Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du jeudi 19 décembre 2019 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Ne le prenez pas pour vous, monsieur Dufrègne !

Tout cela nous manquera, même si, monsieur le rapporteur général, vous restez bien entendu sur nos bancs et que nous aurons, j'en suis sûr, l'occasion de continuer à travailler ensemble.

Le groupe Libertés et territoires a déjà eu l'occasion de faire part de ses grandes réserves sur votre projet de budget. Cette séance consacrée à son adoption définitive nous fait penser à cette phrase d'André Gide : « Toutes choses sont dites déjà ; mais comme personne n'écoute, il faut toujours recommencer. »

« Le projet de loi de finances pour 2020 est un texte ambitieux, juste et équilibré » : tel est le résumé qu'en faisait l'oratrice du groupe LaREM, il y a trois jours, à cette même tribune. À la lumière des différentes étapes de l'examen de ce texte, voyons ensemble si ces trois objectifs sont atteints.

Tout d'abord, votre budget est-il équilibré ? Il nous paraît hasardeux de le prétendre alors que le PLF confirme l'abandon par le Gouvernement de toute volonté de redressement des comptes publics. En juillet 2017, votre gouvernement se fixait pourtant des objectifs ambitieux en matière de réduction de la dépense publique, du déficit et de la dette. Qu'en reste-t-il ? Pas grand-chose. L'effort structurel de réduction des déficits publics est nul, alors que l'amélioration structurelle requise est de 0,6 % du PIB, soit un écart de 14 milliards d'euros. Vous pourriez profiter d'une meilleure croissance pour assainir nos comptes publics, mais rien n'y fait. Vous renoncez donc à vos engagements.

Deuxième question : votre budget est-il socialement juste ? En la matière, monsieur le ministre, vous mettez en avant deux mesures emblématiques.

La première concerne la baisse d'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros – même si, comme nous l'avons rappelé, le produit de cet impôt progressera en 2020. À qui profitera cette baisse ? Aujourd'hui, 22 millions de foyers, c'est-à-dire plus d'un foyer sur deux, les moins aisés d'entre eux, ne paient pas l'impôt sur le revenu. Cette mesure ne leur profitera donc pas. Nous saluons tout de même l'adoption de certaines mesures, comme le maintien du dispositif du prêt à taux zéro pour le logement neuf sur tout le territoire ou encore le rétablissement de la demi-part additionnelle pour les veuves d'anciens combattants.

L'autre annonce que vous mettez en avant est la suppression progressive et totale de la taxe d'habitation. Elle procède de la même logique que la diminution de l'impôt sur le revenu : elle bénéficiera avant tout aux neuvième et dixième déciles. En effet, les deux premiers déciles ne sont pas concernés et les troisième et quatrième déciles voient leur taxe plafonnée à 3,44 % de leur revenu fiscal de référence. Votre politique cible donc, selon nous, les mauvaises personnes. Les Français les plus modestes sont les oubliés du budget. L'annonce de la suppression de la taxe d'habitation a causé le bouleversement de la fiscalité locale auquel nous avons assisté.

En définitive, cette réforme renforce-t-elle la démocratie locale ? Bien au contraire : vous cassez le lien entre les citoyens et la sphère locale tout en rabotant l'autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales. Pour tout dire, je ne suis pas certain que nous mesurions aujourd'hui toutes les implications des dispositions prévues à l'article 5, notamment du dispositif de compensation. L'examen en première lecture nous a permis d'introduire un coefficient de revalorisation des bases équivalent à 0,9 %, mais des questions demeurent, entre autres, sur le fonctionnement et l'évolution du coefficient correcteur, le fameux COCO – pardonnez-moi encore, mon cher collègue Dufrègne. L'expérience nous fait douter d'une compensation à l'euro près, à moyen et long termes.

Par ailleurs, nous souhaitons que la méthode appliquée à la réforme de la fiscalité locale ne serve pas de modèle à l'élaboration du futur projet de loi 3D, relatif à la décentralisation, la différenciation et la déconcentration. Dans le cas contraire, nous nous exposerions à de grandes désillusions.

Je tiens tout de même à saluer, monsieur le ministre, l'effort qui a été fait cette année en matière de péréquation, s'agissant aussi bien de la DSU – dotation de solidarité urbaine – de la DPV – dotation politique de la ville – et de l'augmentation du FSRIF – fonds de solidarité des communes d'Île-de-France.

Enfin, ce budget est-il ambitieux en ce qui concerne la transition énergétique ? Vous nous annonciez un tournant écologique, mais la réalité est nettement plus contrastée ; l'ambition est rabougrie. Certes, nous soulignons quelques avancées, comme la transformation du CITE en prime, mais, dans le même temps, vous restreignez le nombre de bénéficiaires potentiels et le montant de l'enveloppe allouée. Alors que vous présentez le combat contre le réchauffement climatique et la lutte contre les passoires thermiques comme l'une de vos priorités, les efforts ne sont pas à la hauteur des promesses. Nous devons le rappeler : la fiscalité écologique représente 56 milliards d'euros de recettes lorsque les dépenses favorables à l'environnement, d'après l'inspection des finances, atteignent 35 milliards d'euros. L'idée adoptée au Sénat d'attribuer une fraction de la TICPE aux collectivités compétentes en matière de transition énergétique allait dans le bon sens. Pourquoi refuser cette mesure alors qu'elle permettait une action au plus près des citoyens, si ce n'est pour des raisons comptables ?

Pour conclure, vous nous indiquez présenter un budget « ambitieux, juste et équilibré », mais il nous apparaît qu'il n'est ni ambitieux écologiquement, ni socialement juste et encore moins équilibré, comme le montre l'état de notre déficit. C'est pourquoi la grande majorité des députés de mon groupe voteront contre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.