Intervention de Cédric O

Séance en hémicycle du mardi 7 janvier 2020 à 15h00
Financement de l'économie dans le cadre de la transposition de l'accord du comité de bâle de 2017 — Discussion générale

Cédric O, secrétaire d'état chargé du numérique :

Le Gouvernement salue ce projet de résolution concernant la transposition dans le droit de l'Union européenne de l'accord du Comité de Bâle de décembre 2017, autrement dit l'accord dit Bâle III, dans sa version finalisée.

Le Gouvernement en soutient globalement les orientations, même s'il tient à exprimer son attachement à la complète réalisation de l'agenda de réglementation financière introduit à la suite de la crise financière de 2008-2009, et dont relèvent les règles édictées par le Comité de Bâle.

La France est ainsi déterminée à ce que l'Union européenne applique les meilleures pratiques en matière de réglementation bancaire, telles qu'elles sont définies au niveau international. Elle soutiendra donc la mise en oeuvre au niveau européen de la version finalisée de l'accord de Bâle III dans les délais prévus. Il s'agit là d'une condition essentielle de la confiance accordée par les investisseurs des secteurs bancaires européen et français : la crédibilité et la compétitivité de leurs institutions en dépendent.

Il est cependant indispensable que l'application de ces normes dans les différentes juridictions reconnaisse pleinement les spécificités de leurs économies et s'inscrive dans le mandat politique fixé par leurs gouvernements. Cela justifie qu'elles soient parfois adaptées, comme le font d'ailleurs les autres grandes juridictions représentées à Bâle. À cet égard, la France soutiendra les adaptations qui lui paraissent indispensables pour le financement de l'économie de l'Union européenne.

Deux constats s'imposent à ce sujet.

Le Conseil des ministres de l'Union européenne avait fixé, tout d'abord, un cadre politique à la négociation conduite à Bâle, comme plusieurs interventions l'ont rappelé. Il a été souligné à cette occasion que cet accord ne devait pas conduire à une augmentation significative des exigences de fonds propres des banques qui risquerait de peser sur le financement de l'économie européenne et s'avérerait ainsi contreproductive, particulièrement dans un contexte de politique monétaire accommodante destinée précisément à soutenir l'offre de crédit.

À cet égard, je note que les chiffres donnés par l'étude d'impact menée à l'été 2019 par l'Autorité bancaire européenne montrent que l'augmentation des exigences en fonds propres qui résulterait d'une application sans discernement de ces nouvelles normes devrait atteindre le taux considérable de 24,4 %. Après l'Allemagne et les Pays-Bas, la France serait le troisième pays le plus affecté, et cette augmentation aurait des effets disproportionnés sur certaines activités particulièrement cruciales pour le financement des économies européennes.

Second constat, le nouvel accord de Bâle introduit un encadrement plus rigoureux de l'utilisation par les banques des modèles de gestion du risque validés par les autorités de supervision, par l'imposition d'un plancher réglementaire aux exigences de fonds propres. L'objectif du Comité de Bâle est louable : il s'agit de limiter les possibilités d'optimisation réglementaire par les banques.

Mais il importe de s'en tenir strictement à cet objectif et d'éviter que la mise en oeuvre de cette disposition n'entraîne une pénalisation indue et indistincte des activités des banques européennes. Il appartient en effet d'abord aux superviseurs de s'assurer de la qualité des modèles de gestion de risques utilisés par les banques. Le plancher a vocation uniquement à corriger les cas les plus atypiques, en fonctionnant comme une corde de rappel. C'est un point sur lequel tous les Européens représentés à Bâle étaient d'accord et sur lequel il serait incompréhensible que l'Europe choisisse d'aller au-delà de ce qui est demandé par l'accord de Bâle.

Permettez-moi à présent de vous exposer trois sujets essentiels, qui semblent devoir retenir particulièrement notre attention.

Le plus important concerne l'application du plancher au-dessous duquel le niveau des risques évalués par la banque ne peut descendre : c'est cette mesure qui engendre la plus grande partie – 9 points de pourcentage – de l'augmentation des fonds propres pour les banques françaises.

Il faut ici être vigilant, car l'application inadéquate de cette mesure pourrait aboutir à pénaliser inutilement des activités en réalité peu risquées et accroître encore la fragmentation du marché bancaire européen. Afin d'éviter cela tout en respectant scrupuleusement l'accord de Bâle, la France soutiendra l'utilisation du plancher exclusivement comme une corde de rappel, applicable aux seules exigences internationalement définies et conçues comme un fondement alternatif pour la détermination des besoins de fonds propres. La France plaidera également pour que le plancher soit appliqué uniquement au niveau le plus haut de consolidation dans les groupes bancaires.

Un autre point digne d'attention concerne le traitement des financements spécialisés. Les banques françaises comptent parmi les principaux acteurs de cette activité qui revêt des enjeux de souveraineté importants, puisqu'elle permet notamment le financement d'infrastructures et de grands projets. Les nouvelles dispositions fixées par le Comité de Bâle pourraient rendre difficile l'exercice de cette activité. Cela résulte du choix de paramètres mal adaptés aux caractéristiques de ces activités très hétérogènes.

Il serait paradoxal que les banques européennes soient très lourdement pénalisées dans le financement d'infrastructures, en particulier dans le contexte de la transition énergétique, et alors que nous souhaitons engager un nouveau pacte productif pour renforcer notre capacité industrielle à long terme. Il serait tout aussi problématique que l'industrie européenne, qu'il s'agisse de l'aéronautique ou des constructions navales, devienne dépendante de financements accordés – ou refusés – par les banques européennes.

Un dernier sujet particulièrement sensible, et auquel je sais cette assemblée assez attentive, concerne l'immobilier résidentiel. Il est essentiel que la transposition de l'accord bâlois reconnaisse le caractère moins risqué de certains marchés européens du crédit immobilier, en prenant en compte ses fondamentaux – taux de pertes moyen sur une période longue, par exemple – et certaines particularités très présentes, notamment, sur le marché français. Il serait paradoxal de pénaliser les banques qui financent ce marché, alors que la demande des particuliers souhaitant accéder à la propriété demeure très forte.

Les services du ministère de l'économie et des finances sont pleinement engagés, depuis plusieurs mois déjà, dans les groupes de travail européens afin d'assurer une transposition de l'accord de Bâle III qui tienne compte des impératifs que j'ai souhaité rappeler devant vous.

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