Intervention de Nicole Le Peih

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Le Peih :

La Délégation a évidemment souhaité se saisir de cette proposition de loi qui concerne directement les droits des femmes. En effet, ce sont elles qui, le plus souvent, sont victimes des violences au sein d'un couple. Je suis très fière d'avoir été chargée de rédiger un rapport sur ce texte et je tiens à remercier Mme Bérangère Couillard, rapporteure, et M. Guillaume Gouffier-Cha pour leur travail. Cette proposition de loi découle directement du Grenelle contre les violences conjugales, qui a donné une impulsion décisive, et je crois que nous avons enfin adopté la bonne démarche pour en finir avec les violences conjugales. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, mais nous savons toutes et tous qu'elles sont une réalité omniprésente et insupportable. Je suis convaincue que cette proposition nous permettra de mieux lutter contre cette forme de violence et de mieux protéger les personnes qui en sont victimes.

J'ai privilégié trois axes de réflexion.

Il convient tout d'abord, et c'est pour moi une priorité, d'améliorer la détection des situations de violences conjugales. Bien souvent, il est difficile pour les victimes de dénoncer les violences qu'elles subissent, et encore plus de s'engager dans une démarche de sortie des violences. Nous devons tout faire pour les y aider.

Il importe, ensuite, de mieux prendre en compte les conséquences des violences conjugales, qui sont très lourdes, non seulement pour les victimes directes, mais aussi pour les enfants. Nous devons, dans ce domaine, opérer un changement de paradigme, en nous rappelant les mots du Premier ministre au lancement du Grenelle : un conjoint violent n'est pas un bon père. Notre droit doit en tirer les conséquences.

Enfin, pour lutter efficacement contre les violences conjugales, il est nécessaire de tenir compte de leur caractère multiforme. Elles s'inscrivent dans un continuum de violences et nous n'arriverons à les déconstruire qu'en agissant résolument contre chacune d'entre elles et en transmettant à nos enfants, dès le plus jeune âge, une culture de l'égalité entre les hommes et les femmes.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui aborde des sujets variés, mais qui visent tous le même objectif : mettre fin aux violences conjugales.

J'aimerais m'arrêter sur deux dispositions du texte en commençant par celle relative au secret médical et à la possibilité, pour les professionnels de santé, de révéler des faits de violences conjugales sans l'accord de la victime majeure. S'il est évidemment pertinent de faciliter et de clarifier cette procédure de signalement en cas de danger immédiat, il me semble néanmoins impératif de prendre certaines précautions. Il ne faut pas prendre le risque de mettre la victime encore plus en danger. Il ne faut pas non plus que cette décision l'isole encore davantage. Il ne faut pas, enfin, que cette démarche l'infantilise et la prive de la possibilité d'être actrice de son destin. Il me semble impératif de ne pas inciter avec trop de légèreté au déclenchement d'un signalement : il faut que cela se fasse de manière raisonnée. Cela suppose de former les professionnels de santé et de toujours favoriser un accompagnement respectueux de la volonté de la victime.

Je souhaite à présent dire un mot de l'article 10 et de la question des cyberviolences. Celles-ci se multiplient, du fait de la diffusion d'outils technologiques accessibles à tous. Notre droit doit s'adapter à ces évolutions, s'il veut prendre en compte les différentes formes de violences conjugales et garantir une vraie protection des victimes. Les réseaux sociaux facilitent l'humiliation en ligne ; la géolocalisation permet de contrôler les moindres faits et gestes de quelqu'un ; les logiciels espions se développent et rendent possible une surveillance continue. Nous ne devons pas sous-estimer ces formes de violences qui se multiplient et qui permettent aux agresseurs de maintenir sur leur victime une emprise forte. Ce texte va dans le bon sens mais je suis convaincue que nous devons aller encore plus loin et systématiser la détection des cyberviolences au cours des enquêtes et des procédures judiciaires.

Cette proposition de loi est une nouvelle occasion de progresser rapidement dans la lutte contre les violences conjugales.

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