Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Cette dernière question me semble à la fois légitime et terriblement difficile. L'anxiété est réelle, mais elle concerne tellement de sujets en lien avec la santé qu'il paraît très difficile de trouver le bon curseur, surtout si l'on parle de verser une indemnité. Je pense qu'il vaut mieux travailler sur les causes que sur la réparation. Mon rôle, c'est de limiter l'anxiété en étant beaucoup plus performante dans la réassurance de la population, car presque tous les sujets que j'ai à traiter suscitent de l'anxiété, qu'il s'agisse par exemple des médicaments ou des risques alimentaires. Vous avez raison, monsieur le président, la santé est effectivement devenue la préoccupation numéro un des Français : c'est très impressionnant. D'ailleurs, les sites internet liés à la santé explosent – avec toutes les manipulations que cela peut impliquer.

En matière de gestion de crise, j'identifie deux enjeux majeurs. Premièrement, il importe d'accorder autant d'importance à la santé qu'à l'aspect sécuritaire, de traiter ces questions à égalité. Ce qui est frappant dans toutes les crises, c'est que les gens sont beaucoup plus préoccupés de leur santé à long terme que du risque immédiat. Le deuxième enjeu, c'est celui de la communication. Mme Firmin Le Bodo a évoqué les exercices de gestion de crise. Il est vrai que dans ces simulations, on gère parfaitement la mise à l'abri, l'intervention des pompiers, l'ouverture du centre de crise, mais que personne ne travaille sur la communication. Or il est clair que cela est devenu l'enjeu principal.

J'aimerais, pour conclure, vous rapporter une anecdote qui montre que notre société n'est pas encore prête à répondre à l'inquiétude des Français sur les questions de santé. Il se trouve que j'ai dû, en tant que présidente de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), gérer l'accident de Fukushima en 2011. Je suis restée quinze jours au centre de crise de l'IRSN pour analyser en temps réel ce qui se passait dans la centrale. C'est un lieu magnifique, avec une pièce dédiée à chaque question, par exemple à l'environnement ou à la météorologie, et même une salle qui permet de contrôler toutes les données de la centrale et presque de la piloter à distance. Mais on s'est vite rendu compte que le seul enjeu, dans cette crise, c'était la communication. Tous les médias français ne parlaient que de l'accident. Nous donnions une conférence de presse par jour. Or nous n'avions pas de salle dédiée à la communication. Nous n'avions pas non plus de salle affectée à l'évaluation sanitaire des risques, alors que nous devions faire des analyses de radioactivité pour les Français qui arrivaient de Tokyo ou encore pour les pilotes d'Air France.

Les centres de crise sont conçus pour faire face à l'accident, pour gérer les problèmes industriels et environnementaux, mais ils ne prennent pas en considération les questions relatives à la santé et aux médias.

L'IRSN, lui, a tiré les leçons de cet épisode et son centre de crise a été réorganisé après le retour d'expérience de Fukushima. Dans les expérimentations que nous faisons autour des sites Seveso et dans les villes qui les entourent, nous devons effectivement mettre la communication et la santé au coeur de nos préoccupations.

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