Intervention de Nathalie Elimas

Réunion du mercredi 18 décembre 2019 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Elimas, rapporteure :

Je remercie l'ensemble de mes collègues pour leur intervention. Je le disais en préambule, et je le répète : cette proposition de loi n'a pas vocation à tout régler. C'est une petite pierre apportée à l'édifice. Le problème du handicap est vaste, les questions multiples et les inégalités persistantes. Nous avançons donc modestement.

Cette proposition de loi contient néanmoins des avancées concrètes : je pense notamment à la limite d'âge de 75 ans et à l'éclaircissement apporté à l'article 2 qui lève une ambiguïté entre, d'une part, des fonds départementaux financés de manière facultative, et, d'autre part, l'obligation en matière de reste à charge.

Certaines questions étant redondantes, je vous propose d'y répondre en précisant les choses article par article.

L'article 1er supprime donc la barrière d'âge de 75 ans au-delà de laquelle il n'est plus possible de demander à bénéficier de la PCH. Certains d'entre vous m'ont interrogée sur le recul, qui serait à définir, de la barrière d'âge à 60 ans. Le débat mérite d'être ouvert, compte tenu de l'augmentation de l'espérance de vie et du recul – sujet d'actualité – de 60 à 62 ans de l'âge minimal de départ à la retraite. Il importe cependant d'évaluer préalablement le dispositif en question. Le rapport de l'IGAS dont nous disposons date en effet de 2016. En outre, la fourchette s'établit entre 13 millions et 67 millions d'euros. Il faut donc revoir ces éléments avant de proposer une évolution de la limite d'âge.

Il faudrait surtout articuler cette mesure avec les réflexions en cours s'agissant de l'APA, dont il est possible de demander à bénéficier à partir de 60 ans. Le rapport Libault a d'ailleurs émis plusieurs propositions visant notamment à créer une prestation autonomie qui permettrait de faciliter l'accès aux aides techniques et aux solutions de répit pour les proches aidants.

Le projet de loi relatif à la dépendance qui doit arriver au début de 2020 et que nous attendons tous avec impatience, chère collègue Jeanine Dubié, nous permettra précisément de débattre du sujet.

L'article 2 vise à sortir d'une impasse juridique en conciliant le droit des personnes handicapées de voir leur frais de compensation ne pas excéder 10 % de leurs recettes personnelles nettes d'impôt, et les contraintes financières des fonds départementaux sur lesquelles nous devons nous pencher. Je rappelle que le reste à charge est parfois de plus de 20 %. Il reviendra donc à chaque fonds, dans le cadre fixé par le décret d'application, de préciser les critères d'éligibilité pour garantir ce droit.

J'ouvre une parenthèse : Monsieur Viry, j'ai effectivement eu l'occasion de discuter avec le cabinet de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, qui a pris un certain nombre d'engagements. Nous apporterons des réponses plus fines pour la séance publique.

En principe, plus les ressources financières des fonds seront importantes, meilleure sera la prise en charge des frais de compensation. Il reviendra aux fonds départementaux de décider des modalités d'instruction des dossiers de manière à satisfaire un maximum de demandeurs. On peut imaginer que si les ressources sont relativement faibles au regard des dossiers déposés, les critères d'éligibilité pourraient être resserrés en vue de garantir le droit inscrit dans la loi. Bien entendu, il aurait été préférable, pour les bénéficiaires, que les fonds disposent de ressources garanties. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Mais une telle disposition aurait nécessairement pesé davantage sur les finances des conseils départementaux qui sont déjà très contraintes.

Les régions peuvent également être sollicitées pour abonder ces fonds. À ce jour, seule la région d'Île-de-France intervient dans ce sens. Voilà donc une piste que nous pourrions explorer.

