Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 16h05
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Il est vrai que l'instabilité de la région rend les options disponibles plus compliquées, mais les principes restent les mêmes. Ce n'est pas la même chose en ce qui concerne les enfants – il y a là une ambiguïté que je veux lever. À la différence de leurs parents, les enfants n'ont pas choisi de rejoindre une organisation terroriste, en Irak ou en Syrie. Dans la mesure du possible, et tout en sachant que les conditions sont de plus en plus difficiles, nous faisons en sorte que les mineurs les plus vulnérables, notamment orphelins ou isolés, soient rapatriés. Cette position, qui est aussi celle de l'Allemagne et de la Belgique, par exemple, n'a pas évolué.

J'ai été interrogé sur le vote intervenu au Parlement irakien. Chacun le sait, une crise majeure est intervenue en Irak à la fin du mois de novembre, qui s'est traduite par des manifestations régulières, à Bagdad mais aussi dans le sud du pays. Cette crise dépasse les clivages confessionnels traditionnels, y compris celui qui existe entre chiites et sunnites. Ce mouvement extrêmement fort s'est arrêté après la neutralisation de Soleimani, et a débouché sur une sorte d'unanimité pour demander le départ des troupes étrangères – pour l'essentiel américaines. Cela s'est traduit par un vote au Parlement irakien, dans des conditions particulières, sur lesquelles je n'insiste pas car l'audition est publique. Nous estimons qu'en dépit des interrogations que nous pouvons avoir, il faut néanmoins prendre en considération ce vote. Par ailleurs, le Premier ministre étant démissionnaire, il n'y a plus vraiment de gouvernement : M. Abdel-Mehdi assure une transition – certes difficile. On peut également s'interroger sur la mise en oeuvre des dispositions qui ont été prises par le Parlement irakien. Il n'empêche que nous devons considérer qu'il s'agit là d'un acte politique, qui est en l'occurrence une interrogation sur la vocation de la coalition. Or il faut répéter que la vocation de la coalition est de lutter contre Daech et de se prémunir contre cette organisation, y compris pour le bien de l'Irak, car les risques de résurgence concernent d'abord l'Irak, en particulier la partie nord-ouest du pays, où la plus grande vigilance est requise.

Je me contenterai, pour finir, d'une remarque à propos de l'Afrique, en réponse à M. David, car je crois avoir déjà répondu – au moins en partie –, dans mes propos initiaux, à ses observations. Je constate avec tristesse le sentiment anti-français. Cela dit, j'observe également qu'il ne prend pas énormément dans l'opinion publique : alors que l'on avait annoncé à Bamako une grande manifestation qui devait rassembler un million de protestataires contre la présence française destinée à lutter contre le terrorisme, on a compté seulement 800 personnes. Cela marche sur les réseaux sociaux et dans certains organes de presse, c'est un peu relayé par certaines personnes. Mais ce qui domine surtout parmi les populations du Sahel, c'est le sentiment d'insécurité. À cet égard, la force Barkhane joue un peu le rôle de bouc émissaire : « Comment se fait-il qu'il y ait de l'insécurité alors que vous êtes là ? » C'est cette fragilisation de l'opinion publique qu'il faut combattre. Le paquet qui a été validé avant-hier soir à Pau avec les quatre piliers que j'ai évoqués met fortement l'accent sur la question du développement. J'espère que cela permettra une véritable mobilisation.

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