Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 21 janvier 2020 à 21h30
Haine sur internet — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

L'article 1er est problématique en ce qu'il instaure la privatisation de la liberté d'expression en contournant le juge et en confiant la police de l'expression sur internet aux grandes plateformes.

Les opérateurs sont-ils les mieux placés pour exercer cette mission de censure a priori, quand il est parfois si difficile pour les juges de le faire a posteriori ? Je ne le pense pas.

Mon inquiétude est vive, je le répète, de voir les plateformes se transformer en juge de la liberté d'expression car, en la matière, la liberté doit évidemment être la règle et les restrictions, l'exception. C'est ainsi depuis la loi sur la presse de 1881, et c'est ainsi que cela doit rester puisque la liberté d'opinion et d'expression est la plus importante de nos libertés.

Avec cet article 1er vous déléguez une autorisation de censure à des algorithmes : le volume des expressions sur les plateformes internet est tel qu'aucun humain ne peut raisonnablement en surveiller la totalité, tout cela dans un délai de vingt-quatre heures, ce qui crée, de facto, une sorte de délit de non-retrait qui sera sanctionné financièrement. Inutile de vous faire un dessin : face au risque de sanctions pécuniaires surgit le risque d'autocensure ou de sur-censure car aucun opérateur privé ne voudra se voir sanctionner à répétition.

L'avocat François Sureau, explique à propos de ce texte : « La société de liberté se définit par un climat général que chaque restriction dégrade, dépouillant peu à peu le citoyen de sa capacité de libre détermination. » Et de poursuivre : « Je partage le dégoût moral des auteurs de [ce texte]. Mais le dégoût comme l'indignation ne sont pas nécessairement les meilleurs soutiens de la liberté. »

Je partage également ce dégoût mais, vous l'avez compris, je suis farouchement opposée à ce texte. J'ai eu l'occasion de le dire à maintes reprises, votre proposition de loi est contraire à ma conception voltairienne de la liberté d'expression en France.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.