D'autres leviers d'action pourraient être utilisés pour réduire les frais de compensation, par exemple en limitant les dépenses à l'achat. Le PLFSS 2020 a ainsi prévu des dispositions pour inciter les personnes en situation de handicap à se tourner vers des équipements de seconde main en bon état, comme les fauteuils roulants, ou vers des matériels à prix compétitifs. Je partage complètement votre analyse, monsieur Delatte : il faut avant tout faire preuve de bon sens !

Sur l'article 3, s'agissant de la durée unique d'attribution de la PCH, la direction générale de la cohésion sociale nous a indiqué qu'il était prévu de retenir une période de dix ans : c'est la période maximale actuellement. Des disparités existent – cinq ans, dix ans – et il est souvent très difficile pour une personne en situation de handicap de se confronter aux méandres administratifs. D'une manière générale, il faut toujours privilégier la lisibilité, la souplesse et la simplification.

Les montants plafonds pour chaque type d'aides seront recalculés au prorata, ce qui permettra à une personne en situation de handicap d'engager des dépenses plus importantes si besoin, après la survenue du handicap.

Concernant les aides techniques, le plafond, actuellement de 3 960 euros pour trois ans, passerait à 13 200 euros pour une durée de dix ans : cela présente donc vraiment un intérêt, le coût d'un fauteuil roulant électrique pouvant atteindre plusieurs milliers d'euros – jusqu'à 20 000 euros, m'a-t-on indiqué lors des auditions.

Sur l'article 4, certains ont exprimé des doutes quant à la création du comité stratégique. J'avoue que je me suis moi-même posé la question : est-il nécessaire, utile, pertinent de créer un comité supplémentaire quand on prône la simplification ? L'intérêt de cet article est de mettre la question des transports et de la spécificité des besoins des enfants handicapés sur la table. Quand on oeuvre en faveur d'une société toujours plus inclusive, on ne peut évidemment pas occulter et écarter le sujet des transports. Si l'article 4 est adopté, alors la création de ce comité nous permettra d'y travailler.

Par ailleurs, les transports sont vraiment au coeur de la problématique de la mission conduite par Philippe Denormandie. Le Gouvernement est sensibilisé à ce sujet, son objectif étant d'apporter des réponses concrètes dans les prochains mois. Cette proposition de loi ne sera pas suffisante, je le reconnais, mais je tenais à rappeler l'engagement du Gouvernement sur ce sujet.

Monsieur Lurton, vous m'avez interrogée sur la suppression de la PCH pour une enfant atteinte d'un handicap. Au cours des différentes auditions que j'ai menées lors de l'examen de la loi du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli, j'ai moi-même été interpellée sur cette question – il s'agissait en l'occurrence de l'AJPP. C'est vrai qu'il y a une certaine injustice pour ces parents, qui subissent une double peine : non seulement leur enfant est malade ou en situation de handicap, mais les conséquences économiques sont parfois très lourdes.

Je partage totalement votre point de vue. Nous avons engagé, dans le cadre de la loi sur les cancers pédiatriques, une démarche que nous entendons prolonger ; le rapport de l'IGAS va d'ailleurs dans ce sens. Nous devons réfléchir de façon très concrète, très pragmatique à une refonte de toutes ces aides – AJPP, PCH, AEEH... Il faut clarifier ces dispositifs afin que le passage d'une situation à une autre n'entraîne pas de suppression sèche, en prévoyant un accompagnement pour ces familles qui sont véritablement dans le besoin.

Monsieur Delatte, n'étant pas secrétaire d'État, il ne m'appartient pas de m'exprimer sur la vision du Gouvernement : Sophie Cluzel répondra précisément à votre question à l'occasion de l'examen du texte en séance, début janvier.

Je me réjouis de constater que nous partageons l'objectif de simplification de la vie des personnes en situation de handicap, dans le but de rendre notre société toujours plus inclusive. Ce texte, je le répète, ne réglera pas tout mais il apporte des réponses concrètes et précises à certains points : c'est un petit pas, mais nous avançons.

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