Intervention de Erwan Balanant

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

Le 10 novembre 2019, dans le Bas-Rhin, Sylvia, 40 ans, a été poignardée par son mari après avoir demandé le divorce. Le lendemain, en Loire-Atlantique, Karine, 48 ans, a été tuée de la même manière par celui dont elle était séparée depuis deux ans. Idem, le jour suivant, en Seine-Saint-Denis pour Aminata, 31 ans, tuée devant ses deux enfants.

En 2019, 116 femmes ont été tuées par leur conjoint : 116 décès de trop, 116 constats de notre impuissance. Et je n'ai évoqué ici que les actes de violence à l'issue fatale. Il ne faut pas oublier toutes les victimes qui survivent à ces violences et qui sont bien souvent anéanties. Personne n'a les mots pour décrire les conséquences irréversibles des violences conjugales sur une vie.

Les chiffres sont consternants et les lacunes de la justice bien présentes. Les mains courantes et les procès-verbaux de renseignement judiciaire ne débouchent sur des investigations que dans 18 % des cas. Dans 41 % des cas d'homicides et tentatives d'homicides conjugaux, la victime s'était signalée auparavant. Face à ce constat inique, notre société est restée trop souvent sourde aux alertes ; elle a participé à la banalisation de l'inacceptable.

Nous devons placer l'identification de solutions au coeur de notre action afin de permettre à chacun de se sentir en sécurité au sein de son foyer. À cet égard, l'engagement du Président de la République et du Gouvernement est à la hauteur des enjeux. Les recommandations formulées à l'occasion du Grenelle des violences conjugales sont des pistes destinées à rompre la spirale infernale des violences au sein du couple, à éloigner et à punir les auteurs des violences.

Dans cette lignée, la proposition de loi de nos collègues Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha propose des mesures que nous considérons comme cruciales et qui se traduiront par des progrès significatifs dans la prise en charge et la protection des victimes.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés se félicite de plusieurs avancées, notamment de la prise en compte des victimes collatérales que sont les enfants. De plus, nous saluons la possibilité, pour les professionnels de santé, de faire exception au secret médical, afin de procéder au signalement nécessaire lorsqu'ils ont « l'intime conviction » – expression sur laquelle nous reviendrons – que l'un de leurs patients est victime de violences conjugales.

Nous nous réjouissons également des dispositions de l'article 9, qui faciliteront la saisie des armes au domicile. Ce point nous semble fondamental, compte tenu de l'omniprésence des armes dans les violences au sein du couple. En 2018, pour l'ensemble des décès consécutifs à ces violences, une arme a été utilisée dans 61 % des cas lorsque les auteurs sont des hommes et dans 80,6 % des cas lorsque ce sont des femmes.

Le groupe Modem a déposé quelques amendements afin d'aller encore plus loin dans les mesures protectrices. En particulier, nous proposerons d'étendre la levée de l'obligation d'aliments des ascendants et descendants de la victime quel que soit le crime commis. Ces crimes nous semblent avoir des répercussions dévastatrices pour la famille qui, en tant que victime par ricochet, ne saurait être liée juridiquement par l'obligation alimentaire.

Enfin, nous souhaiterions appeler votre attention sur l'article 11 qui vise à encadrer plus strictement l'accès des mineurs aux sites pornographiques. Bien que ce soit effectivement crucial et que nous devions indéniablement faire face à cet enjeu, les modalités pratiques d'une limitation d'accès sont complexes. Ce sujet mériterait une réflexion autonome et approfondie, distincte de celle liée aux violences conjugales afin de renforcer la protection des mineurs.

Je vous remercie pour ce texte, madame la rapporteure.

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