Intervention de Cédric Bourillet

Réunion du mercredi 4 décembre 2019 à 14h00
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Cédric Bourillet, directeur général de la DGPR :

La DGPR est avant tout l'administration centrale pilote d'une inspection des installations classées dans les DREAL et les directions départementales de la protection des populations (DDPP).

Nous allons beaucoup parler des DREAL, parce que les sites SEVESO sont inspectés par les inspecteurs qui sont classés en DREAL, mais il y a bien sûr les DDPP qui s'occupent notamment des installations classées agricoles et de la première transformation des produits agricoles ou animaux ; ce sont des enjeux importants également. Si nous nous concentrons sur les DREAL, notre rôle est un rôle de pilotage. En quoi consistent la mission d'inspection des installations classées et son pilotage ?

Le premier objectif est la réduction du risque à la source. Pour ce faire, nous pouvons prendre des arrêtés ministériels, des réglementations nationales, pour imposer un certain nombre de règles. C'est un cas plutôt isolé en Europe, l'habitude est plutôt que ce soit directement au niveau local qu'il y ait un échange. En France, nous avons l'habitude de commencer par une première couche qui est, pour les secteurs qui le justifient, un premier acte. Notre administration est chargée d'élaborer ces arrêtés ministériels. Vous l'avez dit, certains portent sur les risques accidentels, d'autres portent sur les émissions chroniques, les émissions dans l'eau, les émissions dans l'air, les substances dangereuses, les pollutions éventuelles des sols ... L'ensemble de ces champs est pris en compte.

Ensuite, notamment pour les sites SEVESO, mais de manière générale pour toutes les installations classées soumises à autorisation, il y a l'obligation pour l'exploitant d'établir une étude de danger. Cette étude va permettre d'évaluer les risques, c'est-à-dire d'identifier l'ensemble des accidents possibles. Nous pensons très vite et très souvent aux effets sur l'homme et aux accidents qui peuvent mettre en danger de façon immédiate la santé humaine. Il y a aussi des accidents qui sont couverts par la directive, par notre réglementation, qui sont de graves pollutions environnementales. Par exemple, le stockage des bidons d'eau de javel non loin d'une rivière. En cas de rupture du bidon, cela va à la rivière, cela a des impacts écologiques majeurs. Ceci est bien couvert par les études de danger, donc ce sont vraiment les dangers au sens large.

Cette étude de danger va servir à alimenter une démarche de réduction des risques à la source complémentaire, cette fois-ci qui est menée au niveau local par le préfet avec l'appui de la DREAL, ou par la DREAL pour le compte du préfet. En tout cas, la DREAL est le service technique sur laquelle le préfet s'appuie. Cela va servir à élaborer des plans d'urgence. Il y a le plan d'urgence de l'exploitant lui-même pour les établissements SEVESO « seuil haut » qui s'appelle le plan d'opération interne (POI) et il y a le plan d'urgence que le préfet peut mettre en place, le plan particulier d'intervention (PPI) pour tout ce qui va sortir des limites du site et qui nécessite l'engagement de moyens complémentaires aux moyens de l'exploitant. Nous avons des outils de maîtrise de l'urbanisation.

Vous avez mentionné les PPRT, c'est une nouveauté. Là aussi, c'est une spécificité française. Aucun autre pays européen ne fait cela. Cela visait à gérer la question de l'existant. Depuis très longtemps, et bien avant les PPRT, lorsqu'il y a une nouvelle installation qui s'implante ou lorsqu'il y a un nouvel investissement et de nouveaux équipements mis en place et qu'il y a éventuellement des risques qui dépassent les limites du site, nous avons l'habitude – et nous avons l'outil pour ça – de prendre en compte des servitudes d'utilité publique pour faire en sorte que là où il n'y a personne, personne ne vienne s'installer.

Le PPRT AZF a fait le constat qu'à un certain nombre d'endroits, certes, on sait gérer le futur, mais il y a quand même de l'existant qui s'est construit, notamment des villes qui sont venues se rapprocher des usines. Il fallait mettre en place des outils en matière d'expropriation ou de délaissement, donc des mesures foncières pour faire vraiment partir les gens ou pour les bâtiments qui sont moins exposés, des travaux de renforcement des bâtiments pour protéger les occupants, que ce soient des particuliers ou des entreprises et donc des salariés.

Cette étude de danger va nous servir aussi pour élaborer l'information à destination public, qui est absolument essentielle, sur internet et par papier.

Nous allons permettre également d'enrichir les débats et les échanges au sein des commissions de suivi de site, qui sont désormais pour nous une partie essentielle du travail.

Pour mettre en oeuvre ces actions, au-delà de tous ces outils réglementaires dont je vous ai parlé, nous nous appuyons sur des hommes et des femmes extraordinaires. J'ai beaucoup de chance car ce sont des gens remarquables par leurs compétences, par leur dévouement, par leurs valeurs. Je pense que vous avez eu le récit par le directeur de la DREAL de tout ce que les équipes ont fait, jour et nuit, le soir et les week-ends, et tout cela dans des valeurs personnelles et professionnelles qui sont absolument remarquables.

