Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du mardi 7 janvier 2020 à 15h00
Financement de l'économie dans le cadre de la transposition de l'accord du comité de bâle de 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Souvenons-nous : dans quelles conditions les accords de Bâle III ont-ils été conclus ? Nous étions au mois de décembre 2010, et la crise – bancaire, puis financière – à l'oeuvre depuis 2008 avait mis en lumière les carences et les insuffisances du système prudentiel de Bâle II. De fait, de nouvelles normes, plus contraignantes, ont été mises en oeuvre, afin de rendre nos institutions financières plus solides et plus résistantes face aux crises.

Les accords conclus en 2017, dont nous débattons aujourd'hui, permettent de clore le chapitre des réformes de Bâle III, en instaurant notamment un ratio minimum de fonds propres au regard des risques que nos banques peuvent prendre. Ce dernier chapitre constitue un enjeu majeur pour la France et pour l'Europe : conserver des banques puissantes, solides et à même de répondre aux enjeux du secteur financier. Ainsi, un bon accord pour l'Europe doit répondre à une question très simple : ne défavorise-t-il pas nos banques européennes ?

Il est nécessaire que nous nous saisissions à nouveau de la réglementation bancaire. En effet, quel mandat politique le G20 avait-il confié au Comité de Bâle ? Ce mandat prévoyait « une harmonisation mondiale des méthodes de calcul du risque, sans augmentation significative des fonds propres ni discrimination entre modèles bancaires ».

Le Parlement européen l'a complété à la fin de l'année 2016, en formulant le souhait que les contraintes augmentent de façon égale dans les pays concernés, principalement les pays d'Europe et les États-Unis. Or il apparaît que le texte du Comité de Bâle, arrêté à la fin de 2017, ne respecte ni l'une ni l'autre de ces deux conditions essentielles.

L'Autorité bancaire européenne a estimé l'impact des accords de Bâle III sur les fonds propres des banques européennes à 124,8 milliards d'euros. D'autres études aboutissent à un coût plus proche de 400 milliards d'euros. Ainsi, les réserves minimales de capital demandées aux banques européennes devraient augmenter de 23,6 %, contre 1,5 % pour les banques américaines.

C'est là que le bât blesse. L'Europe n'a pas bien négocié ses intérêts, et ce d'autant moins que nos banques sont pénalisées par des taux d'intérêt très bas, consécutifs de la politique monétaire de la Banque centrale européenne fixant des taux d'intérêt de plus en plus bas, voire négatifs, ce qui réduit leurs marges et freine la croissance européenne. Pourquoi s'imposer des normes démesurément contraignantes par rapport à celles des autres pays, alors même que les banques européennes perdent déjà des parts de marché en Europe et dans le monde ?

Par ailleurs, nous devons garder à l'esprit un impératif : la souveraineté économique et financière de l'Europe. Il faut rappeler l'importance que nous accordons à la nécessité de garantir la compétitivité des banques européennes, dans un secteur très dynamique et concurrentiel, notamment face à leurs homologues américaines.

Ce point de vigilance est d'autant plus nécessaire que ces dernières gagnent des parts de marché dans le domaine de la banque d'investissement et de financement depuis plusieurs années, notamment en Europe. Ainsi, depuis dix ans, les banques européennes ont perdu 13 % de parts de marché dans le monde, passant de 39 % à 26 %. Plus grave encore, elles ont perdu 5 % de parts de marché sur notre continent. Inversement, les banques américaines ont gagné des parts de marché en Europe, passant de 31 % à 40 % de 2012 et 2018.

Le risque est d'autant plus élevé que le circuit bancaire européen représente 75 % du financement de l'économie – les PME, les grandes entreprises, l'État et les collectivités territoriales, mais aussi nos concitoyens. Les banques nous ont avertis : les financements dans le domaine de l'aéronautique, les crédits immobiliers et le financement des entreprises non cotées seraient particulièrement bouleversés par une application telle quelle des accords de 2017. D'après Copenhagen Economics, elle réduirait la croissance européenne d'environ 0,4 point.

Afin de dissiper tout malentendu, il importe de préciser que la présente proposition de résolution, que j'ai cosignée avec plusieurs membres de notre groupe, dont notre président, ne vise pas à s'opposer aux accords de Bâle III, qui renforcent le système financier dans l'éventualité d'une crise. Nous répétons que cette démarche est nécessaire.

Toutefois, compte tenu des risques que fait courir leur application en l'état, notre assemblée doit former le voeu qu'ils soient adaptés aux spécificités de l'Union européenne, tout en favorisant une meilleure sensibilité aux risques de nos banques et en assurant des conditions de concurrence équitables avec les banques américaines. Pour ces raisons, le groupe Libertés et territoires votera le projet de résolution.

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