Intervention de Jean Luc Tavernier

Réunion du mercredi 18 septembre 2019 à 9h40
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean Luc Tavernier, directeur général de l'INSEE :

M. Bourlanges et M. Bricout ont abordé la question des importations, dont nous avons assez peu parlé. L'augmentation du pouvoir d'achat pose deux questions : à quel moment cela se traduit en consommation et est-ce que cette consommation porte sur des produits locaux ou sur des produits importés ? De fait, je ne vois pas à ce stade d'alerte particulière sur les importations et nous prévoyons grosso modo une contribution extérieure nulle en 2019.

Je ne vous livrerai pas de prévision de l'évolution du pouvoir d'achat par déciles. À l'INSEE, l'analyse est toujours rétroactive, dans le document « France, portrait social ». Un article faisant le bilan des mesures et de l'évolution du pouvoir d'achat jusqu'à l'année 2018 doit paraître en fin d'année. Il nous faut un peu de temps pour obtenir les données.

S'agissant de la conjoncture, M. Labaronne a parlé de la différence de progression entre les salaires et la productivité. Si la productivité devait stagner durablement, ce serait un vrai sujet. Or, il s'agit d'un phénomène quelque peu exceptionnel. Bien sûr, si le niveau de productivité est nul, la progression du salaire l'excède, mais je ne pense pas que ce soit durable. Dans le cas d'espèce, cela n'a pas de conséquence néfaste sur les marges des entreprises et leur capacité à financer l'investissement, car le taux de marge est singulièrement élevé du fait de la bascule sur les cotisations, qui a un effet exceptionnel particulier sur le taux de marge de l'année. Au-delà de ces éléments, les marges des entreprises ont été restaurées durablement. Les chiffres restent à surveiller, mais à ce stade ils sont trop ponctuels pour être source d'une inquiétude profonde.

Pour en revenir aux questions budgétaires, je suis assez sensible au fait qu'il faut avoir de la marge de manoeuvre en matière budgétaire. C'est quelque chose que l'on doit pondérer dans cette question, surtout quand la politique monétaire se trouve un peu au bout du rouleau et qu'on lui a déjà tellement demandé qu'elle ne peut plus trop délivrer – on le voit dans le débat sur les dernières mesures. Face à un risque éventuel de récession, il faut que chaque pays, individuellement, ait des marges de manoeuvre budgétaires. Par conséquent, il faut regarder la situation pays par pays.

Assurément, l'Allemagne a ces marges de manoeuvre. Comme elle est en quasi-récession, c'est le moment ou jamais de les utiliser. La France, qui n'a pas restauré les marges de manoeuvre dans les mêmes conditions que l'Allemagne – c'est peu de le dire –, est dans une situation proche de la croissance potentielle. Le taux de chômage continuant à baisser graduellement, le moment est peut-être venu de ne pas prélever sur ces marges, mais plutôt de les restaurer en prévision d'un éventuel épisode négatif ultérieur.

Pour répondre à Mme Rubin, dans notre débat d'aujourd'hui, le « carcan » des règles européennes n'est pas vraiment en cause. Savoir comment recycler les économies de charges d'intérêt, soit en baisse de dépenses, soit en baisse de prélèvements, n'est pas une question contrainte aujourd'hui par les règles européennes. En témoigne ce que nous avons fait, qui a plutôt consisté à recycler les économies de charges d'intérêt en baisse de prélèvements et qui n'a pas été sanctionné par les règles européennes. Et si l'Allemagne se mettait à dépenser davantage, ce ne serait absolument pas contraire aux règles européennes, bien au contraire.

Quant à savoir si le malade va mourir guéri, c'est fondamental. Au-dessus de tout cela planent les questions de réchauffement climatique et de soutenabilité. Dans de tels cas, il ne s'agit plus de soutenabilité financière. S'il faut investir pour sauver la planète, ce ne sont plus nos calculs arithmétiques qui l'emportent. La question ne se pose pas au niveau national, mais mondial. Encore une fois, on retrouve le cas de l'Allemagne : ce serait passer un cap que d'engager des dépenses particulières pour financer la sortie du lignite et du charbon. Si l'on est planificateur européen ou si l'on se place au niveau supranational, c'est la priorité, bien plus que des dépenses particulières dans notre pays.

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