Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du mercredi 22 janvier 2020 à 15h00
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution - prorogation du mandat des membres de la haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

De prime abord, les deux projets de loi n'appellent pas un grand débat. Ils actualisent simplement la liste des fonctions et emplois pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République, prévu par l'article 13 de la Constitution, s'exerce après avis public des commissions parlementaires compétentes, et ce en vue de tirer les conséquences des réformes récentes. Or, bien loin du toilettage auquel on veut nous faire croire, le projet de loi et le projet de loi organique modifient de façon très substantielle les prérogatives du Parlement.

En premier lieu, le Gouvernement ne nous demande pas uniquement de prendre acte de réformes passées, mais de procéder à des modifications découlant d'ordonnances que nous n'avons ni examinées ni votées, et de textes dont l'adoption ou la ratification ne sont même pas en vue ! De même, la prorogation du mandat des membres du collège de la HADOPI anticipe la réforme de l'audiovisuel, dont l'examen a été reporté à plusieurs reprises.

Outre l'incohérence chronologique de la démarche, le Gouvernement donne l'impression qu'il prend la liberté d'anticiper sur les votes futurs de notre assemblée. Vous comprendrez, madame la secrétaire d'État, que nous contestions une telle méthode, qui nie totalement le rôle du Parlement. Je me permets de rappeler que, conformément à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut demander au Parlement l'autorisation de légiférer par ordonnances, et que celles-ci ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

Si nous pouvons concevoir le recours à cette procédure particulière s'agissant de textes déjà examinés, il n'est nulle part inscrit dans notre droit que le pouvoir exécutif peut devancer un vote de la représentation nationale sur un texte qui n'est pas même inscrit à l'ordre du jour, quelles que soient les commodités pratiques avancées en guise de justification par M. le rapporteur en commission des lois.

En second lieu, les deux projets de loi prévoient des modifications de la liste des nominations effectuées par le Président de la République et soumises au contrôle du Parlement. Plus particulièrement, le Gouvernement en réduit le nombre s'agissant de la SNCF.

Certes, la réforme ayant transformé la SNCF en société anonyme appelle des ajustements. Toutefois, le changement que le Gouvernement appelle de ses voeux est bien plus radical. En effet, seule la direction de la société nationale SNCF serait désormais soumise au vote des commissions compétentes. Ainsi, le Parlement n'aurait plus aucun droit de regard sur la direction des différentes filiales.

À l'heure actuelle, trois dirigeants de la SNCF sont soumis à la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution ; aux termes des textes qui nous sont soumis, il n'en resterait plus qu'un. Le contrôle parlementaire est donc très amoindri. Cette évolution s'avérera encore plus problématique qu'elle ne l'est déjà si la société mère décide de dissocier les fonctions de directeur général, d'une part, et celles de président du conseil d'administration, d'autre part.

En outre, l'ouverture programmée de la SNCF à la concurrence justifie que le Parlement porte un regard accru sur ces nominations. À cet égard, le texte issu du Sénat nous semblait bien plus sage.

Ainsi, ces textes n'ont rien de technique ni d'anodin. Ils révèlent au contraire d'importants choix politiques et doivent être examinés avec le plus grand sérieux. Si l'ajout des nominations à la CADA, à l'OFII, à l'ANSM et à l'ANSES est une bonne chose, les autres dispositions, tant sur la forme que sur le fond, nous empêchent de leur être favorables.

Par principe, nous réfutons tout ce qui pourrait encore amenuiser la raison d'être de la représentation nationale. Chers collègues, je vous invite à bien mesurer le poids de votre vote sur ces questions, afin d'éviter que le Parlement ne participe lui-même à l'affaiblissement de ses pouvoirs.

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