rural, la préoccupation première reste la santé, devant l'emploi, puis l'éducation et l'environnement. Or que faites-vous ? Vous fragilisez le budget de la sécurité sociale, alors même que l'on ne compte plus les services d'urgence, les services hospitaliers ou les EHPAD – établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – en grève, sans compter cette majorité de Français qui protestent contre votre réforme des retraites. Pour la deuxième année consécutive, en application de la nouvelle doctrine Charpy-Dubertet, vous organisez d'importants transferts financiers de la sécurité sociale vers l'État, qui représenteront une perte supérieure à 4 milliards d'euros pour le budget de la sécurité sociale.

Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Quand on veut tuer son modèle social, on organise son déficit. Il sera ensuite aisé de réclamer de nouveaux sacrifices aux Français et aux collectivités locales pour redresser les comptes publics. La chanson est connue et la potion sera amère pour la très grande majorité des Français. Mais prenez garde : qui sème le vent récolte la tempête ! Je vous souhaite à tous d'excellentes de fin d'année.

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