Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mardi 14 janvier 2020 à 15h00
Homologation des peines d'emprisonnement en nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Je souhaite, tout d'abord, vous adresser mes meilleurs voeux à toutes et à tous. Pace è salute, comme l'on dit chez nous, pour cette nouvelle année.

Le groupe Libertés et territoires ne peut que saluer l'inscription à l'ordre du jour de cette assemblée de ce type de texte, tant nous sommes attachés à la défense des territoires et de leurs spécificités, et surtout à leur capacité à légiférer, aux côtés du Parlement, dans un cadre défini.

Nous soutiendrons naturellement cette proposition de loi de Philippe Dunoyer, qui est importante pour l'effectivité du droit calédonien. Les mesures pénales soumises à notre homologation ont été décidées par les trois assemblées provinciales calédoniennes, qui sont des assemblées démocratiques, habilitées constitutionnellement à les prendre.

Il a fallu plus de six ans pour que certaines de ces mesures soient inscrites pour homologation à l'ordre du jour du Parlement, ici, à Paris, à 18 000 kilomètres et 22 heures de vol de la Nouvelle-Calédonie. Ce délai difficilement acceptable doit nous faire réfléchir.

On peut se poser légitimement la question de la réelle nécessité de passer à nouveau devant le Parlement, à Paris, s'agissant d'infractions pénales, ou de toutes autres dispositions d'ailleurs, portant sur les domaines de compétences qui sont propres à chacun des statuts des collectivités concernées – ce qui me semble être le cas pour le présent texte d'homologation. Un contrôle éventuel a posteriori nous paraît amplement suffisant, comme l'a suggéré Maina Sage.

Plus largement, on peut se poser la question du degré de confiance que nous avons, dans ce pays, à l'égard des collectivités d'outre-mer, auxquelles nous octroyons certaines capacités à légiférer mais qui sont systématiquement subordonnées à une ratification parlementaire, si tant est que celle-ci ait lieu.

D'où l'idée, avancée par plusieurs d'entre nous en commission, de créer un rendez-vous parlementaire pour l'outre-mer. Certaines contraintes à l'exercice de compétences doivent être levées. Cette proposition de loi doit, à notre sens, être l'occasion d'inciter à un nouveau mode de fonctionnement.

La loi, décidée par des assemblées habilitées à la fabriquer, doit trouver une application effective rapidement. Elle a autant de valeur que celle que nous élaborons dans cette enceinte. La différence tient essentiellement à un problème de confiance, à une peur très française, assez peu compréhensible et qui prête à sourire lorsque l'on en parle à l'étranger.

Tout se passe comme si les textes de ces assemblées allaient être mal faits, fallacieux, dénués de sens. Mais les élus de ces assemblées territoriales sont des gens responsables, élus démocratiquement ; ils savent appliquer des principes constitutionnels, s'agissant de libertés fondamentales ou autres, comme nous tous ici.

Notre groupe, vous le savez, est foncièrement attaché à l'autonomie des territoires. Nous serons donc très attentifs à la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre ce qu'il appelle la « différenciation » dans le projet de loi dit 3D – décentralisation, différenciation et déconcentration. Cette volonté aujourd'hui affichée sera-t-elle suivie d'effets ? Les collectivités bénéficieront-elles d'une réelle capacité d'agir au quotidien pour répondre aux besoins spécifiques de leurs populations ? Nous y veillerons, au sein du groupe Libertés et territoires, lors de l'examen du projet de loi 3D, un texte très attendu.

Compte tenu du sujet de la proposition de loi, il est nécessaire enfin d'évoquer la situation matérielle alarmante, voire scandaleuse, de la prison du Camp Est, unique prison de l'archipel, qui ressemble, il faut bien l'avouer, à une sorte de bagne moderne, hérité de l'époque coloniale, où les jeunes Kanak sont surreprésentés. Ce n'est certes pas l'objet du texte, mais nous saisissons l'occasion de son examen pour appeler les autorités judiciaires et pénitentiaires à agir. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a déjà dénoncé, en 2011, la violation grave des droits fondamentaux, la surpopulation carcérale et les conditions de détention indignes, dans des containers maritimes de fortune, qui caractérisent cet établissement. Madame la garde des sceaux, il est indispensable de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette situation.

Vous l'aurez compris, le groupe Libertés et territoires votera en faveur de la proposition de loi.

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