Intervention de Thomas Bourdel

Réunion du jeudi 21 novembre 2019 à 10h10
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Thomas Bourdel, médecin radiologue, fondateur du collectif Strasbourg respire :

Il serait intéressant de suivre les personnes exposées, notamment les pompiers. Nous avons des biomarqueurs. On m'avait sollicité pour savoir ce que nous pourrions doser tout de suite après cet accident. J'avais déjà répondu. Les médecins du travail connaissent les biomarqueurs pour les personnes exposées professionnellement aux HAP, par exemple. Nous avons des biomarqueurs dans le sang ou dans les urines. Nous pouvons maintenant décider de suivre des populations à Rouen, doser les biomarqueurs des HAP, mais également des dioxines dans le sang ou dans les urines. À mon avis, cela ne sert plus à grand-chose de les doser dans l'air, mais nous pouvons suivre les marqueurs de stress oxydatif. En général, tous les effets des polluants sont médiés par ce que l'on appelle un stress oxydatif. Nous pouvons le doser, mais nous pouvons également retrouver les métabolites – les produits de dégradation des HAP et des dioxines – dans le sang ou dans les urines, encore maintenant. Je pense que cela vaut le coup de s'intéresser aux biomarqueurs.

Concernant les installations classées, c'est vrai que nous avons plutôt insisté sur leur pollution chronique. J'avais lu un rapport indiquant que les contrôles ont baissé de 35 % en cinq ans. La DREAL, qui est le bras armé de la préfecture, manque de moyens. Même à Strasbourg, il y a un agent pour contrôler la vingtaine d'installations classées présentes dans la ville. Eux-mêmes reconnaissent qu'ils n'ont pas assez d'effectifs.

On nous a aussi alertés sur le fait qu'il y a des accords passés entre les gros pollueurs et les préfets. Beaucoup de dérogations sont octroyées. À Strasbourg, nous avons un incinérateur qui a multiplié par dix ses émissions pendant un certain temps. Pour cela, les amendes sont ridicules. En général, il n'y a pas de procédure pénale qui suit. Cela incite les industries à prendre le risque de frauder ou de tricher, parce qu'elles savent que les infractions vont être minimes. Nous avons même à Strasbourg un incinérateur, pour lequel le préfet lui-même a saisi la justice pour fraude, parce qu'il y avait eu de nombreuses tricheries lors des émissions. Les exploitants sont toujours aux commandes de cet incinérateur. Ils ont été renfloués par l'argent du contribuable. Malgré le fait que le préfet ait saisi la justice, cela n'a pas eu d'effet.

Par ailleurs, nous avons beaucoup parlé des dioxines chlorées. Elles font partie des dioxines qui sont contrôlées de façon chronique. Par contre, ce qui pose le plus de problèmes en santé publique actuellement, ce sont les dioxines bromées, parce qu'il y a des retardateurs de flammes. D'ailleurs, l'ANSES a dit qu'il fallait maintenant absolument doser les dioxines bromées, notamment suite à Lubrizol. Les retardateurs de flamme contiennent du brome qui va se fixer sur les molécules de dioxine. Ces dioxines ne sont pas du tout surveillées, ni dans le cadre d'un incendie – donc, d'un accident aigu – et encore moins dans le cadre des émissions chroniques.

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