Intervention de Sophie Cluzel

Séance en hémicycle du mercredi 15 janvier 2020 à 15h00
Accès à la prestation de compensation du handicap — Présentation

Sophie Cluzel, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées :

Ainsi nous est aussi donnée l'opportunité de refaire des maisons départementales des personnes handicapées le lieu de l'accompagnement, notion au coeur de leur création par la loi de 2005, et cette approche gagnant-gagnant doit être en permanence rappelée.

Il y a quinze ans était promulguée la grande loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, loi sans laquelle nous ne pourrions aborder le sujet qui nous réunit. Cette loi porte en germe tous les fondamentaux de la pleine citoyenneté des personnes en situation de handicap, notamment parce que, outre qu'elle affirme de façon fondamentale leurs droits pleins et entiers, elle a permis de fixer l'ambition d'un soutien spécifique, aussi important que nécessaire, pour accompagner leurs projets et leurs choix de vie.

Rappelons à ce titre l'importance de la prestation de compensation du handicap, laquelle constitue indéniablement un levier essentiel pour leur autonomie dans tous les domaines de leur quotidien. Près de 300 000 personnes, dont plus de 20 000 enfants, sont aujourd'hui bénéficiaires de la PCH, prestation dont l'objet est de soutenir au plus près les besoins des personnes, établis sur le fondement d'une évaluation individualisée et multidimensionnelle de l'impact du handicap dans les grands domaines de la vie quotidienne.

Aujourd'hui, quinze ans après sa fondation, le chemin n'est pas fini. Vous le savez, il nous faut encore poursuivre et consolider les avancées sur le champ de la compensation. C'est le gage d'une société qui offre à chacun la capacité du plein exercice de ses droits et de ses choix. À cet effet, il nous faut continuer, en lien avec les départements, à en renforcer l'efficacité.

C'est notre responsabilité collective que d'assurer, chacun à notre place, aux personnes handicapées que leur expertise d'usage sera entendue et prise en compte dans la construction des plans de compensation, gage de l'adéquation de ces derniers à leurs choix et à leurs aspirations. C'est également notre responsabilité collective que d'assurer un traitement des demandes dans des délais décents car, chacun le sait, derrière chaque dossier, il y a une histoire, il y a une personne, il y a des aspirations, des désirs et souvent des souffrances. Chacun le sait mais cela mérite néanmoins d'être rappelé pour que là encore, collectivement et en responsabilité, nous réfléchissions ensemble aux moyens d'offrir cette garantie de la maîtrise des délais que nous devons à nos concitoyens. Les droits à vie en sont un levier. Enfin, c'est aussi notre responsabilité collective que d'avoir une exigence d'équité, sur tout le territoire, dans l'accès aux droits, face à une disparité de situations qui doit nous interpeller.

Il faut en outre mobiliser la PCH au bénéfice de la diversification des solutions proposées aux personnes. À ce titre, la mutualisation de la PCH permet de développer de nouveaux projets de logements inclusifs, et c'est essentiel. Le Premier ministre a d'ailleurs confié à M. Denis Piveteau et à M. Jacques Wolfrom le soin de proposer une stratégie opérationnelle de déploiement à plus grande échelle de cette solution qui permet aux personnes en faisant le choix de trouver un chez soi et un projet de vie sociale porteur, afin de mener une vie comme les autres.

Le Gouvernement, qui s'était engagé à faire mieux, va donc poursuivre non seulement sur les enjeux que j'ai évoqués mais aussi sur d'autres. Réjouissons-nous déjà de cette l'occasion de faire, grâce au texte qui nous est présenté, un grand pas en avant. Le fait que votre commission des affaires sociales s'en soit tenu à une version quasi-identique à celle du Sénat montre que nous en sommes proches.

La proposition de loi dont nous discutons s'inspire directement, dans ses premiers articles, de celle de votre collègue Philippe Berta, que je tiens vraiment à saluer pour son engagement, votée par votre chambre le 17 mai 2018. Elle se nourrit en outre de l'initiative du Sénat, notamment du rapport « Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive », rédigé par le sénateur Philippe Mouiller au nom de sa commission des affaires sociales.

Aujourd'hui vous est donnée l'occasion de nouvelles concrétisations. Les travaux et les débats de votre commission des affaires sociales, notamment grâce au rapport de Mme Nathalie Elimas, ont été particulièrement riches. Si des questions ont été soulevées, et j'y reviendrai, tous ici avez su voir les avancées apportées par ce texte.

Permettez-moi dès lors de m'arrêter sur la proposition de loi plus en détail.

