Intervention de Marine Le Pen

Séance en hémicycle du mardi 21 janvier 2020 à 15h00
Haine sur internet — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarine Le Pen :

… de même qu'un grand nombre des élus du mouvement que je préside, en particulier les femmes. Mais si la loi encadre la liberté d'expression – encadrement d'ailleurs de plus en plus strict – , c'est à la justice et à elle seule de dire si un propos est contraire à la loi, et sûrement pas à une entreprise privée. Dans notre État de droit, la justice est rendue au nom du peuple français, par un juge ou un jury, et non au nom d'intérêts privés ou de minorités agissantes, par un algorithme ou un modérateur des GAFA.

Si le vocable de « modérateur » est plus doux que celui de « censeur », l'action, in fine, est bien la même. Or déclarer un contenu comme étant illicite, donc devant être censuré et supprimé, c'est précisément se substituer au juge. Je vois donc dans ce texte une très grave remise en cause d'un des fondements constitutionnels de notre pays, et je ne suis pas étonnée que du Conseil national du numérique au Conseil national des barreaux en passant par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, ce texte provoque une rare unanimité contre lui. Car, ne soyons pas dupes, étant donné les sanctions prévues par ce texte pour les opérateurs, aucun d'entre eux ne pourra prendre le risque de laisser en ligne un contenu dont le caractère haineux pourrait faire débat. Tout contenu litigieux ou même vaguement polémique sera donc retiré.

En réalité, au-delà de l'objectif final qui, je le reconnais, procède d'une intention louable – faire en sorte qu'internet ne devienne pas un espace sans foi ni loi – , sur la forme, ce texte souligne une nouvelle fois soit, première hypothèse, que vous actez l'abandon par les pouvoirs publics de leurs responsabilités ; soit, hypothèse plus grave, que vous approuvez et encouragez la privatisation de la justice et la mise en coupe réglée de toute pensée dérangeante ou dissidente. Or je crains que dans votre monde postnational, dans la société que vous prônez, où les individus doivent remplacer les nations, la seconde hypothèse ne soit la bonne. Pourtant, il était si simple d'adapter notre appareil judiciaire à l'évolution technologique en rendant le recours aux tribunaux plus aisé et plus rapide dans ce domaine !

Hélas, il y a également derrière ce texte, nous n'en sommes pas dupes, une volonté d'encadrer le débat démocratique. Je me rappelle le message du préfet Frédéric Potier après la fermeture par Facebook de la page de Génération identitaire ou son soutien au mouvement Sleeping Giants. Le parti pris de votre texte saute d'ailleurs aux yeux : comment pouvez-vous, dans votre exposé des motifs, ne pas mentionner une seule fois l'islamisme, qui est aujourd'hui le premier vecteur de haine, cette haine qui va, faut-il le rappeler, jusqu'à tuer nos compatriotes ?

Alors, chers collègues, souvenez-vous que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Si vous êtes attachés à l'une des valeurs constitutives de notre pays et à la souveraineté du peuple, refusez de voter ce texte. En tout cas, nous, qui sommes profondément attachés aux deux, nous voterons contre.

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