Intervention de Marielle de Sarnez

Réunion du mercredi 6 novembre 2019 à 16h40
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarielle de Sarnez, présidente :

Je souhaite la bienvenue au général François Lecointre, que nous recevons à huis clos. Chef d'état-major des armées depuis juillet 2017, vous êtes, général, responsable de la conduite des opérations militaires de la France sous la responsabilité du Président de la République. Nos soldats restent engagés sur de nombreux théâtres d'opérations extérieures pour lutter contre la menace terroriste. C'est singulièrement le cas au Sahel. Au nom de mes collègues, je rends hommage à l'engagement et au dévouement de nos forces armées, qui oeuvrent au péril de leur vie pour notre sécurité collective, et j'honore la mémoire du brigadier Ronan Pointeau, du 1er régiment de spahis, tué le 2 novembre dernier au Mali dans l'accomplissement de sa mission ; il est le vingt-huitième soldat français à avoir trouvé la mort au Sahel depuis janvier 2013. Nous avons également une pensée forte pour les quarante-neuf militaires des forces armées maliennes tués dans l'assaut de leur garnison, vendredi dernier.

Nos forces armées sont présentes dans la région dans le cadre de l'opération Barkhane qui mobilise plus de la moitié des 7 000 soldats français déployés à l'étranger. Si plusieurs succès ont été remportés sur ce théâtre, les forces françaises sont mises à l'épreuve par l'expansion du terrorisme au Niger, au nord du Burkina Faso et au Mali – et je n'oublie pas davantage Sophie Pétronin, détenue otage depuis décembre 2017.

Nous savons que les déplacements des populations dus aux groupes terroristes accroissent les tensions entre cultivateurs sédentaires et éleveurs semi-nomades. C'est une des raisons des massacres intercommunautaires qui ont déjà fait des centaines de morts au Sahel. Si la paix est difficile à obtenir en dépit de l'abnégation nos forces armées, c'est précisément parce qu'elle ne se réduit pas à l'absence de conflits. Elle n'est acquise que lorsque la sécurité des hommes est garantie au sens large, lorsque les besoins humains essentiels sont satisfaits. Aussi les États de la région doivent-ils reprendre pied sur l'ensemble de leur territoire, non seulement par les services de sécurité mais aussi en assurant les services publics de base, en particulier l'éducation et singulièrement celle des filles, et également la santé et l'emploi ; tout le tissu social doit être recousu.

Vous connaissez bien le Sahel, général, pour avoir exercé en 2013 le commandement de la mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM Mali). Vous nous direz comment vous envisagez l'évolution de la situation sur le terrain, comment nous pouvons adapter notre dispositif militaire, quelle est votre stratégie pour assurer une plus grande continuité entre les besoins de sécurité, de stabilité et de développement, conditions sine qua non pour donner aux jeunes de ces régions des perspectives d'avenir et faire reculer l'emprise de l'idéologie djihadiste. Vous nous parlerez aussi de l'état d'avancement du G5 Sahel et nous direz comment mieux impliquer l'Union africaine dans ce processus.

Au Levant, la France est présente au sein d'une coalition en Syrie et en Irak dans le cadre de l'opération Chammal. Cinq ans après le début de cette opération, Daech a été vaincue territorialement sur le plan militaire, mais son idéologie perdure et son organisation a pris la forme nouvelle de cellules clandestines actives dans une très large zone. Le chaos créé par l'offensive militaire turque au Nord-Est de la Syrie, que notre Assemblée a condamnée à l'unanimité, est de nature à favoriser la résurgence de Daech sur le terrain et à augmenter le risque de dispersion des combattants terroristes étrangers.

Dans ce contexte, alors que les États-Unis ne sont plus ou ne seront plus « le gendarme du monde », il est plus que temps que l'Europe, dont la France, prenne ses responsabilités. Dans le Nord-Est syrien, face à cette nouvelle donne, quel est désormais notre objectif ? Quelles sont les marges de manoeuvre de la France sur ce théâtre d'opération essentiel pour la stabilité du Moyen-Orient et, plus généralement, pour la stabilité du monde ? Quel est, aussi, l'avenir de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) ? Le très important effort consenti pour nos armées dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire ne portera pleinement ses fruits que s'il s'assortit de l'affirmation forte de notre autonomie de pensée et d'action, préalable indispensable pour parvenir demain, je le souhaite, à un meilleur équilibre du monde.

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