L'article 1er traite de la suppression de la barrière d'âge à 75 ans. Cette mesure figurait déjà dans la proposition de loi de votre collègue Philippe Berta, que vous aviez adoptée. Dans sa rédaction actuelle, la loi pénalise les personnes handicapées qui n'ont pas jugé utile de demander la PCH avant 75 ans, mais se trouvent après cet âge en difficulté du fait d'un changement survenu dans leur environnement, par exemple le vieillissement ou le décès du conjoint qui leur apportait dans les faits une aide humaine. Je me réjouis dès lors du consensus trouvé sur cette évolution, qui devrait concerner autour de 10 000 personnes.

L'article 2 propose une évolution du dispositif législatif régissant les fonds de compensation du handicap. Il va enfin nous permettre d'ouvrir la possibilité de fixer, par voie réglementaire, pour l'emploi de ces fonds, un cadre transparent et partagé qui fera l'objet d'une concertation avec les associations. Votre commission des affaires sociales a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant la remise au Parlement d'un rapport qui permettra à chacun d'en juger l'effectivité.

Pour autant, je ne nie pas les difficultés relatives au reste à charge, qui ne seront pas résolues du jour au lendemain. Je souhaite à ce titre que nous puissions agir sur la construction même du système afin qu'il soit plus efficace dans ses fondements. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai annoncé avec ma collègue Agnès Buzyn, à l'occasion du comité interministériel du handicap du 3 décembre dernier, le lancement d'une mission sur les aides techniques car celles-ci comptent de façon importante dans les motifs de sollicitation des fonds départementaux, sachant que l'accès auxdites aides est encore trop difficile et que l'organisation du dispositif ne fait pas suffisamment place à leur qualité d'usage pour les personnes. La mission est désormais lancée. Le docteur Philippe Denormandie doit nous remettre ses propositions d'ici à la rentrée 2020. C'est évidemment un sujet délicat, mais il a été laissé trop longtemps de côté, compte tenu de sa complexité, et nous devons nous y attaquer.

L'article 3 vise à étendre le droit à vie à la PCH en cas de handicap non susceptible d'évoluer favorablement, et l'alignement des durées d'attribution des éléments de la PCH sur une durée unique. Il participe à ce titre du mouvement, énoncé précédemment, qui vise à simplifier la vie des personnes et celle des administrations. Évidemment, je m'en réjouis. Mais il faudra là aussi que nous soyons attentifs à ce que les équipes puissent s'emparer de cette mesure concrètement.

Enfin, l'article 4 de la proposition de loi propose de créer un comité stratégique sur deux questions qui peuvent paraître éloignées dans leur objet mais qui sont d'importance égale.

Le premier concerne les transports, que vous avez raison de considérer comme un sujet d'importance. Nous souhaitons que les personnes puissent retrouver leur pouvoir d'agir et être actrices de leurs choix. La mobilité est indéniablement une condition de ce projet. Je m'engage devant vous aujourd'hui, comme je l'ai fait devant les sénateurs, à réunir l'ensemble des parties prenantes, du droit commun comme du droit spécifique, afin d'engager ces travaux sur lesquels j'ai demandé aux administrations de proposer une structuration tant ils sont multidimensionnels.

Les sénateurs ont aussi fait le choix d'enrichir ce comité de la dimension attachée à la compensation du handicap pour les enfants. Il y a eu des progrès dans l'analyse des difficultés sur ce sujet dont je sais, madame la rapporteure, qu'il vous tient à coeur. À ce titre, la clarification de l'articulation entre l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et la PCH attribuée aux enfants est un vrai sujet. Le récent rapport de M. Lenoir, au nom de l'inspection générale des affaires sociales, doit nous permettre d'approfondir nos options dès lors que les différents scénarios possibles ont été esquissés.

Cela nécessite certes du temps car le sujet est sérieux et complexe, mais sachez que je suis déterminée à ne pas le laisser de côté. L'engagement à l'automne 2019 de la stratégie « Agir pour les aidants », bâtie avec l'apport des associations et des parlementaires, et à laquelle j'attache avec Agnès Buzyn une très forte importance, a déjà permis une avancée par la défiscalisation et l'exonération de contributions sociales du dédommagement aidant attaché à la PCH. Un autre interviendra bientôt, avec la possibilité de son cumul avec le RSA. Ainsi, nous faisons sauter un verrou dans l'exercice du droit d'option entre la PCH et l'AEEH, et nous permettons aux familles d'exercer leurs droits en la matière de manière beaucoup plus sereine.

Mesdames et messieurs les députés, l'année qui débute sera une année riche pour le handicap. Cette proposition de loi en est une première traduction. Le 11 février prochain aura lieu la Conférence nationale du handicap sous l'égide du Président de la République : ce sera un rendez-vous important avec les Françaises et les Français. Et je tiens à redire toute la part que vous avez dans cette ambition pour les personnes en situation de handicap. Cette proposition de loi est le fruit d'un travail parlementaire exigeant et de qualité que je tenais à nouveau à saluer.

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