Intervention de Laetitia Avia

Séance en hémicycle du mardi 21 janvier 2020 à 21h30
Haine sur internet — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Il est défavorable et pour plusieurs raisons. J'ai entendu de nombreuses interrogations et inquiétudes concernant l'article 1er. Elles sont naturelles s'agissant d'un texte qui est, nous en avons tous conscience, inédit. Nous nous sommes efforcés de trouver le juste équilibre entre respect de la liberté d'expression et protection des individus sur les réseaux sociaux. C'est presque une question de santé publique : nous devons protéger nos concitoyens des déferlantes quotidiennes de haine sur les réseaux sociaux.

Certains orateurs ont estimé que la proposition de loi conduisait à une privatisation de la liberté d'expression. Soit. Mais imaginons que nous supprimions l'article 1er et que nous en restions au droit en vigueur : les plateformes auraient toujours la possibilité de supprimer les contenus illicites sans qu'on sache ni quand ni comment et sans qu'aucune sanction leur soit applicable. En somme, si l'article était supprimé, on en reviendrait au statu quo et les plateformes pourraient continuer d'agir comme bon leur semblerait. Vous soutenez que nous allons déléguer l'autorisation de censure aux plateformes mais nous n'allons rien déléguer puisque la loi de 2004 pour la confiance dans l'économie numérique dispose déjà que les plateformes ont la responsabilité de retirer les contenus illicites. C'est écrit noir sur blanc !

Alors maintenant que faisons-nous ? Nous décidons-nous à avancer, à définir et encadrer les contenus que les plateformes doivent retirer, cela en nous appuyant sur le socle de la loi de 1881 qui doit s'appliquer pleinement aux réseaux sociaux ? Ou bien laissons-nous faire ? Est-ce qu'on avance ou est-ce qu'on renonce ? Telle est la question que je vous pose, chers collègues.

Vous avancez ensuite que nous prévoyons de contourner le juge. Ce n'est pas le cas. Le Sénat, lui, a cherché à le contourner puisqu'il a supprimé le volet judiciaire du texte. Or le juge est bien présent dans la nouvelle version de l'article – lequel vise des contenus manifestement illicites au sujet desquels existe une jurisprudence – , juge chargé de veiller au respect des droits de chacun puisque, conformément au droit commun, il pourra être saisi en référé pour une atteinte à la liberté d'expression ou même pour obtenir le retrait de certains contenus, comme c'est déjà possible. Le texte accorde donc au juge toute sa place alors que jusqu'à présent la responsabilité d'une plateforme n'a jamais été engagée au titre de la loi de 2004 – c'est que le système en vigueur ne fonctionne tout bonnement pas.

La crainte d'une sur-censure a également été exprimée. Nous avons bien entendu pris ce risque en considération : les plateformes pourraient en effet céder à la facilité consistant, pour éviter des sanctions, à supprimer massivement des contenus. Nous avons donc prévu une mesure visant à sanctionner les plateformes en cas de sur-censure. Un délit judiciaire est prévu pour le non-retrait de contenus manifestement illicites, mais il ne s'applique pas aux « contenus gris », qui demandent plus de temps et de recherches, notamment de contextualisation.

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