Notre métier, à la DGPR est d'assurer la compétence et la bonne organisation de ces personnes. Cela passe par une formation initiale qui prend généralement environ un an, avec des formations théoriques et du compagnonnage avec des personnes plus expérimentées. Ensuite, nous avons un processus de formation continue et nous avons ce qui est extrêmement important pour nous, un dispositif de retour d'expérience. Vous avez mentionné le BARPI. C'est une partie de la DGPR qui entretient une des plus grandes, si ce n'est la plus grande base de données au monde de retour d'expérience accident. 46 000 accidents sont aujourd'hui rentrés dans les bases du BARPI. À partir de ces données, nous extrayons d'abord des tendances et cela nous permet de mieux cibler nos politiques. Cela permet aussi de faire de la pédagogie vis-à-vis des exploitants, des fédérations professionnelles ou vis-à-vis de nos équipes pour dire : « Attention, regardez, telle chose s'est passée à tel endroit, pensez-y bien lorsque vous concevez un site ou lorsque vous allez faire une inspection ! ». Nous avons ce dispositif continu. Nous réunissons tous les deux ans nos inspecteurs qui sont en charge des sites à risque pour leur présenter les bilans des deux années précédentes par le BARPI. Nous avons des lettres mensuelles, etc. En tout cas, ce retour d'expérience est quelque chose d'extrêmement important. Tout cela est piloté depuis la DGPR.

En termes d'organisation, la brique de base est l'unité départementale, qui va être au plus près des sites, mais nous avons des équipes au niveau régional qui vont avoir deux missions. La principale mission est d'avoir des pôles d'expertise plus détaillés qui vont venir en appui aux équipes départementales lorsqu'il y a des sujets très pointus à aller voir sur un site. Il n'est pas rare d'avoir des inspections à deux personnes avec un spécialiste par rapport au thème de l'inspection. Mais pour certaines missions qui sont peu volumineuses, c'est-à-dire qu'il n'y a pas la possibilité de former beaucoup de gens – cela n'arrive pas très souvent et c'est très pointu – des fois, nous reprenons directement au niveau régional. Nous avons la même chose avec un niveau interrégional, notamment pour les équipements sous pression ou pour les canalisations. Nous avons même – c'est très ponctuel et pas beaucoup en risque accidentel – parfois des choses qui sont pilotées depuis le niveau national. Notre métier consiste aussi à organiser le fonctionnement entre le départemental, le régional, l'interrégional, avec l'appui du national.

Un système bien piloté doit faire l'objet d'orientations stratégiques et de priorités annuelles. Nous avons des orientations stratégiques pluriannuelles qui ont été adoptées au mois de juillet dernier. Tous les ans, les ministres fixent une dizaine de priorités nationales d'actions. Évidemment, suite à Lubrizol, l'an prochain, il y aura des choses qui y seront dédiées.

Nous avons enregistré de très fortes augmentations des effectifs à la suite de l'accident d'AZF. Nous avions un peu plus de 800 inspecteurs en DRIRE en 2001, l'année d'AZF. Dix ans plus tard, en 2011, nous étions à un peu plus de 1 200. Peu ou prou, les effectifs n'ont pas sensiblement évolué depuis. Nous avons donc été plutôt préservés. Quand on regarde très finement, il y a eu des années avec un peu plus, des années avec un peu moins. Effectivement, ces deux dernières années, les postes budgétaires qui ont été ouverts ont été réduits de quelques unités, mais nous étions 1 246 en 2011 et 1 290 au 1er janvier 2019. Nous sommes sensiblement à des niveaux équivalents.

Pour répondre à votre question, monsieur le président sur le fait d'être passé de DRIRE à DREAL aurait-il modifié considérablement les choses ? Pas dans notre façon de fonctionner, au sens où cette « chaîne de l'inspection », comme on l'appelle, que je vous ai décrit, avec un niveau départemental et des unités départementales, un niveau régional qui porte un appui, des pôles interrégionaux et un niveau national dans une chaîne très solidaire et très fonctionnelle, a été totalement préservée au sein des DREAL qui ont leur unité départementale, qui ont leur service risque. Être au sein des DREAL, cela fait entrer dans une direction plus grande, puisque ce sont des directions qui ont de nombreux sujets dont il faut s'occuper, donc cela nécessite un exercice de management plus particulier pour les directeurs de DREAL par rapport à ce qu'étaient avant les petites DRIRE. Cela a été aussi un facteur d'enrichissement parce que la volonté qui nous a été donnée, est d'aller vers des autorisations environnementales uniques intégrées, qui permettent d'avoir une approche complète vis-à-vis des exploitants, avec à la fois des questions de risques accidentels et d'émissions chroniques dont je vous parlais, et d'impact, mais aussi des aspects biodiversité et d'autres aspects qui précédemment faisaient l'objet de différentes autorisations en parallèle avec des interlocuteurs différents qui étaient apportés par les industriels. Aujourd'hui, c'est un interlocuteur unique qui met en oeuvre une autorisation unique et il y a une direction régionale complète qui dispose de tout le spectre des compétences, ce qui permet de faire une « équipe projet » et d'avoir un interlocuteur unique pour les porteurs de projets. De ce côté-là, cela a été un fort enrichissement et une capacité non plus d'avoir un État qui fonctionnait en silos par rapport à plusieurs problématiques environnementales, mais d'avoir une approche intégrée. Évidemment, c'est une structure plus large, donc un tout petit peu moins « familiale » mais porteuse de sens pour une approche intégrée et par rapport aux porteurs de projets.

Effectivement, le nombre de contrôles menés par l'État a baissé. Plusieurs facteurs l'expliquent ou ils y concourent. Le premier, c'est qu'en parallèle, on a fait monter le principe de contrôle périodique par des organismes tiers, quelque chose qui a été mis en place ces dernières années. Pour vous donner un ordre de grandeur, l'an dernier, 7 000 contrôles ont été menés par ces organismes tiers. Vous me disiez que nous étions passés de 25 000 à 18 000. Quand on rajoute les 7 000 par les organismes tiers, on voit comment cela s'est recentré.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.