Intervention de Rémi Quirion

Réunion du jeudi 28 novembre 2019 à 10h45
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec :

– J'ai mentionné brièvement dans mon exposé l'exemple des inondations auxquelles nous avons dû faire face. Ceci relève, d'une part, d'une question d'urgence lorsque le phénomène survient, d'autre part, de décisions de plus long terme par la suite. Aucun scientifique en chef n'a la science infuse. Si l'on m'interroge sur la maladie d'Alzheimer, qui correspond à mon domaine d'expertise, les choses sont évidemment plus faciles ; mais peut-être ma vision du sujet est-elle aussi de ce fait plus biaisée. Il faut donc être vigilant. Lorsqu'il s'agit de prodiguer des conseils en situation d'inondations, je ne suis plus dans mon domaine de prédilection : il me faut donc travailler avec des experts. En situation d'urgence, les éléments doivent être rapidement réunis : j'ai la chance de disposer autour de moi, au sein des différents conseils d'administration des fonds que je préside, d'un groupe de 45 experts de toutes disciplines que je peux contacter facilement pour leur demander de me fournir rapidement quelques suggestions. Dans le cas des inondations, maires et ministres subissaient beaucoup de pressions pour indemniser rapidement les citoyens inondés, qui souhaitaient tous rebâtir exactement au même endroit – même s'ils avaient été inondés plusieurs fois au cours des années précédentes – car les rives du Saint-Laurent à Montréal sont un lieu magnifique. Or la suggestion que nous avions faite était précisément de ne pas reconstruire au même endroit. Les politiques ont fait le choix de différer leur décision à ce sujet, préférant régler d'abord les difficultés liées à la situation d'urgence. Les décisions ont donc été prises en deux temps, avec tout d'abord des décisions d'urgence, et dans un second temps le vote de nouvelles lois interdisant de rebâtir sur ce territoire ou prévoyant, pour les citoyens décidant de passer outre, qu'ils ne recevraient aucune indemnisation de la municipalité ou du gouvernement en cas de nouvelles inondations. Il est ainsi possible de différer certaines décisions et, en n'étant plus sur la ligne de feu, de bénéficier de l'appui d'experts pour étayer certains points.

Un autre exemple est celui de la vitamine C et de son impact dans le traitement du cancer. Cette question s'est posée au moment de l'élection d'un nouveau gouvernement. Les nouveaux ministres et députés venaient d'arriver en poste. Un député reçut alors des personnes de son comté, dont une dame qui lui indiqua qu'elle avait un cancer et qu'elle savait que la vitamine C fonctionnait très bien pour traiter cette maladie. Le député, qui n'était pas médecin, décida alors de lancer une pétition à ce sujet, qu'il se proposait de déposer à l'Assemblée nationale pour que le ministère de la santé du Québec rembourse les traitements à la vitamine C dans le cadre du traitement des cancers. Cette pétition a recueilli 120 000 signatures en l'espace de quelques semaines. La télévision, les journalistes, les artistes se sont emparés du sujet. Je recevais continuellement des appels pour m'inciter à signer, au motif que tel chanteur d'opéra connu l'avait signé avant moi. Des discussions ont alors eu lieu avec le député en question et les ministres, pour les inviter à la plus grande prudence. Le gouvernement a finalement décidé de ne pas aller de l'avant. C'est là l'un des dangers des nouveaux élus, qui sont soumis à de nombreuses pressions et souhaitent satisfaire leur électorat et les personnes qui les sollicitent à tout propos. Ceci fait partie de notre rôle de scientifique en chef que de les aider.

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