Intervention de Réponse

Réunion du mercredi 18 octobre 2017 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Réponse :

Mme la députée, vous m'avez posé la question des capacités de nuit du Rafale, du recours à la simulation dans l'armée de l'air, ainsi que de nos stocks de munitions et de la formation de nos équipages de drone.

Concernant les capacités à opérer de nuit du Rafale, votre interrogation porte davantage sur les équipements optroniques, si je comprends bien le sens de votre question. Essentiellement les pods de désignations laser et l'OSF (optronique secteur frontal). Tous deux sont des équipements de mission dont nous manquons cruellement. Ce sont des équipements de surveillance et de reconnaissance utilisés dans les missions de combats aériens, ou de bombardement et d'appui feu. Ils font partie du système d'armes du Rafale.

Compte tenu de notre niveau d'engagement, ces équipements de mission (qui ne se limitent pas aux deux exemples que vous avez mentionnés) sont principalement utilisés en OPEX. Le dimensionnement du parc et la disponibilité de ces équipements, soumis à rude épreuve, non seulement limitent nos capacités opérationnelles mais aussi ne permettent plus d'entraîner correctement nos équipages à leur utilisation. Il s'agit là d'un vrai problème de cohérence, comme je l'ai mentionné. Cela constitue un de mes objectifs sur la LPM à venir pour « réparer le présent ».

Au niveau qualitatif, nous attendons avec impatience la livraison des premiers pods de désignation laser l'année prochaine : je parle des pods Talios. Disposant de capteurs optiques en bande visible et infrarouge de dernière génération, ils permettront d'accroître significativement les capacités de détection, de reconnaissance et d'identification, de jour comme de nuit, de nos avions de combat.

Sur le sujet de la simulation, l'armée de l'air a opéré ce tournant depuis maintenant une quinzaine d'années. D'une part, les technologies du numérique ont permis d'augmenter la représentativité des simulateurs. D'autre part, nous avons fait le choix d'équipements haut du spectre, polyvalents.

Le système d'armes du Rafale par exemple, est plus complet que celui des appareils de la génération précédente. Il permet au cours du même vol de réaliser toutes les missions confiées à l'aviation de chasse : combat aérien, appui et bombardement, reconnaissance, dissuasion. Aussi, le recours à la simulation a permis de contenir l'augmentation des besoins d'entraînement. C'est pourquoi elle est indispensable, pour permettre aux équipages d'exploiter pleinement la polyvalence de leur appareil. C'est bien là tout l'enjeu de leur formation d'ailleurs. Car il ne sert à rien d'avoir des matériels polyvalents si nos équipages ne le sont pas.

D'une manière générale, tout ce qui nous semble pouvoir être réalisé au simulateur se fait au simulateur. L'activité réalisée en vol restant indispensable : rien ne peut en effet remplacer l'entraînement au combat aérien, particulièrement éprouvant pour les organismes, la mauvaise météo, le vol en montagne et dans le désert, la manipulation d'armement réel, la conduite de dispositifs complexes, le stress du vol et des missions de guerre auxquels il s'agit de préparer nos équipages, notamment les plus jeunes. En un mot : l'expérience aérienne acquise, est le gage de l'efficacité opérationnelle mais aussi de la sécurité des vols.

Il s'agit donc de trouver le bon équilibre, le bon ratio, entre l'activité réalisée en vol et l'activité réalisée au simulateur. Sur Rafale, par exemple, nous estimons ainsi nécessaire de faire réaliser à chaque pilote une activité sur simulateur correspondant à 33 % de l'activité réalisée en vol. Il s'agit de notre objectif.

Pour autant, nos capacités de formation et de simulation sont actuellement saturées avec : la poursuite de la montée en puissance des flottes récentes (Rafale, A400M, Reaper) y compris au profit de l'aéronavale, les retards de formation accumulés et la formation des équipages étrangers dans le cadre du soutien à l'export du Rafale. C'est pourquoi, dans l'attente des prochaines livraisons de simulateurs (simulateur Rafale à Mont de Marsan, 2e simulateur A400M à Orléans, simulateur Reaper à Cognac), je ne suis pas en mesure aujourd'hui d'augmenter l'activité réalisée au simulateur, pour satisfaire l'ensemble de mes besoins.

