Intervention de Guillaume Blavette

Réunion du jeudi 12 décembre 2019 à 10h55
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Guillaume Blavette, administrateur de la fédération France nature environnement (FNE) :

Je tiens à témoigner en tant que militant associatif du territoire. Un point qui n'a pas encore été abordé, c'est celui de la culture du risque. Dans les établissements scolaires de l'académie de Rouen sont organisés des PPMS (Plans particulier de mise en sûreté) Un PPMS était prévu début octobre, mais il a été suspendu. Il devait avoir lieu mi-novembre. Mais ce deuxième exercice n'a pas eu lieu.

Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ? De mon point de vue d'enseignant, la culture du risque n'est pas assez enseignée ni explicitée, en particulier à l'échelle de la Métropole Rouen Normandie. J'enseigne dans un établissement à Elbeuf, entre deux établissements classés Seveso « seuil haut ». C'est un impensé, aussi bien pour l'Éducation nationale que pour notre collectivité locale de tutelle qui est la Région, et qui pourrait consentir des investissements complémentaires afin que les locaux garantissent, en cas d'accident chez Sanofi ou dans l'autre établissement, une protection optimum des personnels, mais surtout du public. Nous avons 1 000 enfants dans notre lycée. À partir de cet exemple, nous constatons que des éléments d'information relatifs à la culture du risque sont indispensables dans un territoire tel que celui de Rouen.

Ensuite, je voudrais témoigner de mon émotion et de mon soutien entier à Mme Vanessa Moreira Fernandes, de la part de FNE Normandie. Nous les avons accueillis au sein du collectif unitaire, et c'est une problématique à laquelle FNE Normandie est très sensible. Nous sommes intervenus auprès de la Métropole pour que ces personnes puissent bénéficier de la dignité à laquelle ils ont droit.

Je souhaiterais revenir sur le CODERST évoqué en introduction. Mardi après-midi, j'ai vécu ce que je considère être une « faillite du dialogue environnemental ». Le dialogue environnemental est une revendication très ancienne des associations de protection de la nature et de l'environnement. M. Olivier Blond l'a dit, c'est un combat historique de FNE. Des choses ont été faites par le passé pour approfondir cela. Mais cela n'a pas eu vraiment de conséquences depuis la catastrophe de Lubrizol. La plupart des arrêtés préfectoraux publiés par la préfecture de Seine-Maritime, n'ont pas été soumis à l'avis du CODERST. Beaucoup de décisions ne sont plus du ressort du CODERST et de la co-élaboration qui associe la réflexion des experts citoyens, dont ceux de FNE, et les pouvoirs publics. Nous n'avons pas vu passer l'arrêté 4 du 24 juillet 2019. Nous avons le sentiment d'être tenus à l'écart de tout ce travail, alors que dans notre fédération en particulier - et je tiens à saluer le travail de M. Claude Barbay depuis plus de 20 ans -, nous essayons de concourir à l'élévation de la sûreté et de la robustesse des installations, afin de garantir le droit de toutes et de tous à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Malheureusement mardi dernier, nous avons encore eu en face de nous, une fin de non-recevoir et, pire encore, des mises en cause à peine dissimulées. Des reproches nous ont été faits, selon lesquels les associations passeraient de manière abusive et irresponsable des informations à la presse.

C'est dans un climat peu propice à la réflexion collective que s'est ouvert un débat sur Lubrizol, pendant lequel les aspects techniques, concrets et réels n'ont pas été vraiment abordés. Comme un spectre, les enjeux économiques et d'emploi ont sur-influencé les échanges. Nous regrettons très vivement de n'avoir pas eu d'informations à l'occasion de ce CODERST, de la part de la DDPP (Direction départementale de la protection des populations) et de la DDTR (Direction des territoires et du réseau).

La DREAL a présenté en ouverture une vision des choses très honorable. Mais pour l'essentiel, c'est Lubrizol qui a répondu à nos questions, alors que nous nous adressions aussi bien à l'exploitant qu'aux pouvoirs publics, afin de savoir si la réglementation est bien appliquée et si les meilleures techniques disponibles, requises par le droit européen, sont mises en oeuvre. Par exemple, nous n'avons pas eu d'information sur le bilan des mises en demeure dont Lubrizol a fait l'objet. Finalement, nous nous sommes opposés à la décision, alors que j'avais pris soin de témoigner, auprès des médias, d'un sentiment d'écoute de notre part. Au départ, nous voulions nous abstenir, puisque le redémarrage de l'usine n'est pas à écarter. Mais le redémarrage ne doit pas se faire sous n'importe quelles conditions.

Je souhaite que le corps préfectoral entende enfin que les associations ne sont pas des opposants par principe, mais des acteurs de la co-élaboration des décisions des pouvoirs publics visant à renforcer la robustesse et à amener les industriels à des meilleures pratiques. Or, comme cela a été dit par M. Olivier Blond, il y a beaucoup d'éléments perfectibles sur le site de Lubrizol. Nous en avons vu les conséquences en début d'audition. Je voudrais rappeler que non seulement des Gens du voyage ont été victimes, mais aussi beaucoup de sans-abri et de personnes qui étaient à la porte du CHU. Le nuage a recouvert les rues de Rouen, ville où malheureusement la précarité existe. Qu'est-ce qui a été mis en oeuvre pour porter secours à tous ces gens ? Je crains que ce ne soit pas grand-chose.

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