J'en viens au sujet des stocks de munitions. Comme je vous l'ai dit, j'estime que la situation est sous contrôle pour les bombes de 250 kg, fortement utilisées au Levant. La remontée vers des stocks rehaussés se poursuit, à l'horizon 2021-22, suite aux différentes décisions prises dans l'actualisation de la LPM, puis au cours du conseil de défense d'avril 2016. L'expérience et l'intensité de la campagne aérienne au Levant avait démontré la nécessité de relever le niveau de ces stocks afin d'éviter d'être confronté trop rapidement à des risques de rupture ou à l'incapacité de pouvoir conduire une opération supplémentaire.

Ainsi pour éviter tout risque de rupture, 1860 kits AASM, 1500 GBU49, et 4400 corps de bombes ont été commandés à ce jour.

Il reste en revanche à faire effort sur :

– l'acquisition de bombes de plus gros tonnage, tout temps, qui font actuellement défaut dans nos opérations ;

– le rehaussement des stocks de missile air-air, trop limités à mon sens ;

– poursuivre la réflexion menée sur l'armement des C130 pour les forces spéciales ;

– poursuivre les études d'intégration d'armement sur nos Reaper.

Ce qui me permet d'enchaîner sur le sujet de la formation de nos équipages de drone. Un équipage est aujourd'hui composé de quatre personnes : un pilote, un opérateur systèmes, un officier renseignement, et un interprétateur image.

La montée en puissance de l'escadron Reaper se poursuit à Cognac. Deux systèmes complets ont été livrés, les deux suivants sont attendus pour 2019. Un peu plus d'un système (cinq appareils sur six) est en permanence déployé à Niamey dans le cadre de l'opération Barkhane.

Quatre systèmes de drones, soit 12 Reaper, nous permettront d'armer un voire deux théâtres d'opérations extérieures, tout en étant capable d'opérer sur le territoire national, dans le cadre de dispositifs particuliers de protection mis en place pour renforcer notre sûreté aérienne ou au profit d'autres ministères, et en assurant également l'entraînement de nos équipages.

Contrairement aux idées reçues, cette capacité nécessite une ressource humaine importante. Actuellement, nos équipages sont engagés six mois par an en opérations extérieures. Mon homologue américain qui dispose dans ce domaine d'une expérience supérieure à la nôtre, estime que 16 équipages sont nécessaires pour tenir dans la durée (365 joursan-H24) une « orbite permanente » en intégrant dans ce calcul les temps de repos et d'entraînement.

Cette question illustre les difficultés RH que nous rencontrons. Une manoeuvre RH dimensionnante devra donc être conduite dans les trois années à venir. Le retrait de service du drone Harfang en janvier prochain y contribuera, avec la bascule du personnel sur Reaper.

L'objectif est de disposer de 36 équipages opérationnels à l'horizon 2021. Cet objectif est conditionné à l'acquisition d'un outil de formation autonome (je pense notamment aux simulateurs).

Concernant plus spécifiquement le recours à des pilotes d'avion pour la mise en oeuvre des drones, plusieurs études sont en cours. Nous regardons parallèlement les choix effectués par nos alliés.

À ce stade de la réflexion, nous estimons nécessaire de conserver des pilotes brevetés pour opérer ces appareils. C'est en effet indispensable pour permettre à nos drones de s'insérer dans les mêmes espaces aériens que les avions habités. Drones et avions sont soumis aux mêmes réglementations, leurs équipages aussi.

Pour accélérer la montée en puissance de l'escadron de drone Reaper, tout en accumulant de l'expérience sur ce vecteur et en l'absence de capacités autonomes de formation, nous avons initialement eu recours à des pilotes qualifiés, provenant d'unités navigantes.

En complément d'un flux de pilotes confirmés, dont l'expérience sera particulièrement utile pour la mise en oeuvre de drones armés, nous travaillons actuellement à la mise en place d'une filière dédiée avec des pilotes ab initio. La durée de leur formation en vol n'est pas encore arrêtée. La phase initiale de leur formation sera à mon sens commune à tous les pilotes militaires, avant une formation spécifique sur drone.

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